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Feux de rampes

Toute équipée militaire n’a jamais rien d’une promenade et les Libanais, tant de fois échaudés, sont bien placés pour le savoir. Le Hezbollah lui-même n’est pas en droit de l’ignorer ou, pire encore, de l’oublier : Hassan Nasrallah ne reconnaissait-il pas qu’il n’aurait jamais quêté sa divine victoire de 2006 s’il en avait seulement imaginé l’exorbitante facture ?


Particulièrement inopportune est cependant l’actuelle flambée de violence à la frontière libano-israélienne, même si les projectiles échangés ces deux derniers jours ont visé surtout des zones non peuplées, les deux protagonistes s’accordant à exclure toute confrontation totale. La soudaine poussée de fièvre tombe bien mal, d’abord, pour cette victime de prédilection, ce souffre-douleur désigné, consacré qu’est le peuple libanais. Pandémie, effondrement financier, exodes, services publics qui ne servent plus à rien ni personne, folle dépréciation de la monnaie et hausse insensée des prix, pénuries de carburants, de médicaments et autres produits essentiels, et on en passe ; faut-il absolument le risque, toujours réel, d’une conflagration majeure pour pimenter à outrance les soucis existentiels des citoyens ? Et faudra-t-il, en cas de désastre, compter sur la compassion de la communauté internationale pour assurer, cette fois, des tentes à des masses de déplacés et de sans-abri ?


L’État, ou ce qu’il en reste, n’est guère logé à meilleure enseigne. Pratiquée des années durant, une diplomatie obtuse et scandaleusement complaisante pour l’Iran a ôté au Liban maints soutiens de poids, si bien que notre pays se retrouve aujourd’hui dénué même de toute diplomatie. On peut parier son dernier billet que les responsables politiques et militaires n’ont pas été avertis par la milice de sa volonté de réchauffer le front sud. Que se poursuive l’escalade, et c’est pourtant la troupe qui, tôt ou tard, sera tenue d’engager un combat qu’elle n’a jamais souhaité : une troupe qui a déjà trop à faire pour réprimer les manifestations, dût son prestige en souffrir ; une troupe durement atteinte elle-même par la débâcle politique et qui – faut-il le rappeler ? – doit ses rations alimentaires à la générosité des donateurs étrangers…


Mais le Hezbollah, lui, qu’a-t-il à gagner, au plan national – et même égoïstement sectaire – de l’actuel regain de tension ? Les affres de la vie quotidienne ne sont pas épargnés en effet aux chiites du Liban, et il est fort douteux qu’ils partagent sincèrement, en ce moment, les ardeurs guerrières de la milice. Plus évidentes, et considérablement plus graves, sont les frictions intercommunautaires pouvant résulter des activités paramilitaires du Hezbollah à proximité directe des localités du Sud. Il y a quelques mois était entourée d’un rigoureux black-out l’explosion meurtrière d’un dépôt de munitions dans le village de Deir Qana. Hier cependant, échappaient de justesse au lynchage les servants d’une rampe mobile de lancement de roquettes qui traversaient un village druze, incident qui avait aussitôt des séquelles en plus d’un point du territoire.


Explosifs et engins de guerre parmi les maisons, près des maisons, et jusques aux portes de la capitale : pour une partie sans cesse croissante de l’opinion publique, tous les chemins de l’impensable ne peuvent que ramener, invariablement, irrésistiblement, au port de Beyrouth.


Issa GORAIEB

igor@lorientlejour.com

Toute équipée militaire n’a jamais rien d’une promenade et les Libanais, tant de fois échaudés, sont bien placés pour le savoir. Le Hezbollah lui-même n’est pas en droit de l’ignorer ou, pire encore, de l’oublier : Hassan Nasrallah ne reconnaissait-il pas qu’il n’aurait jamais quêté sa divine victoire de 2006 s’il en avait seulement imaginé l’exorbitante facture ?...