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Économie - Focus

Retraits de « dollars frais » : les nombreux rouages de la circulaire n° 158

Retraits de « dollars frais » : les nombreux rouages de la circulaire n° 158

Les banques qui ont commencé à appliquer le mécanisme le faisaient en prenant des libertés – un constat confirmé par plusieurs témoignages de clients. Photo João Sousa.

Publiée le 8 juin dernier, la circulaire n° 158 de la Banque du Liban (BDL) a ouvert la possibilité aux déposants lésés par les restrictions bancaires illégales mises en place par les banques du pays de récupérer une partie des montants bloqués en dollars frais dès que le mécanisme serait mis en œuvre, soit à la fin du mois dernier.

Mais dix jours après cette échéance, le texte soulève encore de nombreuses interrogations aussi bien de la part des déposants concernés que des établissements bancaires qui ont rapidement demandé plus de précisions à la banque centrale. Le problème, c’est que cette dernière semblait elle-même encore en train de tâtonner en milieu de semaine, modifiant au passage certains rouages qui devaient en principe être déjà opérationnels. Selon une source bancaire contactée par L’Orient-Le Jour, le dispositif comporte en effet « beaucoup de zones d’ombre », tandis qu’une autre a confié que les banques qui avaient commencé à l’appliquer le faisaient en prenant des libertés – un constat confirmé par plusieurs témoignages de clients.

C’est dans ce contexte que la BDL a publié hier après-midi un communiqué « clarifiant » certains points à l’attention du public. Ces explications, qui avaient déjà été envoyées par la banque centrale à l’Association des banques du Liban la semaine dernière, restent vagues sur certains autres points.

Quand est-ce qu’il faut s’inscrire ?

D’après ce que l’on savait déjà, la circulaire n° 158 oblige pendant un an les banques à décaisser ou transférer pour le compte de clients 400 dollars « frais » par mois ainsi que leur équivalent en livres au taux de la plateforme de change Sayrafa (12 000 livres pour un dollar entre la BDL et les banques, fixé la semaine passée. La banque centrale a annoncé hier que le volume d’échange de monnaie à travers cette plateforme a atteint 5 millions de dollars pour un taux moyen de 15 200 livres). Ces montants ne pourront pas dépasser un total de 50 000 dollars (incluant des livres au taux de Sayrafa et de « vrais » dollars). Les 400 « vrais » dollars seront virés sur des comptes en « dollars frais » (sur lesquels ne s’appliquent pas de restrictions), donc peuvent être retirés en espèces, transférés à l’étranger ou encore provisionner des cartes de paiement utilisables au Liban comme à l’étranger. Seule la moitié des 400 dollars convertis en livres au taux de la plateforme Sayrafa sera donnée au client en espèces, tandis que l’autre moitié ne sera disponible que via une carte bancaire. Dans son communiqué hier, la BDL a précisé que les déposants avaient jusqu’à fin août pour se manifester auprès de leur banque.

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Les bénéficiaires peuvent donc obtenir 4 800 dollars frais et l’équivalent de 4 800 dollars en livres au taux de la plateforme Sayrafa par an. Par conséquent, pour bénéficier de la totalité des 50 000 dollars, un client devra attendre 5,2 ans, et la circulaire précise que le mécanisme « reste en vigueur jusqu’à ce que l’argent transféré dans le sous-compte spécial (expliqué plus bas) soit libéré », soit donc jusqu’à ce que le client retire tout le montant dont il peut bénéficier. La BDL a toutefois affirmé hier qu’elle pourrait « décider pour quelque raison que ce soit de modifier ou d’arrêter le mécanisme ».

Qui peut bénéficier de ce mécanisme ?

Le mécanisme de la circulaire n° 158 est ouvert aux personnes physiques, résidentes et non résidentes, ainsi qu’aux mineurs et aux étrangers, tant que le déposant avait ouvert un compte en devises avant le 31 octobre 2019 et possédait toujours le compte au 31 mars 2021, en se basant sur la circulaire. La BDL a indiqué hier que le compte en question devait en outre toujours exister à la date où le montant est transféré vers le « sous-compte spécial » – qui sert de pivot au mécanisme –, soit donc la date à laquelle le déposant bénéficiera de la circulaire.

Sont exclus de cette circulaire les clients des banques et les importateurs qui ont transféré plus de 500 000 dollars à l’étranger entre le 1er juillet 2017 et le 17 août 2020, mais qui n’ont pas rapatrié 15 % de ce montant comme demandé par la circulaire n° 154 d’août 2020. Cela s’applique également aux membres des conseils d’administration des banques, aux grands actionnaires ou aux personnes politiquement exposées qui n’ont pas rapatrié 30 % des transferts. Les personnes morales, comme les entreprises commerciales, les entreprises individuelles, les organisations non gouvernementales, les institutions publiques, les banques et les institutions financières résidentes et non résidentes, ne peuvent pas bénéficier de cette circulaire.

Quels sont les comptes concernés ?

La circulaire n° 158 n’exclut aucun compte bancaire quelle que soit sa nature, et aucune disposition de la circulaire ou des précisions données par la BDL n’exclut les comptes non bloqués, comme certaines banques ont pu le dire à leurs clients. Les montants inclus dans les comptes joints sont aussi éligibles dans une limite de 50 000 dollars par tête.

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Si une personne possède plusieurs comptes joints, elle devra choisir celui ou ceux à partir desquels les montants seront prélevés, que ce soit dans la même banque ou dans plusieurs établissements libanais, tant que sa limite de retrait mensuel ne dépasse pas 400 « vrais » dollars et l’équivalent de 400 dollars en livres par mois. La même logique s’applique pour les comptes personnels, y compris ceux qui sont clients de plusieurs banques. Dans une note interne que nous avons consultée, un des établissements du pays a expliqué, en se basant sur une réponse de la BDL, que les montants pouvant être décaissés de chaque banque seront proportionnels à la taille des sous-comptes spéciaux créés pour l’occasion.

Comment calculer les fonds pouvant être utilisés ?

Le client peut choisir, avec sa banque, quels comptes seront utilisés pour alimenter le « sous-compte spécial » qui sera créé ainsi que le montant qu’il souhaite transférer dans ce sous-compte, inférieur à celui calculé par la banque, selon la note interne évoquée plus haut. Si un client possède des comptes en devises libellés dans une autre monnaie étrangère que le dollar américain, le solde sera converti en dollars.

Hier, la BDL a expliqué que les banques devaient effectuer deux calculs en prenant en considération tous les comptes du client (le déposant pourra ensuite voir avec sa banque sur quels comptes il souhaite bénéficier de la circulaire) et choisir le solde le moins élevé parmi ceux obtenus. Le premier calcul consiste à retrancher les garanties données en espèces (cash collateral) du solde des dépôts totaux en devises au 31 octobre 2019. Le second calcul comprend, lui, le solde des dépôts en devises au 31 mars 2021 moins les garanties données en espèces, les montants convertis en dollars depuis des livres après le 31 octobre 2019 et les montants inclus dans les comptes d’argent « frais » dont la date du solde n’a pas été précisée par la BDL.

Une fois ces calculs faits, la banque choisit alors le montant le moins élevé, duquel elle retire ensuite les montants des prêts en devises que le déposant a payés en livres au taux officiel (circulaire n° 568 du 26 août 2020) et qu’il devra payer dans le futur au « taux de change utilisé entre la BDL et les banques », qui est actuellement encore le taux officiel.

La note interne consultée fait état de modifications sur le second calcul par rapport à ce qui avait été abordé dans un premier temps entre la BDL et les banques. La banque devra ainsi tenir compte du solde au 31 juin dernier en y retirant en plus des garanties données en espèces en devises, l’ensemble des chèques et des transferts effectués depuis une banque locale entre le 1er novembre 2019 et le 30 juin 2021, ainsi que les conversions de livres en dollars entre les deux dates pour payer de crédits et les paiements de crédits futurs, compris entre le 1er juillet 2021 et le 30 juin 2026.

Enfin, contrairement à ce que certaines banques ont soutenu auprès de leurs clients, rien dans ce que la circulaire ou la BDL a précisé n’indique que le fait d’avoir déposé ou retiré des montants (via des virement ou des chèques) sur les comptes éligibles pour ce mécanisme après le 31 octobre 2019 ne justifie que ceux-ci soient exclus du mécanisme.

Quelles contraintes ?

Toute la durée d’application de la circulaire n° 158, le déposant ne pourra pas bénéficier de la n° 151 qui permet de retirer à 3 900 livres pour un dollar les devises bloquées. Idem s’il s’agit d’un dépôt dans une autre banque, sauf pour les comptes de domiciliation de salaire, selon le communiqué publié hier. Si un déposant possède un compte joint et que c’est l’autre titulaire qui bénéficie de la 158 sur ce compte, il peut continuer à retirer au taux de 3 900 livres sur son compte personnel, sauf s’il fait jouer le mécanisme de la 158 sur un autre compte.

Le déposant doit accepter la levée du secret uniquement sur le sous-compte spécial (selon la circulaire et le courrier de la banque alpha) vis-à-vis de la BDL et de la Commission de contrôle des banques (CCB). Une centrale spécialisée dans « les sous-comptes spéciaux » sera créée au sein de la BDL et se chargera de fournir à chaque sous-compte un numéro unique pour tout propriétaire de compte. Les banques devront alors informer cette centrale de toute opération liée au sous-compte spécial. La centrale aura enfin la charge de rapporter toute infraction au gouverneur de la BDL. Rien n’a cependant été dit sur les moyens mis en place pour repérer les clients qui bénéficient en même temps des circulaires n° 151 et n° 158 dans deux banques différentes (le secret bancaire n’étant levé que sur le sous-compte spécial).

Comment retirer l’argent ?

Une fois les comptes et les montants choisis, la banque se chargera de transférer cette somme maximale de 50 000 dollars dans un sous-compte spécial, qu’elle créera, ainsi que trois autres comptes (si le client ne les possédait pas avant) : un compte de « dollars frais » sur lequel seront transférés chaque mois 400 « vrais » dollars, un compte courant en livres sur lequel sera transféré l’équivalent de 200 dollars au taux de Sayrafa, qui peuvent être retirés en espèces, et un autre intitulé par une des banques alpha « non-cash LBP », un compte en livres qui n’est pas en espèces, relié à une carte de paiement utilisable uniquement dans des commerces (supermarchés, restaurants, magasins, etc.). La BDL a affirmé hier qu’un client pouvait également provisionner des chèques et effectuer des virements à partir de ce compte. Si le client ne retire pas les montants chaque mois, ils s’accumuleront dans le compte et il pourra en retirer au maximum douze mensualités, soit 4 800 dollars (en dollars et en livres par an).

La BDL ne précise rien concernant les frais et commissions pouvant être prélevés sur le sous-compte spécial. La note interne que nous avons consultée précise, elle, que seuls les autres comptes nouvellement créés dans le cadre du mécanisme (celui pour les dollars frais par exemple) pourront être soumis à certains frais.

Quels recours contre les banques ?

La BDL met en garde les banques contre une utilisation contraire aux dispositions de la circulaire des montants qu’elle leur transférera mensuellement pour financer le dispositif (à travers une baisse du ratio des réserves obligatoires de 15 à 14 %). C’est la CCB qui aura la charge de vérifier que les établissements du pays appliquent les règles imposées et de faire remonter toutes les infractions constatées directement à Riad Salamé et à la présidente de la CCB, Maya Dabbagh. La commission suivra aussi toute plainte de la part d’un déposant s’il accepte de lever le secret bancaire envers la BDL et la CCB.

Publiée le 8 juin dernier, la circulaire n° 158 de la Banque du Liban (BDL) a ouvert la possibilité aux déposants lésés par les restrictions bancaires illégales mises en place par les banques du pays de récupérer une partie des montants bloqués en dollars frais dès que le mécanisme serait mis en œuvre, soit à la fin du mois dernier.
Mais dix jours après cette échéance, le texte...

commentaires (14)

Qu en est il d un compte ouvert en septembre 2020 ? Peut il bénéficier de ce mécanisme ? F l

fadi labaki

16 h 51, le 16 juillet 2021

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Commentaires (14)

  • Qu en est il d un compte ouvert en septembre 2020 ? Peut il bénéficier de ce mécanisme ? F l

    fadi labaki

    16 h 51, le 16 juillet 2021

  • La circulaire de la BDL fait office de loi ? Le parlement doit-il la ratifiée ?

    Jezraoui Pierre

    13 h 20, le 11 juillet 2021

  • La circulaire doit être ratifiée par le parlement ? C est la BDLqui est seul décisionnaire ?

    Jezraoui Pierre

    13 h 14, le 11 juillet 2021

  • Bande de voleurs crapule mettez ce circulaire là où je pense

    Derwiche Ghaleb

    12 h 59, le 11 juillet 2021

  • Bande de crapules voleur mettez ces circulaires là où je pense

    Derwiche Ghaleb

    12 h 56, le 11 juillet 2021

  • Il faudrait qu’on commence à assimiler que toute notre épargne confiée aux banques s’est transformée en encre sur papier… point final. Et qui est le David Copperfield de ce grand tour de passe passe : à égalité, les dirigeants politiques actuels et passés, le gouverneur de la BdL, les hauts fonctionnaires nommés par ces mêmes politiciens. Et qui sont les dindons de la farce : tous les déposants qui ont conservé leur épargne dans les banques contrairement aux précités et leurs proches qui ont tout caché dans les paradis fiscaux. Même après le début de la révolution et en pleine période de restrictions bancaires lorsque les banques humiliaient tous leurs clients en leur faisant mendier leur propre argent, ces gangsters précités transféraient des milliards de dollars à l’étranger. Qu’ils soient maudits à jamais eux et leur descendance jusqu’à la quarantième génération. Qu’ils aillent en enfer là où leur semblable Lucifer les attend impatiemment

    Lecteur excédé par la censure

    13 h 12, le 10 juillet 2021

  • VOLEURS ! MAFIEUX ! FILS DE P... !

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 27, le 10 juillet 2021

  • Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué.

    Robert Malek

    11 h 56, le 10 juillet 2021

  • Comme d’habitude. Beaucoup de flou et chaque banque interprète à sa guise au gré de l’intelligence de ceux qui se prennent pour des banquiers alors que ce sont des preteurs à gages qui séquestrent illégalement l’épargne des déposants

    Lecteur excédé par la censure

    11 h 05, le 10 juillet 2021

  • Quand est-ce qu’il faut s’inscrire : jusqu'a fin Aout. l'option de se des-inscrire, de se retirer de ce plan existe t elle? si oui quelles en seraient les consequences ? est ce definitif que la BDL oblige les banques a souscrire a cette circulaire que sur 1 an et qu'elle decidera plus tard de sa reconduction ? qu'adviendra t il de la circulaire 151 ? quel taux de conversion serait il decide fin sept? les banques continueront elles a retreindre le retrait des LL a leurs clients? Peux etre Mme Abboud pourrait clarifier-SI POSSIBLE bien entendu !

    Gaby SIOUFI

    10 h 07, le 10 juillet 2021

  • Apres la 151, la 158. Les crapules bancaires mettent en place une nouvelle "usine a gaz" pour depouiller les deposants. Attention : ils vont faire signer un nouvel accord qui remet entierement en cause le contrat initial signe avec la banque lors de l'ouverture du compte. Voleurs !

    Michel Trad

    09 h 17, le 10 juillet 2021

  • Pour rappel, 400$ par mois c’est à peu près ce qu’on payait à la bonne philippine… que cela donne une leçon de modestie au libanais moyen raciste…

    Gros Gnon

    08 h 27, le 10 juillet 2021

  • Cette circulaire a été rédigée pour tromper les plus exposés, c’est à dire les vieux retraités qui sont incapables d’assimiler une telle complication… il faut simplement appliquer la loi, c’est à dire puiser dans les avoirs des banques en faillite et de leurs actionnaires avant de toucher aux avoirs des déposants. Mais qu’espérer dans un pays de non-droit? Si si, demandez son avis au juge Tarek Bitar…

    Gros Gnon

    08 h 25, le 10 juillet 2021

  • votre article est incomplet.A la lecture du document remis par les banques,dans lequel le deposant demande de "beneficier " de la circulaire,plusieurs autres contraintes sont evoquées,particulierement restrictives...Vous parler de compte joint pouvant beneficier de la 151 et de la 158,impossible ,la banque demande une "unification"de tous vos comptes.Bon courage.

    Muller Bertrand

    06 h 14, le 10 juillet 2021

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