Trois incidents, de prime abord inoffensifs, sont passés relativement inaperçus le week-end dernier, le terrible drame de l’explosion d’une citerne d’essence au Akkar ayant, évidemment, pris le dessus.
Dans un Liban survolté par les conséquences de plus en plus graves de la crise et contre son establishment politique, les députés et autres responsables politiques sont, depuis des mois déjà, la cible d’opérations ciblées de harcèlement de la part de membres des mouvements de contestations nés avec la thaoura ou, tout simplement, de Libanais en colère. Sauf qu’au cours du week-end écoulé, ce sont des parlementaires du Hezbollah, auxquels rares sont ceux qui osent s’attaquer, qui ont été visés. Ils l’ont été, en outre, et c’est encore plus rare, par des personnes issues de la base populaire du parti.Motivées par un mécontentement grandissant qui ne connaît plus de frontières communautaires, ces attaques ont mis dans l’embarras un parti qui ne cesse de vanter sa capacité de résilience et celle de sa base. Bien qu’inquiété par la dégradation de la situation sécuritaire, le Hezbollah tempère, camoufle ou menace, mais reste incontestablement le maître du jeu. Relativement épargné jusqu’à maintenant dans ces cercles par les accusations directes de corruption ciblant la classe politique – on lui reprochait plutôt d’avoir couvert la corruption et les malversations pour vaquer à ses aventures militaires extraterritoriales –, le parti chiite n’y échappe plus. Désormais, il est pointé du doigt comme l’un des principaux responsables de l’effondrement du pays.
Devant le domicile du député Anouar Jomaa, à Ali Nahri dans la Békaa, une dizaine de jeunes contestataires se sont attroupés jeudi dernier, pour lancer des pierres et des injures à l’élu de la localité qui ne se trouvait pas chez lui à l’heure de l’incident. « Ils ont proféré des obscénités alors que ma femme, paniquée, mes deux filles et ma petite-fille, un nouveau-né, se trouvaient seules, sans défense. Ils m’ont traité de voleur et m’ont accusé de n’avoir absolument rien fait pour la région durant ma législature », confie Anouar Jomaa à L’Orient-Le Jour, apparemment encore très secoué par ce qui s’est passé. Aussitôt, son « assistant » est venu repousser les contestataires et les éloigner du domicile, toujours selon son témoignage. Le lendemain, les services de renseignements de l’armée ont perquisitionné le domicile de huit parmi les contestataires présents jeudi et les ont arrêtés sur-le-champ. Quelques heures plus tard, et alors que l’affaire avait fait le tour des médias, ils ont été relâchés à la demande du Hezbollah lui-même.
S’ils ont été rapidement libérés, c’est tout simplement parce que tout le village de Ali Nahri, pourtant connu pour son obédience au parti chiite, est descendu dans la rue pour réclamer la libération de ses fils et protester contre leur arrestation, explique Charif Sleiman, un avocat chiite de la localité, membre du mouvement de contestation du 17 Octobre.
Salaire réduit en dollars
« C’est du jamais-vu. Il y a quelque temps encore, si quelqu’un osait défier le Hezbollah ou un des membres du parti, sa famille le reniait immédiatement. Il devenait systématiquement marginalisé socialement », dit l’avocat. Ce qui, laisse-t-il entendre, n’est apparemment plus le cas comme en témoigne cette affaire. « Même si certains membres du parti continuent de toucher un salaire réduit en dollars, cela ne leur permet pas pour autant de faire parvenir l’électricité à leur domicile. La souffrance n’épargne plus personne », commente un analyste proche des milieux chiites. C’est d’ailleurs ce qui a poussé Anouar Jomaa à œuvrer tout le long du week-end dernier à assurer l’électricité dans la région, en sollicitant le ministre de l’Industrie sortant, Imad Hoballah, proche du parti pro-iranien. « C’est pour se racheter aux yeux des habitants », analyse un habitant de la localité.
C’est d’ailleurs le rationnement extrême du courant électrique qui a poussé une cohorte de jeunes à Bourj Brajneh, dans la banlieue sud de Beyrouth, à s’attaquer samedi dernier à la résidence d’un autre député du Hezbollah, Ali Ammar. Le quartier était plongé dans l’obscurité alors que la résidence du parlementaire scintillait de tous ses feux, selon le témoignage d’une habitante du quartier.
Pour le Hezbollah, ces agressions « suspectes » sont clairement l’œuvre de tierces parties, notamment étrangères, qui espèrent déstabiliser le parti en profitant du chaos qui prévaut et susciter une insurrection contre lui. « Il y a des tentatives d’infiltrer les milieux chiites mécontents pour ébranler leurs assises. Mais elles n’ont pas abouti », affirme une source du parti chiite. Avalisant la théorie du complot, elle ajoute que « les pêcheurs en eaux troubles » avaient même espéré que les incidents de Chouaya puissent plutôt avoir lieu dans des régions chiites pour parvenir à leurs desseins. Dans cette localité de Hasbaya, des cheikhs druzes avaient intercepté il y a près de deux semaines une camionnette du Hezbollah sur laquelle était monté un lance-roquettes utilisé pour tirer contre Israël. Les passagers du véhicule avaient également été quelque peu malmenés, un incident tout aussi inédit.
Bien que ses adversaires soient nombreux et que plusieurs puissances souhaitent effectivement faire vaciller le parti chiite, il n’en demeure pas moins que la colère populaire, même dans les régions où prédomine le Hezbollah, monte crescendo et n’est certainement pas à confondre avec les présumées tentatives d’affaiblissement du parti. Le mortier B7 tiré hier en cours d’après-midi dans le cadre de dérapages violents au niveau d’une station-service à Kafa’at, un quartier à prédominance chiite, est une illustration de cette tension grandissante.
Si de tels incidents – que le Hezbollah a d’ailleurs cherché à étouffer par tous les moyens – ont sérieusement écorné le parti, ce dernier semble en tout cas tenir le cap et ne lâche pas prise. C’est après la libération de leurs proches, mais aussi après des menaces, que les habitants de Ali Nahri ont fini par ravaler leur colère.
« Le parti a effectué une visite dans chacune des maisons du village, vendredi dernier. Il a prévenu les habitants que la répression guette si quiconque ose fomenter des troubles à la husseiniyé (lieu de culte chiite) où devait s’exprimer le même soir le député Hussein Hajj Hassan, à l’occasion de la Achoura. Plus personne n’a osé bougé le petit doigt », affirme Anouar Jomaa, qui dément les informations selon lesquelles son collègue au Parlement aurait été attaqué à son tour à coups de jets de tomates lors de son passage dans le village.
Plus embarrassante encore pour le Hezbollah, l’affaire qui s’est ébruitée faisant état de la perquisition samedi dernier par les services de renseignements de l’armée d’un entrepôt où avaient été dissimulés plusieurs dizaines de milliers de litres d’essence. Selon le journaliste qui a révélé l’affaire, Imad Kmayha, la station qui se trouve à Doueir, à Nabatiyé, appartient au responsable du bureau du député Mohammad Raad, le chef du groupe parlementaire du Hezbollah. Le même soir, M. Raad, qui devait s’exprimer dans une husseiniyé, a dû annuler son intervention. Le parti a tenté de justifier l’affaire par le fait que le carburant appartenait à la municipalité, raconte le journaliste.
Autant de secousses qui, si elles font craindre une dégradation sécuritaire progressive, comme ce fut le cas hier à Kafa’at, ne peuvent en aucun cas constituer les prémices d’un soulèvement contre le parti chiite.
Selon un analyste politique issu des milieux proches du Hezbollah et du mouvement Amal qui a requis l’anonymat, le problème majeur dans ces milieux est qu’ils sont convaincus que si le tandem chiite s’effondre, la communauté risquerait de revenir à une situation similaire à celle qui prévalait avant la guerre civile. C’est-à-dire lorsque les chiites, appelés à l’époque les « déshérités », se sentaient exclus économiquement et socialement du système et marginalisés par rapport au reste des composantes du Liban.
commentaires (13)
Les menaces ne sont pas un signe de respect ! Ce que Son Effervescence Nasrallah n'a pas compris. Il suit juste ce qu'il apprit de ses semblables au pouvoir en Iran! HN est incapable d'accepter ses torts! Il n'a jamais défendu son pays natal! Alors pour moi c'est normal ce qu'il fait! Le mûr de la peur qu'il a bâtit autour de sa communauté, s'effrite! Et il va se retrouver à rester sous terre dans son bunker pour survivre ou fuir en Iran!
Marwan Takchi
21 h 32, le 18 août 2021