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Monde - Éclairage

En Arménie, bras de fer annoncé entre Pachinian et Kotcharian lors des législatives

Annoncé suite à la défaite arménienne dans le Haut-Karabakh face à l’Azerbaïdjan, le scrutin anticipé doit se dérouler demain. 

En Arménie, bras de fer annoncé entre Pachinian et Kotcharian lors des législatives

Deux femmes discutent devant une affiche électorale montrant le Premier ministre sortant Nikol Pachinian, à Erevan, la capitale de l’Arménie, le 16 juin 2021. Karen Minasyan/AFP

Pour beaucoup d’Arméniens, les élections législatives anticipées prévues demain se résument à un choix du moindre mal. D’un côté, la liste conduite par le Premier ministre sortant Nikol Pachinian, accusé par l’opposition d’être un « traître » pour avoir accepté la défaite face à l’Azerbaïdjan à l’issue du conflit déclenché en septembre dernier dans l’enclave disputée du Caucase. De l’autre, celle menée par l’ancien président de la République d’Arménie de 1998 à 2008, Robert Kotcharian, incarnant l’ancien système corrompu et considéré comme un héros par les séparatistes arméniens du Haut-Karabakh dont il a dirigé la victoire contre Bakou en 1994. Si les électeurs auront le choix demain entre quatre blocs électoraux et 22 partis, ces deux listes se démarquent largement dans les sondages, alors que la formation de Nikol Pachinian était auparavant donnée favorite du scrutin.

« Les récents sondages et une escalade des tensions frontalières avec l’Azerbaïdjan se sont combinés pour suggérer une situation politique significativement nouvelle, observe Richard Giragosian, directeur du Regional Studies Center d’Erevan, un think tank indépendant basé à Erevan. Plus précisément, l’apparente vague de soutien à l’ancien président Robert Kotcharian et une baisse manifeste du soutien à Nikol Pachinian et à son gouvernement représentent une élection beaucoup plus serrée qu’on ne le pensait initialement. »

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Selon un sondage réalisé en mai par l’institut MPG, partenaire de l’américain Gallup, le parti du Premier ministre sortant « Contrat civil » n’est crédité que de 25 %, contre près de 29 % pour la formation de M. Kotcharian. D’autres sources indiquent en revanche une avance pour le parti de M. Pachinian, dont la cote d’approbation personnelle serait plus élevée que celle de son rival le plus sérieux. Ainsi, selon un sondage réalisé en mars par l’International Republican Institute, basé aux États-Unis, 45 % des personnes interrogées sont favorables au chef du gouvernement sortant. 40 % des sondés ont par ailleurs déclaré qu’ils ne voteraient pas lors de ce scrutin. « La plupart des Arméniens méprisent les deux candidats en tête et désespèrent à l’idée que l’un ou l’autre soit élu, d’où le taux élevé d’indécis », indique Neil Hauer, journaliste canadien spécialisé dans le Caucase.

Légitimité

Incertaine, l’issue du scrutin est pourtant déterminante pour l’avenir de l’Arménie. Car derrière ce rendez-vous électoral se joue l’orientation future du pays, alors que le Premier ministre sortant a été contraint fin avril, sous la pression de l’opposition et de l’état-major, de remettre son mandat en jeu en convoquant des législatives anticipées. Si M. Pachinian avait obtenu une large majorité lors des législatives d’il y a trois ans – plus de 70 % – en se positionnant comme le porte-voix de la « révolution de velours » et en chassant du pouvoir la vieille caste dirigeante et corrompue issue du régime postsoviétique, la récente guerre au Haut-Karabakh a porté un coup à sa légitimité.

Vécue comme une humiliation nationale, la défaite de l’Arménie face à l’Azerbaïdjan, entérinée par le cessez-le-feu du 9 novembre 2020 signé sous l’égide de Moscou, reste dans tous les esprits. Près de 4 000 soldats sont morts côté arménien, selon les chiffres officiels, environ 2 000 personnes seraient portées disparues et plus de 10 000 seraient blessées et invalides. L’Arménie a en outre été contrainte de céder des territoires qu’elle contrôlait depuis les années 1990, dans le sillage de la première guerre dans l’enclave disputée, et négocie toujours le sort des dizaines de prisonniers de guerre encore aux mains de Bakou. La question est d’autant plus délicate aux yeux des Arméniens que la situation avec l’Azerbaïdjan pourrait s’embraser de nouveau à tout moment. De récentes tensions sont apparues alors que l’Arménie a dénoncé une incursion de centaines de soldats azéris sur son territoire le 12 mai dernier, ainsi qu’une « violation » de son intégrité territoriale. « La dernière guerre a tout changé. Pachinian avait toujours un taux d’approbation de plus de 70 % et Kotcharian était l’une des personnalités les plus méprisées du pays », note Neil Hauer.

Choix entre le passé et l’avenir

Mis en examen et emprisonné à trois reprises sous le mandat de M. Pachinian, Robert Kotcharian, qui était poursuivi pour corruption et violation de l’ordre constitutionnel, a été acquitté début avril. Multipliant les attaques personnelles à l’égard du Premier ministre sortant, cet ami de Vladimir Poutine espère désormais prendre sa revanche sur son rival avec qui tout l’oppose. « Cette élection est vraiment un choix difficile entre le passé et l’avenir », estime Richard Giragosian. « L’opposition, largement composée d’éléments de l’ancien système, propose un retour vers le passé, avec un appel à un leadership de “l’homme fort” et à un régime autocratique. Le gouvernement Pachinian table sur une plateforme prometteuse pour l’avenir, mettant l’accent sur la démocratie et la lutte contre la corruption », observe-t-il. Dénonçant la corruption de ses rivaux, parmi lesquels figurent trois ex-présidents de l’ancienne classe dirigeante, M. Pachinian a annoncé une récompense de 1 000 dollars à toute personne qui apporterait la preuve d’une tentative de corruption électorale ou d’un versement d’un pot-de-vin dans ce cadre.

Pour mémoire

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À la veille du scrutin, la déception des Arméniens semble importante au terme d’une campagne électorale marquée par des attaques personnelles réciproques et peu d’échanges sur les sujets de fond. « Le fait que la sécurité soit le thème principal des élections ne fait qu’aggraver la menace d’une dépendance excessive de l’Arménie vis-à-vis de la Russie et prive l’électeur du choix de sa politique », estime Richard Giragosian. Face à la virulence des discours portés par les candidats au cours des dernières semaines, plusieurs observateurs craignent que le scrutin ne donne lieu à des violences. Hier, près de 20 000 partisans de l’opposition se sont rassemblés à Erevan avant les élections. Si aucune formation ou coalition n’obtient la majorité demain, un second tour aura lieu le 18 juillet entre les deux partis ayant obtenu le meilleur score.

Pour beaucoup d’Arméniens, les élections législatives anticipées prévues demain se résument à un choix du moindre mal. D’un côté, la liste conduite par le Premier ministre sortant Nikol Pachinian, accusé par l’opposition d’être un « traître » pour avoir accepté la défaite face à l’Azerbaïdjan à l’issue du conflit déclenché en septembre dernier dans...
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