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Idées - Point de vue

Les droits de tirage spéciaux doivent être une bouée pour les Libanais plutôt que pour leurs dirigeants

Les droits de tirage spéciaux doivent être une bouée pour les Libanais plutôt que pour leurs dirigeants

Photo Idealist / Bigstockphotos

Le Liban va recevoir près d’un milliard de dollars en droits de tirage spéciaux (DTS) de la part du Fonds monétaire international (FMI). Ce financement sans conditions en termes de réformes devrait très probablement être versé en août. Il s’inscrit dans ce qui s’avère être plus grande allocation globale de DTS de l’histoire de l’institution – 650 milliards de dollars – afin de stimuler la reprise mondiale après la pandémie de Covid-19.

Les DTS ne sont pas à proprement parler une devise mais une unité de compte pour les transactions du FMI avec les autres pays membres. La part du Liban dans cette allocation globale, déterminée proportionnellement à sa quote-part au FMI, sera directement déposée à la banque centrale (BDL) en tant qu’actif de réserve qui, en retour, créditera les comptes du Trésor d’un montant équivalant. Le pays bénéficiaire peut alors choisir entre soit utiliser ces DTS pour rembourser une partie de sa dette envers le FMI soit les échanger avec d’autres membres du FMI par le biais d’un accord commercial volontaire, au faible taux d’intérêt de 0,05 %. Il faut noter que les actifs étrangers de la BDL incluent déjà l’équivalent d’environ 1 milliard de dollars de DTS antérieurs: 195,78 millions de DTS immédiatement disponibles auxquels s’ajoute un quota supplémentaire de 633,5 millions de DTS.

Devises dilapidées

Nous n’avons aucune confiance dans le fait que ce cadeau inattendu sera utilisé à bon escient par les autorités. Depuis 2019, le Liban connaît l’une des crises économique, sociale et financière les plus graves de l’histoire moderne sans que la classe dirigeante n’y ait apporté le moindre début de réponse rationnelle et efficace. Au lieu de cela, la moitié des avoirs vitaux en devises du pays a été dilapidée dans des politiques opaques, partielles et inefficaces. En l’absence d’une loi indispensable de contrôle des capitaux, une part considérable des devises du pays a ainsi été transférée hors du Liban par des personnes bien connectées et politiquement exposées. Les réserves étrangères de la BDL ont en outre été utilisées pour financer un système de subvention très inefficace et contre-productif qui a profité aux riches plutôt qu’aux pauvres et a créé des incitations à la thésaurisation, à la contrebande et à la vente au marché noir. Enfin, le taux d’épuisement des réserves étant désormais devenu alarmant, les autorités imposent des restrictions sur les produits vitaux, notamment les médicaments et le carburant, plutôt que de réformer ce système de subvention inefficace. Un système de « carte de rationnement » mal conçu a ainsi été adopté par le Parlement dans une autre tentative d’acheter l’allégeance des bénéficiaires et de maintenir les réseaux clientélistes de la classe politique. Entre-temps, le programme de transferts directs en espèces préparé et financé par la Banque mondiale a connu d’importants retards en raison des conditions liées au contrôle et à la sélection de ses bénéficiaires.

Plutôt que de gâcher à nouveau cette manne providentielle, Kulluna irada estime que la nouvelle allocation de DTS devrait être utilisée pour soulager les souffrances inacceptables et sans précédent endurées par la société libanaise. Cela nécessite par conséquent l’adoption urgente d’un programme de sécurité sociale à trois volets. Le premier est un programme d’assistance financière directe, large et transparent, basé sur des critères de vulnérabilité clairs et déboursé en dollars « frais » – compte tenu de l’absence d’un taux de change unifié et de l’impact inflationniste d’un déboursement en livres libanaises au taux du marché. Le deuxième pilier repose sur un système de subvention efficace et bien ciblé couvrant le carburant, les médicaments et le blé. Nous estimons le coût de ces deux interventions à 2 milliards de dollars ; la nouvelle allocation de DTS devrait donc couvrir une part substantielle de ce coût. Enfin et surtout, le troisième pilier de ce programme consiste à réorienter les politiques publiques vers une approche fondée sur les droits, en commençant par une couverture sanitaire universelle et une éducation pour tous.

Stabiliser l’économie

Ce filet de sécurité sociale doit par ailleurs faire partie d’un plan macrofiscal global qui réponde de manière urgente aux autres enjeux de la crise pour stabiliser l’économie et la mettre sur la voie de la reprise.

D’abord, en restructurant le secteur bancaire de manière à ce que les déposants récupèrent une partie de leur épargne. Un plan de redressement bancaire équitable peut toujours garantir le recouvrement de 100 % des petits déposants (moins de 50 000 dollars) et de plus de 50 % du total des dépôts. Il est également essentiel d’agir maintenant pour restaurer la solvabilité du secteur afin qu’il puisse jouer son rôle essentiel de soutien à la croissance future.

Ensuite, en sauvegardant la monnaie nationale : la livre libanaise a perdu plus de 90 % de sa valeur, et la BDL doit de toute urgence stabiliser le taux de change et restaurer la confiance dans la live en resserrant sa politique monétaire, avec pour objectif la stabilité des prix et la croissance à long terme.

La situation budgétaire requiert également une attention immédiate : l’effondrement des recettes a entraîné des déficits massifs qui sont financés par l’impression de monnaie. L’accès au financement par le biais d’un programme du FMI est vital pour la mise en place des programmes sociaux indispensables. En fonction des réformes, des financements externes (y compris d’une conférence de type CEDRE) seront également nécessaires pour financer les investissements urgents dans le secteur de l’énergie et d’autres investissements en capital nécessaires pour améliorer les services-clés et le climat des affaires.

Kulluna irada estime que la formation d’un gouvernement indépendant compétent, doté de pouvoirs législatifs spéciaux, est une condition préalable à ces réformes. Ce gouvernement intérimaire est d’autant plus nécessaire que le Liban pourrait bien être éligible à des fonds supplémentaires à faible conditionnalité dédiés aux pays à faible revenu. De nouvelles facilités sont en effet actuellement discutées par les pays à haut revenu membres du FMI qui se sont engagés à convertir une partie de leurs propres allocations de DTS pour aider les pays dans le besoin. Sans une vision stratégique appropriée et réalisable, basée sur des politiques budgétaires et monétaires saines, il sera impossible pour le Liban de bénéficier de cette aide indispensable.

Organisation non gouvernementale fondée et exclusivement financée par des Libanais résidant au pays ou à l’étranger.

Le Liban va recevoir près d’un milliard de dollars en droits de tirage spéciaux (DTS) de la part du Fonds monétaire international (FMI). Ce financement sans conditions en termes de réformes devrait très probablement être versé en août. Il s’inscrit dans ce qui s’avère être plus grande allocation globale de DTS de l’histoire de l’institution – 650 milliards de dollars –...

commentaires (1)

C’est un manna pour les Ali baba libanais !!!!

Eleni Caridopoulou

18 h 18, le 31 juillet 2021

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Commentaires (1)

  • C’est un manna pour les Ali baba libanais !!!!

    Eleni Caridopoulou

    18 h 18, le 31 juillet 2021

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