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Économie - Subventions

Crise du carburant : l’accalmie durera-t-elle ?

Les propriétaires de générateur veulent un doublement du coût des abonnements, le ministère de l’Énergie conteste leurs arguments.

Crise du carburant : l’accalmie durera-t-elle ?

La nouvelle accalmie annoncée de la crise des carburants s’avérera-t-elle durable ? Photo João Sousa

La pression aux abords des stations-service était sensiblement moins élevée hier à travers le Liban par rapport au niveau qu’elle avait pu atteindre ces dernières semaines, réduisant au passage la congestion sur plusieurs axes routiers principaux sur lesquels il était devenu littéralement infernal de circuler. À l’origine de ce léger appel d’air, le déchargement de deux navires-citernes qui attendaient encore que la Banque du Liban (BDL) finalise les procédures de règlement mises en place dans le cadre du mécanisme de subvention dont bénéficient encore les importateurs d’essence, de mazout et de gaz.

Ce dénouement avait été annoncé en fin de semaine dernière par le porte-parole du syndicat des propriétaires de station-service, Georges Brax, qui avait déploré à plusieurs reprises l’impact des retards de la BDL sur la capacité du pays à s’approvisionner en carburant. Selon le syndicaliste, dont les propos ont été relayés par l’Agence nationale d’information (ANI), la BDL aurait déjà accordé des autorisations préalables pour plusieurs navires devant livrer le pays dans les semaines à venir. Contactée par L’Orient-Le Jour, une source proche des sociétés importatrices a confirmé cette information, ajoutant « espérer que la BDL continue sur ce rythme afin d’éviter de nouvelles difficultés ».

L’accalmie, escomptée par les distributeurs de carburant et qui n’est pas la première à être annoncée en vain, ne semblait toutefois pas s’être encore généralisée à tout le territoire hier. À Saïda (Liban-Sud), des chauffeurs de camion ont coupé la route à l’entrée nord de la ville dans la matinée pour protester contre les pénuries chroniques de carburant, avant que l’armée ne vienne rétablir la circulation. En après-midi, c’est un sit-in de commerçants, accompagné d’un nouveau blocage des routes, qui s’est tenu dans la ville, après que le président du rassemblement des propriétaires de générateurs privés de Saïda, Ali Baouji, a averti que le stock de mazout pour les générateurs de la ville était épuisé et qu’ils allaient cesser de fonctionner les uns après les autres.

Une solution estivale

Si la banque centrale n’a fait aucune déclaration officielle concernant les autorisations préalables qui lui sont prêtées, plusieurs médias avaient rapporté la semaine dernière un accord entre la présidence libanaise et la BDL portant sur 160 millions de dollars pour assurer les besoins de financement des importateurs de carburant à moyen terme. Selon nos sources, l’accord aurait au moins garanti 120 millions de dollars, ce qui devrait permettre au pays de tenir jusqu’à « fin août ». Une durée amputée d’un mois par rapport aux trois annoncés au moment où les bases de cet accord avaient été annoncées pour la première fois fin juin.

Les mécanismes de subvention, de facto mis en place par la BDL depuis le début de la crise il y a près de deux ans, consistent en réalité à autoriser les importateurs des produits identifiés à échanger leurs livres contre des dollars délivrés par la BDL à un taux moins élevé que sur le marché parallèle, qui sert, lui, de vrai marqueur de la valeur de la monnaie nationale.

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Pendant longtemps, les sociétés concernées pouvaient ainsi débloquer 90 % des dollars demandés par leurs fournisseurs à la parité officielle de 1 507,5 livres pour un dollar. Ce taux est passé à 3 900 livres (pour 100 % de la facture couverte) suite à l’accord annoncé fin juin à travers lequel la BDL a accepté de prêter à l’État les dollars qu’elle vend à perte. Les dollars en question proviennent toujours des réserves de devises de la banque centrale qui ne sont quasiment plus constituées que des réserves obligatoires des banques (environ 15 milliards de dollars, selon les rares estimations officielles qui ont été communiquées), que la BDL a répété hier ne pas vouloir ponctionner. Ces nouvelles modalités ont contribué à faire bondir les prix des carburants concernés depuis le début du mois dans des proportions situées entre 30 et plus de 60 %. Des prix fixés chaque mercredi par le ministère de l’Énergie et de l’Eau et qui restent moins élevés que si le taux du marché parallèle était appliqué (environ 19 500 livres pour un dollar hier).

Le problème est qu’une partie du carburant subventionné est soit détournée par des contrebandiers qui le revendent beaucoup plus cher en Syrie – pays en crise et sous sanctions–, soit stockée par des entreprises ou des particuliers qui le conservent pour leur consommation personnelle et le revendent au marché noir, voire qui attendent la levée totale des mécanismes de subvention pour le faire. Ces phénomènes, qui aggravent un peu plus la pénurie de carburant, sont régulièrement dénoncés dans le débat public, y compris par certains responsables, sans que cela ne soit réellement suivi d’effet sur le terrain – en dehors de quelques saisies annoncées de temps à autre par les forces de sécurité ou l’armée. Hier, le ministre libanais sortant de l’Intérieur, Mohammad Fahmi, a par exemple annoncé dans un communiqué l’interdiction du stockage de carburants dans les bâtiments résidentiels, les magasins et les entrepôts à proximité des bâtiments résidentiels, « que ce soit dans un but commercial ou de stockage », en invoquant les risques en matière de sécurité.

Mazout d’EDZ

Enfin, les pénuries de carburants ces dernières semaines, combinées à la hausse drastique du rationnement d’Électricité du Liban (EDL) – qui a de plus en plus de problèmes à financer le carburant pour ses centrales –, ont également perturbé le fonctionnement des générateurs de quartier, de plus en plus nombreux à imposer des horaires de coupures.

Alors que ces exploitants – illégaux mais tolérés, les autorités ayant systématiquement repoussé tout effort de réformes du fournisseur d’État depuis le fin des années 1990 – invoquaient jusqu’ici des problèmes d’approvisionnement en mazout pour justifier leur rationnement, le motif principal semble plutôt se situer au niveau du prix. C’est en tout cas ce qui ressort des propos tenus hier par le président du Rassemblement des propriétaires de générateurs privés au Liban, Abdo Saadé, lequel a annoncé que le tarif des abonnements mensuels aux générateurs allait doubler et passer à un million de livres pour 5 ampères suite à la hausse du coût du mazout.

Selon un exploitant sous couvert d’anonymat, la filière se plaint de devoir acheter une partie du mazout nécessaire sur le marché noir à un prix bien plus élevé que celui fixé par le ministère. « J’arrive à maintenir ma production sans coupure parce que je me fournis au noir », confesse-t-il en assurant « ne pas avoir jusqu’ici répercuté les coûts supplémentaires sur les abonnés ». Contactée, une source au ministère – qui fixe chaque fin de mois les tarifs que les exploitants doivent facturer – a assuré qu’aucune décision n’avait été prise concernant une majoration de cette ampleur.

Actuellement, et selon les derniers tarifs fixés par le ministère qui seront actualisés demain, le mazout se vend à 55 500 livres les 20 litres, contre moins de 30 000 livres le mois dernier, depuis la modification par la BDL du mécanisme de subvention au taux de 3 900 livres. En juin dernier, le kilowattheure (kWh) distribué par les propriétaires de générateurs privés était facturé entre 1 326 et 1 458 livres selon les régions, sans compter les frais annexes – entre 20 000 et 40 000 livres en fonction du nombre d’ampères de l’abonnement, par exemple. Un coût dix fois plus élevé que le kWh d’EDL, vendu aux consommateurs au prix de 135 livres libanaises, un tarif fixé en 1994 sur la base d’un baril de pétrole à 23 dollars, qui en vaut aujourd’hui plus de 70.

Si les doutes quant à cette énième accalmie annoncée peuvent être légitimes au sein de la population, l’ancienne concession d’EDL, Électricité de Zahlé (EDZ), qui gère le réseau de distribution de courant à Zahlé (Békaa), a toutefois annoncé hier dans un communiqué avoir commencé à « rétablir progressivement » son approvisionnement 24h/24. Une annonce qui intervient après que les centrales de Deir Ammar (Liban-Nord) et de Zahrani (Liban-Sud), mises à l’arrêt en fin de semaine dernière faute de gas-oil, ont pu redémarrer ce week-end, les procédures bancaires requises pour payer le carburant les alimentant ayant été finalisées. Présentée jusqu’à présent comme un modèle de réussite plutôt unique dans le secteur de l’énergie au Liban, EDZ n’a pas été épargnée par la dépréciation de la livre nationale et les pénuries de carburant. L’institution a donc également préféré prévenir, dans son communiqué, les professionnels et particuliers quant à la possibilité d’une rechute si les mesures pour éviter une nouvelle pénurie ne sont pas prises.

La pression aux abords des stations-service était sensiblement moins élevée hier à travers le Liban par rapport au niveau qu’elle avait pu atteindre ces dernières semaines, réduisant au passage la congestion sur plusieurs axes routiers principaux sur lesquels il était devenu littéralement infernal de circuler. À l’origine de ce léger appel d’air, le déchargement de deux...

commentaires (3)

"Une solution estivale" Ce titre me rappelle le regretté Michel Abou-Jaoudé, qui en 1971- notez bien!- a écrit dans Annahar un article intitulé "Le Liban est un pays estival(Loubnan balad sayfi), dans lequel il décrit les malheurs qui frappent les Libanais en hiver: inondations, coupures de courant, routes bloquées par la neige etc. Donc nous sommes toujours au même point qu'il y a cinquante ans!!!

Georges MELKI

10 h 20, le 13 juillet 2021

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Commentaires (3)

  • "Une solution estivale" Ce titre me rappelle le regretté Michel Abou-Jaoudé, qui en 1971- notez bien!- a écrit dans Annahar un article intitulé "Le Liban est un pays estival(Loubnan balad sayfi), dans lequel il décrit les malheurs qui frappent les Libanais en hiver: inondations, coupures de courant, routes bloquées par la neige etc. Donc nous sommes toujours au même point qu'il y a cinquante ans!!!

    Georges MELKI

    10 h 20, le 13 juillet 2021

  • "Une solution estivale" Ce titre me rappelle le regretté Michel Abou-Jaoudé, qui en 1971- notez bien!- a écrit dans Annahar un article intitulé "Le Liban est un pays estival(Loubnan balad sayfi), dans lequel il décrit les malheurs qui frappent les Libanais en hiver: inondations, coupures de courant, routes bloquées par la neige etc. Donc nous sommes toujours au même point qu'il y a cinquante ans!!!

    Georges MELKI

    10 h 20, le 13 juillet 2021

  • Très bon article. Mon commentaire concerne plutôt l’aspect rédactionnel / conjugaison de l’article : l’auteur dit à 2 reprises voire plus « Après que…. a ». Rappel : après que…. AIT et non A . . ( après que le président des …. A averti?? ». normalement c’est après qu’il AIT fait ou AIT dit etc…. Ce n’est pas la première fois que je constate ceci dans les articles de la nouvelle génération notamment au liban. Y a t il eu des changements des règles linguistiques que nous ignorons ? Bonne journée.

    LE FRANCOPHONE

    09 h 15, le 13 juillet 2021

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