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Nos Lecteurs ont la Parole

Non pas des martyrs, mais des victimes

Nous ne pardonnerons pas et nous n’oublierons jamais. Car plus jamais Beyrouth sans les blessures de ce 4 août.

Plus jamais Gemmayzé sans les vitres éclatées sur le sol. Plus jamais Mar Mikhaël sans les corps qui baignent dans l’horreur et le sang. Plus jamais Achrafieh sans l’immonde odeur du nitrate dans l’air et surtout plus jamais de nous sans le voile noir du deuil de ce 4 août.

Plus jamais, car nous ne sommes plus les mêmes et nous ne devons pas accepter d’être les mêmes. Plus jamais, car nous étions ce jour-là tous perdus, morts, sidérés, sans voix, scotchés sur nos écrans, assis face contre terre à contempler ce qui est resté de nos vies, en train d’essayer de comprendre et de ne pas devenir fous.

Qu’on le veuille ou non, ce qui nous a été fait nous a changés, qu’on le veuille ou non, ce ne sont pas des martyrs qui ce jour-là sont tombés. Toutes ces vies qui ce jour-là se sont réveillées pour ensuite ne plus jamais rouvrir leurs yeux n’ont pas péri au nom d’une cause grandiose en laquelle ils avaient foi. Non, ce ne sont pas des martyrs que nous avons enterrés, mais des victimes à qui on a sauvagement arraché la vie. Ils étaient femmes, hommes et enfants. Ils étaient fils et filles, et petit-fils, et oncles, et pères, et mères. Ils étaient passants et clients au restaurant, passagers dans un taxi et vendeurs dans une boutique. Ils étaient docteurs, infirmières, chauffeurs, pompiers, pharmaciennes, professeurs et ingénieurs. Ils étaient rêves et aspirations, chair et os, corps et âme. Ils étaient là, et aujourd’hui, ils ne sont plus. Ils n’ont pas eu le privilège de s’éteindre doucement entourés de sourires familiers, et comme eux, nous aussi aujourd’hui n’avons plus le choix.

Aujourd’hui, nous battre en quête de la vérité, en quête de justice, n’est pas un choix. Descendre chaque jour, chaque fois, chaque 4 août jusqu’à ce que justice soit rendue n’est pas un choix. Continuer de crier les noms de ceux qui ont péri, de ceux qui ont perdu leurs maisons, de ceux qui à chaque claquement de porte sursautent et de ceux qui se sont enfuis les yeux remplis de larmes n’est pas un choix. Les haïr jusqu’à ce qu’on les mette derrière les barreaux et tout faire pour changer la réalité dans laquelle nous vivons n’est pas un choix.

Ce choix s’est muté en obligation, ce mardi 4 août 2020, 18h07, heure locale de Beyrouth.

Nous ne pardonnerons pas et nous n’oublierons jamais. Car jamais plus Beyrouth sans l’odeur immonde du nitrate et jamais plus Beyrouth sans l’horreur de ce 4 août.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Nous ne pardonnerons pas et nous n’oublierons jamais. Car plus jamais Beyrouth sans les blessures de ce 4 août. Plus jamais Gemmayzé sans les vitres éclatées sur le sol. Plus jamais Mar Mikhaël sans les corps qui baignent dans l’horreur et le sang. Plus jamais Achrafieh sans l’immonde odeur du nitrate dans l’air et surtout plus jamais de nous sans le voile noir du deuil de ce 4...

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