Son investiture a commencé le 3 août et ses premiers mots ont d’emblée donné le la : la marche à suivre sera sans concessions ou ne sera pas. « Nous chercherons certainement à lever des sanctions cruelles », a lancé le nouveau président iranien, l’ultraconservateur Ebrahim Raïssi, au cours de son discours inaugural auquel ont assisté officiels de haut rang et commandants militaires, ajoutant ne pas conditionner l’objectif « à la volonté des étrangers ».
La pique vise explicitement les négociations en vue d’un retour de Washington dans l’accord sur le nucléaire conclu sous le mandat de Barack Obama en 2015 mais dont Donald Trump s’était retiré de manière unilatérale en 2018. Le successeur de celui-ci, Joe Biden, a fait de ce deal le dessein principal de sa politique étrangère vis-à-vis de la région, dans un contexte plus général marqué par le désengagement. Dès son arrivée au pouvoir en janvier, la nouvelle administration américaine savait qu’elle serait confrontée à une situation complexe. Le gouvernement iranien du centriste Hassan Rohani vivait alors ses derniers moments. Une atmosphère de fin de règne en Iran dont Washington devait au plus vite se saisir avant que les partisans de la ligne dure, alignés sur celle du guide suprême de la révolution Ali Khamenei, ne s’emparent de la présidence et qu’ils ne disposent ainsi de tous les centres du pouvoir dans le pays. La victoire d’Ebrahim Raïssi en juin dernier a été savamment préparée par Téhéran qui n’a pas hésité à disqualifier face à lui tout concurrent de poids. Le scrutin s’est soldé par une abstention historique alors que la République islamique traverse une violente crise économique – fruit de décennies de mauvaise gestion aggravée par la pression maximale imposée par Donald Trump – et sanitaire. À ce jour, le pays détient le record du nombre de décès liés au coronavirus au Moyen-Orient, soit plus de 91 400.
Torpiller le deal
Les choses semblaient pourtant avoir relativement bien débuté depuis l’amorce des pourparlers en avril. Hassan Rohani s’en était même allé à dire à la fin de la sixième série de négociations à Vienne, en juin, que Washington avait consenti à la levée de toutes les sanctions. L’accord foulé aux pieds en 2018 paraissait presque à portée de main il y a quelques semaines. Aujourd’hui, les discussions sont au point mort et aucune date n’est encore prévue pour leur reprise.
« Les négociations de Vienne ont semblé faire plus de progrès que beaucoup ne l’espéraient étant donné les niveaux élevés de méfiance depuis le retrait des États-Unis de l’accord en 2018. Les principales incitations de l’accord sont toujours là : retour en arrière sur le nucléaire en échange d’un allègement des sanctions », insiste Dalia Dassa Kaye, ancienne directrice du Center for Middle East Public Policy à la RAND Corporation. « Mais les Iraniens ne sont pas convaincus que les États-Unis et l’Occident peuvent vraiment apporter cet allègement et veulent des garanties que les États-Unis ne peuvent pas donner », poursuit la spécialiste. L’une des exigences principales de Téhéran est effectivement inacceptable pour Washington. Il s’agit d’assurer qu’aucune administration américaine ultérieure ne puisse torpiller le deal final, une fois conclu. La Maison-Blanche répond de son côté qu’il est impossible pour les gouvernements américains quels qu’ils soient d’engager la responsabilité de leurs successeurs. Confrontée aux pressions de ses alliés israélien et saoudien – pour qui non seulement l’accord de 2015 n’était pas assez restrictif mais faisait de surcroît l’impasse sur les questions du programme balistique et des supplétifs régionaux iraniens – l’administration Biden a elle aussi requis un engagement écrit de Téhéran promettant un retour à la table des négociations une fois le deal remis sur pied.
Deux points d’achoppement qui ont tôt fait d’élargir le fossé entre les principaux protagonistes. Les projets esquissés jusque-là sont pointés du doigt par l’équipe de M. Raïssi, arguant qu’ils seraient contraires aux directives de Ali Khamenei, qui a le dernier mot sur tous les dossiers cruciaux. Or l’homme fort du pays n’a aucune confiance dans la volonté affichée de Washington de lever les mesures punitives à l’égard de Téhéran et il dénonce les « prétextes » établis par les Occidentaux pour s’ingérer dans la politique étrangère de la République islamique, notamment au sujet des missiles et des milices. Deux infranchissables limites pour l’Iran, animée par des considérations tout autant sécuritaires qu’idéologiques. « Pendant ce temps, le programme nucléaire iranien progresse à des niveaux inquiétants, rendant certaines avancées difficiles à inverser. La consolidation du pouvoir de la ligne dure en Iran ne fera que compliquer davantage une situation déjà précaire. À ce stade, il serait surprenant que les négociateurs à Vienne parviennent à sauver l’accord », avance Dalia Dassa Kaye. Le négociateur américain en chef Robert Malley a d’ores et déjà averti dans un article du New York Times datant du 31 juillet d’un « risque réel ici qu’ils (Les Iraniens) reviennent avec des demandes irréalistes sur ce qu’ils peuvent réaliser dans ces pourparlers ».
Pékin et Moscou
Selon le dernier rapport de l’AIEA, Téhéran compterait désormais « produire de l’uranium métal avec un taux d’enrichissement de 20 % ». Pour Paris, Londres et Berlin – qui jouent les intermédiaires entre la République islamique et les États-Unis –, la manœuvre compromet sérieusement le retour de Washington dans l’accord. Comment interpréter aujourd’hui le durcissement rhétorique de Téhéran ? S’agit-il de faire monter la pression sur Washington et ses alliés pour, in fine, aboutir à un allègement des sanctions au plus vite? Faut-il y voir le signe d’une défiance vis-à-vis des Occidentaux? Alors que Téhéran et Riyad négocient en coulisses l’apaisement de leurs relations, les tensions sont toujours aussi vives entre l’Iran et Israël. En témoigne l’attaque au drone contre le pétrolier Mercer Street le 29 juillet en mer d’Oman, imputée à l’Iran qui rejette ces accusations. Plus tôt cette semaine, les médias occidentaux ont cité des sources anonymes imputant le détournement d’un navire au large des Émirats arabes unis à la République islamique, tandis que plusieurs autres navires ont rencontré des problèmes techniques.
Mais même si Ebrahim Raïssi – qui a prêté serment hier devant le Parlement – joue les fiers-à-bras, évoque l’idée d’une économie de résistance et plaide pour un véritable renforcement des liens avec les voisins chinois et russe, l’approfondissement de ces relations ne peut pas à lui tout seul compenser l’impact des sanctions américaines. Pour certains observateurs, l’homme sera, à terme, contraint de retourner à la table des négociations.
« Raïssi et le guide suprême peuvent toujours être ouverts aux négociations s’ils pensent qu’elles permettront d’obtenir un allègement vérifiable des sanctions, mais elles ne seront probablement pas une priorité pour la nouvelle équipe. Nous assisterons probablement à une activité plus affirmée dans la région, comme nous le constatons cette semaine avec cette nouvelle escalade dans le Golfe », estime pour sa part Dalia Dassa Kaye.
Américains , arrêtez de perdre votre temps. Une seule solution. Trump l’avait bien compris..
08 h 10, le 06 août 2021