Rechercher
Rechercher

Économie - Interview

Pour Andrew Fusco, de Worldclaim, les dégâts de la double explosion ont été sous-évalués

Le Liban a commémoré, il y a deux semaines, le premier anniversaire de la terrible tragédie qui a eu lieu au port de Beyrouth le 4 août 2020, qui a tué plus de 200 personnes et provoqué plusieurs milliards de dollars de dégâts que les assurances n’ont pas encore couverts en intégralité. Mandaté par plusieurs acteurs du secteur privé libanais pour piloter les opérations de recouvrement des indemnisations dues à ses clients, le président et directeur des opérations (Chief Operation Officer, COO) de Worldclaim, Andrew Fusco, revient pour « L’Orient-Le Jour » sur les enjeux de sa mission.

Pour Andrew Fusco, de Worldclaim, les dégâts de la double explosion ont été sous-évalués

Le président et directeur des opérations (Chief Operation Officer, COO) de Worldclaim, Andrew Fusco. Photo DR

Depuis quand l’entreprise de recouvrement Worldclaim, qui assiste les assurés pour débloquer ou accélérer les procédures d’indemnisation prévues par leurs polices d’assurance, est-elle établie au Liban ?

L’entreprise Worldclaim a commencé à opérer sur le territoire libanais juste après la double explosion du 4 août 2020. Si nous n’avons pas encore pu obtenir d’indemnisations pour le compte de nos clients, c’est parce qu’il s’est écoulé relativement peu de temps depuis le déclenchement des procédures, compte tenu de la complexité du dossier. Sans oublier que les nombreuses périodes de confinement décrétées pour lutter contre la pandémie de Covid-19 ont ajouté du retard dans l’élaboration des dossiers.

Quel est le montant des pertes pour vos clients ?

Nos clients, qui sont en majorité des entreprises et des particuliers possédant des propriétés foncières, comme les hôtels Phoenicia et Four Seasons, ainsi que les immeubles Skyline, Marina Towers et Damac Tower, peuvent réclamer des centaines de millions de dollars d’indemnisations aux sociétés d’assurance.

Ces montants concernent notamment des dégâts subis par les bâtiments ou encore les pertes d’exploitation provoquées par la fermeture des entreprises, par exemple.

De manière plus globale, un des problèmes principaux qui survient suite à des sinistres de grande ampleur, que leur origine soit naturelle ou non, est que les dégâts sont systématiquement sous-évalués dans une proportion d’au moins 10 %. Cela est généralement dû au fait que les assureurs sont débordés par le nombre de procédures à lancer et passent rapidement sur l’évaluation des dégâts.

Le différentiel pourrait être même plus important pour le port de Beyrouth.

La Banque mondiale, en collaboration avec l’ONU et l’Union européenne (UE), avaient, à fin août, estimé les dégâts entre 3,8 et 4,6 milliards de dollars. Mais, pour nous, ce montant oscillerait en réalité entre 9 et 10 milliards de dollars. Les montants évoqués sont libellés en dollars frais (un dollar frais s’échangeant hier contre près de 18 000 livres, NDLR).

Quelles sont les difficultés spécifiques au cas libanais que vous rencontrez ?

Depuis quelques mois, plusieurs compagnies d’assurances ont commencé à dédommager des clients en utilisant leurs devises bloquées, soit les dollars libanais qui ne peuvent être retirés qu’à 3 900 livres pour un dollar. Or ces compagnies d’assurances ont été, elles, remboursées par leur réassureurs en vrais dollars, et le fait qu’elles ne versent pas ce qu’elles doivent aux assurés en jouant sur les restrictions bancaires est inapproprié.

Lire aussi

Un an après l’explosion au port de Beyrouth, les petites entreprises toujours en convalescence

Il faut garder à l’esprit que 90 % des fonds des réassureurs sont déposés en dehors du pays et qu’ils travaillent essentiellement à l’étranger. C’est la raison pour laquelle, dans certains cas, nous préférons communiquer directement avec les réassureurs, dépendamment du contrat qui a été rédigé, s’il inclut une clause dérogatoire par exemple et que l’assuré remplit toutes les conditions.

Plusieurs sociétés d’assurances avaient déclaré après l’explosion qu’elles attendraient le résultat de l’enquête du port, qui tarde pour plusieurs raisons, notamment politiques. Êtes-vous aussi suspendus à cette échéance ?

Deux polices d’assurance pourraient s’appliquer dépendamment des causes de l’explosion. Soit cette dernière résulte d’une cause politique, d’un acte terroriste dans ce cas précis, soit elle trouve sa source dans un fait générateur plus « normal » (négligence, non-respect des normes sécuritaires et de stockage, NDLR).

Notre entreprise a commencé à monter des dossiers et à réclamer des dédommagements en partant du principe que le 4 août 2020 s’inscrit dans le deuxième cas de figure. Si jamais l’investigation démontre qu’il s’agit plutôt de la première possibilité, alors nous changerons de position, mais le gros du travail, qui est l’évaluation correcte des dégâts, aura été fait. De plus, comme dit précédemment, plusieurs réassureurs ont déjà réglé certains montants aux sociétés d‘assurances.

Lire aussi

Explosion du port : lancement du fonds « B5 » pour les PME touchées

Les agents souscrivent à des polices d’assurance car ils n’ont pas la garantie d’avoir les fonds nécessaires si une catastrophe survient. C’est la même raison qui pousse les sociétés d’assurances à justement s’assurer auprès de réassureurs, qui, eux, paieront le montant élevé des dégâts (s’agissant de la reconstruction d’une bonne partie de la capitale, NDLR).

Il reste qu’à cause de la nécessité d’attendre les résultats, nombre de clients ont été contraints d’avancer les fonds liés aux réparations, pour ensuite se faire rembourser, ce qui a interpellé pas mal de sociétés, qui avaient suffisamment de moyens financiers pour se relancer, sur l’utilité d’avoir investi dans une police d’assurance. La situation actuelle est assez frustrante parce que les entrées de dollars frais liées aux procédures d’indemnisation pourraient permettre à Beyrouth de rebondir, si toutefois l’argent arrive aux destinataires et est bien utilisé.

Depuis quand l’entreprise de recouvrement Worldclaim, qui assiste les assurés pour débloquer ou accélérer les procédures d’indemnisation prévues par leurs polices d’assurance, est-elle établie au Liban ? L’entreprise Worldclaim a commencé à opérer sur le territoire libanais juste après la double explosion du 4 août 2020. Si nous n’avons pas encore pu obtenir...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut