« La nuit de samedi a été la plus dure de ma vie. Même si j’en parle pendant des heures, vous ne pourrez jamais ressentir ce que nous avons vécu. On entendait des gens hurler, des immeubles s’effondrer et les bombes se faisaient de plus en plus proches. On était tous les quatre, mes parents, ma soeur et moi, pétrifiés dans le couloir sans pouvoir fermer l’œil, à prier pour que ça cesse. J’ai compté chaque minute avant de voir enfin le lever du soleil. Non, je ne vais pas bien. Personne ne devrait vivre une situation pareille, une telle injustice, une telle ségrégation, une oppression et un génocide. Lorsqu’une bombe tombe on vérifie où elle a atterri et on se rue sur le téléphone pour savoir si nos proches et nos amis vont bien. Samedi en début d’après-midi, ils ont détruit la tour al-Jalaa (l’aviation israélienne avait atteint l’immeuble qui abritait, entre autres, les bureaux de la chaîne al-Jazeera et de l’Associated Press). Ils ont prévenu les gens qui se trouvaient sur les lieux mais ça ne justifie rien. Ils ont décidé de faire taire les médias qui couvraient sans relâche ce génocide. C’est terrible de voir son ancien immeuble se faire pulvériser en direct à la télévision. Quand mes parents sont arrivés de Bagdad à Gaza en 1999 lorsque ma sœur et moi étions petits, nous avons habité au 10e étage de la tour al-Jalaa durant 9 ans. J’y ai tous mes souvenirs d’enfance, ceux des bons copains et des anniversaires passés entre ces murs. Des appartements ont été visés dans un autre immeuble que je peux voir de ma fenêtre. Personne n’est à l’abri à Gaza et beaucoup de civils sont morts alors qu’ils étaient tranquillement chez eux. C’est le fracas d’une bombe qui m’a sorti de mon lit ce samedi matin. J’ai couru vers le couloir pour essayer de me calmer. Comme il est impossible de mettre le pied dehors, je suis resté dans ma chambre à lire Sapiens : une brève histoire de l’humanité (de l’auteur israélien Yuval Noah Harari), alors que les bombes pleuvaient. Je suis diplômé en littérature anglaise et en traduction et je viens à peine de retrouver un emploi dans le service clientèle, mais tout est à l’arrêt dans ces circonstances. On s’est retrouvé autour de la table du déjeuner avec ma famille, mais personne n’avait vraiment faim. L’estomac noué, on a essayé de parler d’autre chose, de se remémorer les bons moments à al-Jalaa. Mais la réalité vous rattrape vite : a-t-on assez de provisions pour tenir ? Est-ce qu’il y aura un cessez-le-feu ? Nos sacs avec nos documents importants et quelques biens précieux sont prêts au cas où on devrait partir de chez nous. On irait chez mon oncle, quelques pâtés de maisons plus loin, mais on sera toujours exposés au danger. Parfois, mes parents regrettent de nous avoir ramenés en Palestine, mais ma sœur et moi on leur dit qu’il ne faut pas regretter. Ils ne pouvaient pas savoir il y a plus de vingt ans que la situation serait ainsi. Même sous occupation, même avec le blocus, ils espéraient nous offrir une belle vie ici. »
Moyen-Orient - « Je vous parle de Gaza »
Omar : C’est terrible de voir son ancien immeuble se faire pulvériser en direct à la télévision
Après sept jours de conflit entre l’État hébreu et le Hamas, les bombardements contre la bande de Gaza, qui abrite près de deux millions de civils, se font de plus en plus intenses. Un territoire où plus de la moitié de la population a moins de 18 ans et où le chômage chez les jeunes est rampant. Une ville, sous le joug du Hamas, où les habitants ont désormais le sentiment d’être pris pour cible à n’importe quel moment, de jour comme de nuit, sans pouvoir espérer fuir. Au moins 188 personnes ont péri dans l’enclave palestinienne depuis lundi dernier. « L’Orient-Le Jour » a décidé de donner la parole à ces Gazaouis, qui témoignent à la première personne de leur quotidien sous un déluge de feu israélien. Chaque jour, pendant une semaine, un homme ou une femme racontera sa vie dans l’enfer de Gaza. Aujourd’hui, le témoignage de Omar Alrabi, 24 ans, diplômé en littérature anglaise et en traduction.
OLJ / Par Propos recueillis par Caroline HAYEK, le 17 mai 2021 à 00h00
commentaires (8)
Nous avons vécu le malheur total et continuons de déguster depuis 1975 ! Les palestiniens ont fait de très mauvais choix lorsqu’ils pouvaient choisir,,, Que fait leur diaspora hyper riche ? Niente ! Ramallah se porte cent fois mieux que Beyrouth parce qu’ils ont compris que la semi- paix fonctionne bien mieux. Les autres palestiniens n’ont qu’à suivre le pas s’ils sont intelligents,,, Impossible de soutenir des extrémistes et continuer cette hystérie totale et destructrice.
Wow
14 h 17, le 17 mai 2021