À situation inédite, réponse inédite. Alors que le Liban est en proie à un isolement sans précédent sur la scène régionale et internationale, il est en même temps au cœur, depuis quelques semaines, d’une activité diplomatique inédite. D’un côté, la confiance dans les dirigeants libanais n’a jamais été aussi faible, de l’autre, plusieurs pays sont prêts à les contourner ouvertement pour sauver ce qui peut encore l’être du pays. Une action qui provoque fantasmes et peurs sur la possibilité d’une internationalisation de la question libanaise. Chez les uns, l’action concertée de la France, des États-Unis et de l’Arabie saoudite suscite d’énormes attentes, y voyant un premier pas vers le règlement de la crise. Chez d’autres, principalement dans le camp proche du Hezbollah, elle fait ressurgir les anciens clichés dogmatiques sur le néocolonialisme et les atteintes à la souveraineté dans un pays qui se meurt chaque jour un peu, notamment en raison de l’interférence décomplexée de l’Iran.
Même si l’histoire du Liban est jalonnée d’exemples en matière d’interventionnisme – souvent dû à la sollicitation de parties internes pour renforcer leurs positions respectives –, « il n’en reste pas moins que l’implication de plus en plus manifeste de l’Occident est devenue aujourd’hui une question de survie », explique le politologue Karim Bitar. « Ceux qui au sein de la classe politique libanaise se plaignent oublient que ces interventions résultent de leur propre faillite, politique, économique et sociale », dit-il. Il rappelle ainsi que la dynamique de sauvetage n’a été mise en place par l’Occident que lorsque le pays s’est trouvé au bord de l’effondrement.
À la vitesse supérieure
Ayant pris soin de prouver, semaine après semaine, que le Liban est devenu un pays failli à tous les niveaux, incapable de mettre en place un gouvernement et de faire fonctionner a minima les services publics, les responsables politiques semblent avoir perdu toute légitimité auprès des puissances extérieures.
L’implication de plus en plus marquée de Paris, Washington et plus récemment Riyad, qui travaillent en coopération étroite, a en ce sens un aspect insolite : leurs activités ne passent quasiment plus par les canaux officiels. Selon un responsable occidental qui a préféré garder l’anonymat, une large partie de ces concertations entre les trois partenaires se fait dans les coulisses de la diplomatie traditionnelle. Il y a désormais dans les capitales étrangères une prise de conscience que le Liban est peut-être à quelques semaines d’une explosion sociale, comme l’avait d’ailleurs souligné il y a une semaine Hassane Diab, le Premier ministre sortant, qui s’exprimait devant les diplomates. Ce dernier s’était d’ailleurs fait publiquement tancer par l’ambassadrice de France Anne Grillo, qui lui avait rappelé ses propres responsabilités et celles de l’ensemble de la classe dirigeante. La proposition formulée il y a quelques jours par Gwendal Rouillard, député de Lorient, qui a suggéré la formation et l’installation à Beyrouth d’une « task force » internationale, a accentué le sentiment que l’Occident fomente un plan quelconque pour extirper le pays du bourbier.
Paris donne le sentiment d’être passé à la vitesse supérieure. En témoigne le défilé de personnalités françaises à Beyrouth au cours des derniers jours. En moins d’une semaine, ce sont quatre hauts responsables français qui se sont succédé pour tenter un ultime coup afin de débloquer la situation, avant probablement de passer à des moyens plus dissuasifs, à savoir l’imposition de sanctions qui seront vraisemblablement annoncées d’ici à la fin du mois et qui toucheront l’ensemble des parties. Après Pierre Duquesne, ambassadeur français chargé de la Coordination du soutien international au Liban, et Franck Riester, ministre français délégué auprès du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, chargé du Commerce extérieur et de l’Attractivité, c’est au tour de Patrick Durel, le conseiller du président Emmanuel Macron pour les Affaires de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, puis de Karim Amellal, ambassadeur pour la Méditerranée, de débarquer. Si les entretiens de M. Durel portent principalement sur un volet éminemment politique, ceux de M. Amellal – qui va rencontrer des membres de la société civile, des artistes et de jeunes entrepreneurs – sont plutôt tournés vers l’avenir.
La visite de M. Durel intervient au lendemain d’une réunion des ambassadrices de France et des États-Unis au Liban, Anne Grillo et Dorothy Shea, avec l’ambassadeur d’Arabie saoudite Walid Boukhari, qui visait à évoquer la situation économique catastrophique et « les moyens d’aider le peuple libanais ». Les deux ambassadrices s’étaient rendues la semaine dernière en Arabie pour évoquer le blocage gouvernemental et les moyens d’aider la population libanaise.
Selon un diplomate européen, inutile d’aller trop loin dans la qualification de ce va-et-vient. « Il ne s’agit pas d’une tutelle (en gestation), encore moins d’un plan B quelconque, mais tout simplement d’une adaptation à l’urgence et une réactivité par rapport à la crise économique. »
Mise en garde russe
À l’issue de ses entretiens, M. Riester a implicitement rappelé la poursuite de la politique de la carotte et du bâton suivie depuis quelque temps par Washington, Paris, et bientôt ses partenaires européens qui s’apprêtent à prendre des actions plus dissuasives. « La France est aux côtés des Libanais et répondra à toutes leurs demandes pour les aider, mais les autorités libanaises doivent assumer leurs responsabilités », a insisté M. Riester avant de rappeler que « l’Europe est sur la même longueur d’onde » que Paris en ce qui concerne l’imposition de sanctions contre les personnes qui « bloquent » les réformes.
Dans certains milieux diplomatiques, on rappelle toutefois que les États tiers ne peuvent pas tout faire et que la formation du gouvernement et la mise en place des réformes restent prioritaires et incontournables. Selon un responsable occidental qui suit de près le dossier libanais, le tandem franco-américain œuvre d’arrache-pied à accentuer la pression et les actions punitives. « Cette nouvelle dynamique, qui comporte aujourd’hui un élément plus stratégique, vise à rappeler à la classe politique qu’elle doit désormais rendre compte de ses actes », dit-il.
Ce langage de plus en plus direct et l’intervention frontale de Paris et Washington ne sont pas passés inaperçus aux yeux de la Russie. Un communiqué publié hier par le vice-ministre des Affaires étrangères Mikhaïl Bogdanov, qui venait de s’entretenir avec le chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil, a indiqué que les menaces de sanctions par certaines capitales occidentales et les ingérences qui peuvent être contre-productives ne sont pas permises. Une mise en garde qui résonne comme un tragique retour à la guerre des axes.
We need regime change with a President elected by the people, Christian or Muslim. The major party leaders have proven once again that they are incompetent, and poor negotiators incapable of achieving consensus and putting the interests of the people above their own. We need to clean house and get rid of all of them. If Mr. Hariri thinks he can shirk his responsibility and come back stronger, he is mistaken. As to the FPM, they can never dream of getting another President elected from their ranks. They are finished. Let’s hope that we can usher in a new generation of leaders from the new emerging parties in the next Parliament, and send Mr. Berry to retirement.
08 h 04, le 16 juillet 2021