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Nawaf Salam… dans la guerre comme dans la paix

Nawaf Salam… dans la guerre comme dans la paix

D.R.

Le vacarme politico-juridique mâtiné d’hérésies bat son plein au Liban. L’occasion pour Nawaf Salam de rectifier le cours du débat sur le processus de transition politique nécessaire pour restaurer la notion de l’État, impossible selon lui en dehors du cadre de l’accord de Taëf et sans « garantir les conditions nécessaires pour le passage vers un État civil et moderne fondé sur les valeurs d'égalité, de liberté et de justice sociale, plutôt que sur le sectarisme, le partage du gâteau et le clientélisme. Un État qui incarnerait dans tous les domaines sans exception les principes universels de la Déclaration des droits de l'homme, telle que stipulée dans le préambule de la Constitution amendée sur base de Taëf ».

À première vue, les articles de Nawaf Salam et ses propositions relatives à la réforme politique nécessaire pour un passage à la IIIe République peuvent sembler relever du fantasme, pour ne pas dire du sophisme, d'autant que la junte politique et financière au pouvoir a usé et abusé des mêmes propositions jusqu’à les désubstantialiser et en faire des slogans creux. En fait, la lecture politique et juridique de Salam enracinée dans son dernier livre est l’antithèse de la tyrannie populiste de la culture libanaise. Elle porte, dans son aspect historique, une lecture mûre et objective du cœur du conflit politique représenté par la guerre civile libanaise, qui s'est achevée avec l’accord de Taëf, que Salam considère comme le « point de passage » vers un nouveau système politique.

Dans la deuxième partie du livre intitulée « Paix et guerre » (et qui porte sur les racines et le processus de la guerre au Liban entre 1975 et 1990, et sur l'accord de Taëf ou la paix fragile), Salam endosse la casquette de l'historien et définit le cadre de la crise politique actuelle dans la foulée des conflits politiques et des guerres civiles traversés par le Liban, mais aussi du compromis qui a fait taire les canons, mais qui n'a pas pour autant réussi à garantir les conditions internes et externes de la transition vers le nouveau système politique souhaité dans l'esprit de Taëf.

Le diagnostic proprement dit de la guerre civile établi par Nawaf Salam se focalise sur la relation symbiotique entre les conditions internes et externes qui ont permis la transformation du Liban en une arène de conflits régionaux dans le cadre du conflit israélo-arabe et de la Guerre froide. Ce qui est remarquable dans l'analyse de l’auteur est son refus d'adopter le récit populaire qui considère la guerre civile comme simplement « la guerre des autres au Liban » et qui dédouane le système politique libanais, la formule de 1943 et le Pacte national de sa responsabilité dans l’embourbement du Liban au sein d’une série de conflits locaux entre le maronitisme politique d’une part, et la gauche et les forces islamiques de l’autre. Le deuxième camp avait exigé des réformes structurelles du système, rejetées par la clique au pouvoir à l'époque, incitant les parties au conflit à recourir à l'étranger pour retourner la situation en leur faveur, et à mettre, partant, le feu aux poudres.

Les dix ans de combats entre Libanais n'ont pas été sans de nombreuses tentatives régionales et internationales d’imposer un compromis interne, mais toutes se sont heurtées tantôt à l'intransigeance des parties libanaises et régionales, tantôt à l'absence de circonstances favorables. Les diverses formules de réformes qui ont été proposées durant la guerre, y compris le document constitutionnel de 1976, les principes de l’entente de 1980, le document de Lausanne de 1984, la déclaration ministérielle du gouvernement d'union nationale de 1984 et l'Accord tripartite de 1985, n'ont ainsi été que des tentatives infructueuses qui ont ouvert la voie à l’accord de Taëf en 1989, les conditions internationales s’étant alignées à l’époque pour imposer la formule définitive du compromis politique.

L'accord de Taëf a constitué un package deal, selon Salam. Il a ainsi introduit des amendements au régime politique libanais et « a réussi à contenir la violence sectaire, mais a renforcé le sectarisme » et a laissé le système politique fragile vulnérable face aux tensions internes et régionales orchestrées par Hafez el-Assad, nommé tuteur de l'accord de Taëf et devenu le dirigeant de facto du Liban en collaboration avec les princes des communautés libanaises.

L'absence de mise en œuvre du document d'entente nationale – connu sous le nom d'accord de Taëf – a maintenu le Liban en suspens et a considérablement affaibli son système confessionnel clientéliste, le conduisant, en 2019, au bord de l'abîme. La lecture historique et politique de la guerre civile libanaise et du compromis qui y a mis fin confirme plusieurs faits, notamment que toutes les parties libanaises doivent avancer vers une IIIe République « forte » au sens structurel, la consolider et la sanctuariser contre toute attaque régionale qui pourrait survenir en raison de l’appel de l’une des parties locales à un soutien de l’extérieur au service d’un projet local en marche.

Les contributions de Nawaf Salam au mouvement intellectuel réformateur dans notre monde arabe sont innombrables, mais son nouveau livre vient rappeler que le chemin de la réforme, du salut de l'entité libanaise et de la restauration de l'État doit passer par un processus long et délicat qui commence par la mise en œuvre de l'esprit et des articles de la Constitution de Taëf, notamment l'article 95, en vue du passage à un nouveau système politique respectant l'être humain et immunisant le Liban du danger d'un retour à son passé violent.


Le vacarme politico-juridique mâtiné d’hérésies bat son plein au Liban. L’occasion pour Nawaf Salam de rectifier le cours du débat sur le processus de transition politique nécessaire pour restaurer la notion de l’État, impossible selon lui en dehors du cadre de l’accord de Taëf et sans « garantir les conditions nécessaires pour le passage vers un État civil et moderne fondé...

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Jack Gardner

21 h 09, le 03 juin 2021

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    Jack Gardner

    21 h 09, le 03 juin 2021

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