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Politique - Explosions au port

Pas de quorum aujourd’hui à la séance parlementaire

Le bloc du Futur a décidé de ne pas participer à la réunion convoquée par le président du Parlement, ainsi que la majorité des autres blocs, à part ceux d’Amal et du Hezbollah.

Pas de quorum aujourd’hui à la séance parlementaire

Les députés en séance plénière au palais de l’Unesco, le 30 juin 2021. Photo Ali Fawaz / Parlement libanais

La décision du bloc du Futur de ne pas participer à ce que l’opinion publique a qualifié de « séance parlementaire de la honte » a sonné le glas du quorum que pouvait espérer le président du Parlement, Nabih Berry, pour tenir ce matin cette réunion destinée à examiner une éventuelle mise en accusation, devant une commission parlementaire, de trois députés poursuivis par le juge Tarek Bitar, en charge de l’enquête sur la double explosion au port de Beyrouth.

Tout au long de la journée d’hier, les groupes parlementaires ont successivement annoncé leur intention de ne pas se rendre au palais de l’Unesco (siège temporaire du Parlement). Ainsi, moins de 59 des 117 députés en exercice (après la démission de huit d’entre eux en août 2020 et le décès de trois autres depuis janvier 2021) comptaient être présents à la séance, donc moins de la majorité absolue requise. Le bloc du Futur, qui, dans un premier temps, n’avait pas clairement annoncé sa non-participation à la séance, a finalement tranché en faveur de cette option lors d’une conférence de presse au cours de laquelle il a réitéré sa proposition de lever toutes les immunités, tel que l’a assuré à L’Orient-Le Jour le député Sami Fatfat hier en soirée. Malgré ces boycotts annoncés, selon les informations disponibles hier, le président du Parlement maintient la séance de ce matin.

L'éditorial de Issa Goraïeb

Une cabale qui en dit long

Le juge d’instruction près la Cour de justice, Tarek Bitar, avait demandé début juillet la levée de l’immunité des trois députés Ali Hassan Khalil, Ghazi Zeaïter et Nouhad Machnouk, respectivement anciens ministres des Finances, des Travaux publics et de l’Intérieur, ainsi que de l’ancien ministre (des Travaux) Youssef Fenianos, de juges et de responsables sécuritaires, en vue de les inculper pour « éventuelle intention d’homicide, négligence et manquements » à leurs responsabilités dans l’affaire de la double explosion meurtrière du 4 août 2020. Selon le texte de la convocation à la réunion, la Chambre doit examiner « la demande de mise en accusation, en vertu de l’article 22 annexé à l’article 20 de la loi 13/90 (procédures pour les procès devant la Haute Cour en vertu de l’article 80 de la Constitution) ». L’article en question stipule que « le Parlement convoque une séance spéciale qui se tiendra dix jours après que la ou les personnes qui doivent faire l’objet de poursuites ont obtenu une copie de l’acte d’accusation. Après avoir entendu les plaidoyers de l’accusation et de la défense, le Parlement décide à la majorité absolue de ses membres de transférer immédiatement devant une commission parlementaire spéciale, nommée “commission d’enquête”, la demande d’accusation, avant de voter ou de rejeter cette demande ».Une proposition considérée comme une tentative de soustraire les personnalités poursuivies à l’action du juge Bitar en les faisant comparaître devant une Haute Cour chargée de juger les présidents et les ministres. Une Haute Cour qui n’a jamais été opérationnelle. Dans un bref communiqué, le chef du Parlement a justifié hier, après les annonces de boycott, la légalité de cette Haute Cour, s’appuyant notamment sur plusieurs articles de la Constitution détaillant ses prérogatives. « À ceux qui font valoir l’illégitimité et l’illégalité » de cette instance, « quelle valeur donnez-vous aux articles 60, 50, 71 et 80 de la Constitution et à la loi 13/90 ? s’est interrogé M. Berry. Qu’avez-vous fait lorsque vous avez élu sept députés comme membres de cette Haute Cour en plus des huit juges ? » « Vous ne comprenez pas ce que vous faites ! » a-t-il ajouté.

« Tous devant le juge Bitar »

Selon Sami Fatfat, « la décision (du bloc du Futur) a été prise de ne pas participer à la séance, mais une partie des députés se rendront au Parlement pour y tenir une conférence de presse ». « Nous allons réitérer notre proposition de changement des lois et d’amendement de la Constitution afin que toutes les immunités soient levées, déclare-t-il à L’OLJ. Pourquoi certains responsables ayant été tenus au courant de la présence du nitrate d’ammonium (responsable de la double explosion) au port doivent-ils être jugés, tel le Premier ministre sortant Hassane Diab, alors que d’autres, comme le président de la République, qui en savaient tout autant, doivent être protégés par leur immunité ? Il faut que tous, hommes politiques et responsables sécuritaires, soient jugés au même titre. Changeons les lois afin que nous nous en remettions tous à la même instance, qui est la Cour de justice, et au juge Bitar. »

Cette proposition ne fait pas l’unanimité auprès des blocs parlementaires. Selon notre chroniqueur politique Mounir Rabih, les avis étaient divergents au sein du bloc du Futur, mais ce sont finalement l’ancien Premier ministre Saad Hariri et sa tante la députée Bahia Hariri qui ont tranché en faveur d’une non-participation à la séance parlementaire, invoquant la pression populaire. Cette décision a de toute évidence indigné le président du Parlement qui comptait sur la coopération de Hariri. Mais celui-ci lui a fait parvenir qu’il ne pouvait plus supporter la pression populaire et celle provenant de son propre bloc, où les voix indignées font valoir qu’une partie politique ayant réclamé la vérité sur l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri ne pouvait aujourd’hui refuser de soutenir le juge en charge de l’enquête du port.

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Les autres blocs ayant clairement annoncé leur boycott hier sont ceux des Forces libanaises (de Samir Geagea), du Courant patriotique libre (de Gebran Bassil), du Parti socialiste progressiste (de Walid Joumblatt) ainsi que le groupe dit de la « Garantie de la Montagne » (composé de Talal Arslane et trois députés du CPL), le bloc des Marada et plusieurs indépendants. « Nous avions présenté une pétition demandant que soit votée la demande de levée des immunités demandée par le juge Bitar et avons donc été surpris de la convocation à une réunion concernant l’article 22 et une pétition illégale qu’ont signée quelques députés et qui vise à détourner l’instruction », a indiqué Samir Geagea. Sur Twitter, le chef du CPL a, lui, estimé que la réunion n’était pas légale, selon l’article 93 du règlement interne de la Chambre. Cet article prévoit que le délai requis pour convoquer une séance plénière afin de discuter de la levée de l’immunité des députés est de deux semaines après l’envoi d’un rapport établi par le bureau de la Chambre et la commission de la Justice. « Nous refusons toute tentative de certains, au sein de la Chambre, de contourner la justice et d’empêcher que l’enquête se poursuive afin que la vérité soit faite », a ajouté Gebran Bassil.

« Nous aurions voulu qu’une séance soit convoquée pour voter la demande de levée des immunités transmise par le juge Bitar début juillet, et non la comparution des anciens ministres devant la Haute Cour », ont pour leur part critiqué les députés joumblattistes.

Les parents des victimes plus déterminés que jamais

Quoi qu’il en soit, la séance aura, jusqu’à nouvel ordre, toujours lieu aujourd’hui, à 11h, même en l’absence de quorum, principalement en présence des membres des blocs d’Amal et du Hezbollah. Toujours selon Mounir Rabih, ce nouvel épisode contribuera à isoler encore un peu plus le tandem chiite : après les incidents sur le terrain à Khaldé (qui ont opposé le Hezbollah à des membres de tribus sunnites) et à Chouaya (dont des habitants druzes ont intercepté un camion transportant un lance-roquettes utilisé par le Hezbollah pour cibler Israël), et après la querelle avec Bkerké et d’autres parties chrétiennes depuis le drame du port – qui a pris de nouvelles proportions dernièrement après la violente campagne de dénigrement orchestrée par des partisans et des alliés du Hezbollah, via les réseaux sociaux, contre le patriarche maronite –, ce revers au Parlement vient confirmer cette tendance favorisée par des pressions internes et externes, estime-t-il.

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Pour une source des FL, « sans aller jusqu’à l’isolement pur et simple, cela aura montré l’incapacité du tandem chiite à imposer le point de vue qui consiste à confier l’affaire à la Haute Cour au lieu de suivre la procédure demandée par le juge Bitar ». « Cela est prouvé par le fait même que la plupart des blocs rejettent cette proposition, poursuit cette source. Mais même si le quorum n’est pas atteint au cours de cette séance, cela n’implique pas nécessairement que le Parlement ira droit au vote sur la levée des immunités, comme l’exige le juge. »

Entre-temps, au-delà de ces subtilités politiques, les parents des victimes de la double explosion sont plus que jamais déterminés à s’opposer à cette « séance de la honte ». Un communiqué publié hier en soirée a confirmé qu’ils seraient dans la rue ce matin afin d’empêcher l’arrivée des députés à la séance.

La décision du bloc du Futur de ne pas participer à ce que l’opinion publique a qualifié de « séance parlementaire de la honte » a sonné le glas du quorum que pouvait espérer le président du Parlement, Nabih Berry, pour tenir ce matin cette réunion destinée à examiner une éventuelle mise en accusation, devant une commission parlementaire, de trois députés poursuivis par...

commentaires (4)

On ne connaîtra jamais la vérité, que tout le monde connaît. La classe politique corrompue ne laissera aucun juge de toucher aux politiciens

Elias

19 h 41, le 12 août 2021

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Commentaires (4)

  • On ne connaîtra jamais la vérité, que tout le monde connaît. La classe politique corrompue ne laissera aucun juge de toucher aux politiciens

    Elias

    19 h 41, le 12 août 2021

  • Ils ont tous été contraints et forcés à jouer les patriotes. On verra combien de temps cela va durer. Toutes les décisions étatiques devraient avoir le même sort pour pouvoir arracher ce pays des mains des vendus. Il ne faut pas faiblir ni se résigner, c’est le devoir de chacun de ces responsables de restituer la souveraineté de notre pays puisqu’ils ont failli à leur devoir de la conserver et ce depuis des décennies.

    Sissi zayyat

    15 h 27, le 12 août 2021

  • Il discutent du sex des anges pour prétendre de faire quelque chose pour arriver a la vérité. Des crapules, tous!

    Saleh Tassabehji / AQI

    08 h 47, le 12 août 2021

  • Les suspects de la criminelle explosion du port se montrent encore une fois du doigt. Le doute n’est plus possible

    Goraieb Nada

    08 h 39, le 12 août 2021

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