Rechercher
Rechercher

Moyen-Orient - Focus

Désunis, les Kurdes à la peine face au rapprochement Bagdad-Ankara

Fort de la visite d’Erdogan, le gouvernement central poursuit son effort de reprise en main de la région autonome du Kurdistan.

Désunis, les Kurdes à la peine face au rapprochement Bagdad-Ankara

Le chef du Parti démocratique du Kurdistan (PDK) Massoud Barzani et le président turc Recep Tayyip Erdogan à Erbil, le 22 avril 2024. Photo AFP

Le président turc Recep Tayyip Erdogan est passé mardi à Erbil, après la première étape de sa visite d’État à Bagdad, mais il n'y a pas de quoi rassurer les Kurdes d’Irak. Prônant un renouveau dans les relations turco-irakiennes, M. Erdogan a signé une vingtaine de contrats avec son voisin, dont un mémorandum d’entente concernant la « Route du développement », révélé en mai 2023 et devant relier le Golfe à la Turquie en passant par le port irakien de Bassorah. Ce projet prévoit de contourner la région autonome du Kurdistan irakien, qui observe, impuissant, le réchauffement entre Bagdad et Ankara. « Le rapprochement entre les deux pays aura un impact indéniable sur le Kurdistan », affirme David Romano, professeur de sciences politiques du Moyen-Orient à l’Université d'État du Missouri.

Le pétrole kurde

Le 4 avril, peu avant la visite du chef de l'État turc, Erbil et Bagdad avaient pourtant signé un accord temporaire pour reprendre les exportations du pétrole kurde vers la Turquie. Suspendues depuis le 25 mars 2023, celles-ci s'effectuaient sans autorisation du gouvernement fédéral de Bagdad, qui avait ainsi porté l’affaire devant la Chambre de commerce internationale pour la période allant de 2014 à 2018.

Dans sa décision, l’instance arbitrale avait demandé une interdiction de poursuivre les exportations et exigé de la Turquie qu’elle verse à l’Irak une amende de 1,5 milliard de dollars. « Cette situation a financièrement lié les mains du Kurdistan et l'a contraint à négocier avec Bagdad », explique Mohammad A. Salih, chercheur à l'Institut de recherche sur la politique étrangère de Philadelphie, alors que la région autonome exportait auparavant près de 475 000 barils par jour. Si les compagnies pétrolières étaient attirées par les prix réduits qu'Erbil leur offrait, Bagdad insistait pour que les contrats s’alignent aux conditions du marché. Le gouvernement régional du Kurdistan sera désormais tenu de remettre le pétrole produit dans le nord de l'Irak à l'Organisation d'État pour la commercialisation du pétrole (SOMO).

Lire aussi

« Route du développement » en Irak : les ambitions de Bagdad soutenues par Ankara

Alors que l’accord entre Erbil et Bagdad tarde à se concrétiser, le pouvoir central irakien, qui cherche à regagner du contrôle sur le Kurdistan, aurait commencé à rénover il y a deux semaines le pipeline entre Kirkouk et Ceyhan en Turquie, comme une alternative aux installations kurdes. Une façon de retarder la mise en œuvre de l’accord et de reprendre la main sur l’ensemble des exportations pétrolières du pays. D’autant que « Bagdad n’est pas pressé, car l'Irak doit limiter sa production de pétrole aux quotas de l'OPEP. Autoriser la vente du pétrole du Kurdistan signifierait des réductions artificielles de la production de Bassorah et d'autres champs du Sud, afin de respecter ces quotas », affirme David Romano.

Vers une centralisation ?

Si l’entente entre Ankara et Bagdad accroît la pression sur la région autonome du Kurdistan, celle-ci doit en outre faire face à des luttes intestines, attisées par des mesures décidées à Bagdad. S’appuyant sur des plaintes de fonctionnaires kurdes pour salaires impayés, alors que le gouvernement fédéral s'appuyait sur Erbil pour gérer les employés de l’État, Bagdad exige désormais de les rémunérer directement, pour accroître officiellement le contrôle sur la corruption. Une nouvelle saluée par de nombreux fonctionnaires, tandis que le gouvernement régional a fermement condamné ce changement, le considérant comme un abus de l'autorité fédérale.

Lire aussi

Eau, pétrole, sécurité régionale: le président turc Erdogan arrive à Bagdad

Bagdad a par ailleurs divisé, en décembre dernier, la région autonome en quatre zones électorales au lieu de trois, provoquant l’annonce du boycott des élections régionales reportées depuis par le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) au pouvoir à Erbil, désormais moins avantagé. Un bras de fer qui se joue en outre sur fond de rivalité historique entre le PDK et l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) basée à Souleimaniyeh.

Si les deux partis ont besoin l’un de l’autre pour assurer l’autonomie du Kurdistan, leur positionnement par rapport au pouvoir central est divergent : « Le principal parti au pouvoir, le PDK, s'oppose avec véhémence à la redéfinition du processus électoral par Bagdad. Toutefois, des groupes moins puissants localement, dont l’UPK, soutiennent en partie ces mesures », explique Mohammad A. Salih, alors que ces décisions de Bagdad « semblent conçues pour recentraliser le pouvoir dans la capitale. Le Kurdistan n'aura pratiquement aucune alternative si Ankara et Bagdad développent une étroite collaboration », estime David Romano.

Une alliance militaire Turquie-Irak ?

Et la pression de l’Irak fédéral ne semble pas près de diminuer alors que le Premier ministre irakien, Mohammad Chia el-Soudani, a évoqué lundi une « coordination sécuritaire bilatérale » entre Bagdad et Ankara pour répondre « aux besoins des deux parties et faire face aux défis posés par la présence d'éléments armés, susceptibles de coopérer avec le terrorisme et de violer la sécurité des deux pays ». Cette crainte de plus pèse sur le Kurdistan irakien, alors que la nouvelle entente repose désormais aussi sur la lutte contre le Parti des travailleurs du Kurdistan, bête noire d’Ankara mais proche de l’UPK, à l'intérieur de ses frontières. Si en mars dernier, le ministre irakien de la Défense, Thabet al-Abassi, excluait « des opérations militaires conjointes » contre le PKK, il soulignait toutefois que Bagdad et Ankara œuvreraient « au lieu et au moment voulus » à la mise en place d'un « centre conjoint de coordination des renseignements ». Une façon de limiter encore plus l’autonomie du Kurdistan, pour Mohammad A. Salih : « Le gouvernement régional du Kurdistan s'efforce de rester un acteur important en s'adressant à la fois à la Turquie et à Bagdad, mais les craintes des Kurdes sont bien fondées. »

Le président turc Recep Tayyip Erdogan est passé mardi à Erbil, après la première étape de sa visite d’État à Bagdad, mais il n'y a pas de quoi rassurer les Kurdes d’Irak. Prônant un renouveau dans les relations turco-irakiennes, M. Erdogan a signé une vingtaine de contrats avec son voisin, dont un mémorandum d’entente concernant la « Route du développement »,...

commentaires (1)

Le seul Peuple qui a été le dindon de la farce du partage de l'Empire ottoman en 1917 et qui n'a pas d'état.

Dorfler lazare

09 h 13, le 25 avril 2024

Tous les commentaires

Commentaires (1)

  • Le seul Peuple qui a été le dindon de la farce du partage de l'Empire ottoman en 1917 et qui n'a pas d'état.

    Dorfler lazare

    09 h 13, le 25 avril 2024

Retour en haut