À travers sa nouvelle circulaire intermédiaire n° 593 publiée hier, la Banque du Liban (BDL) a officialisé les nombreuses nouvelles de ces derniers jours, voire semaines, concernant l’avenir de la politique de subvention. En effet, la banque centrale va assurer aux importateurs de carburants (essence, mazout et gaz) la totalité du montant en devises au taux de la plateforme Sayrafa, qui était hier de 16 500 livres pour un dollar, alors que sur le marché parallèle, un billet vert s’échange contre près de 19 200 livres. Samedi passé, les autorités se sont mis d’accord sur une solution temporaire à ce dossier : la BDL fournit des devises au taux de la plateforme et le carburant est vendu au taux de 8 000 livres jusqu’à fin septembre. C’est au gouvernement de couvrir la différence à partir d’une avance sur le budget 2022. Le ministre sortant des Finances Ghazi Wazni avait annoncé en juin travailler sur cet avant-projet. Il avait aussi indiqué en janvier travailler sur celui de 2021, mais rien n’a été communiqué par la suite.
Certains produits continueront de bénéficier d’une subvention au taux officiel de 1 507,5 livres, comme le blé, le lait pour nourrissons de moins d’un an, ainsi que les médicaments, le matériel médical et les matières premières destinées à l’industrie pharmaceutique. Lors de son interview à la radio le 14 août, le gouverneur de la BDL, Riad Salamé, avait précisé qu’il restait assez de réserves de devises pour subventionner ces biens, sans préciser la durée. Toutefois, cela fait déjà plus d’un mois que plusieurs médicaments (à part ceux destinés aux maladies incurables notamment) sont subventionnés au taux de 12 000 livres.
Livres à fournir en espèces
La circulaire n° 593 énonce également que les banques devront fournir les montants libellés en livres en espèces à la BDL, obligeant ainsi par ricochet les clients à fournir des livres en espèces à leurs établissements bancaires. Dans le même temps, les banques restreignent les retraits en livres en raison de restrictions de la part de la banque centrale, d’une part, et du fait qu’elles ne souhaitent pas ponctionner certains montants sur leurs placements à long terme au sein de la BDL, d’autre part.
La banque centrale fournissait des devises aux importateurs de biens essentiels et de première nécessité depuis octobre 2019, soit depuis le début de la crise et de la dépréciation de la livre (qui a perdu depuis plus de 90 % de sa valeur). Mais, à partir d’août 2020, elle avait alerté les autorités sur son incapacité à continuer le régime actuel de subvention en raison d’une baisse de ses réserves en devises. Ces dernières s’élevaient à « 14 milliards de dollars et quelques », selon Riad Salamé le 14 août, et se rapprochent donc des réserves obligatoires. Pour utiliser ces dernières, le gouverneur exige une loi, ce qui n’est précisé ni par la législation nationale (le code de la monnaie du crédit) ni internationale (la Banque des règlements internationaux, BRI, ou BIS en anglais).
À fin juin, la banque centrale avait prêté près de 800 millions de dollars à l’État (selon les propos du gouverneur qui n’a pas précisé les autres modalités du prêt) pour financer les subventions de carburant en ponctionnant cette partie sur les réserves obligatoires. Rien ne permet donc de savoir comment la banque centrale finance les subventions actuelles de carburant, même si la perte est inférieure aux autres régimes de subvention.
Or, la levée des subventions provoquera une hausse des prix qui poussera une part encore plus importante de la population sous le seuil de pauvreté, alors que déjà plus de la moitié des Libanais vivent en dessous de ce seuil. C’est pour cela que plusieurs voix appellent depuis de nombreux mois à mettre en place la carte d’approvisionnement qui fournira des transferts mensuels à 500 000 familles libanaises. Mais cette carte n’a toujours pas encore été finalisée par le comité ministériel en charge.
commentaires (5)
"… une avance sur le budget 2022 …" - j’adore…
Gros Gnon
14 h 02, le 28 août 2021