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Nos Lecteurs ont la Parole

Monsieur Le Drian, merci pour la visite. C’était à quel sujet ?

Nombreux sont les clichés qui caractérisent les rapports franco-libanais. Alors que la France était la tendre mère pour les maronites, elle était au même moment une force coloniale pour les musulmans. Décriée comme partenaire contestée de Sykes-Picot, elle est encensée comme fondatrice du Grand Liban qui n’aurait jamais vu le jour sans Sykes-Pikot.

Le même Grand Liban et la France avec sont stigmatisés à chaque fois que les tensions communautaires sont exacerbées ou que le système de l’État s’avère défaillant, c’est-à-dire pratiquement tous les jours depuis l’indépendance. Cependant, il y a ce lien indéfectible et assez incompréhensible entre les deux pays.

À chaque fois que le Liban traverse une crise grave, la France est à ses côtés. La route entre Paris et Beyrouth est en permanence pavée de bonnes intentions. En août 2020, Emmanuel Macron, accueilli en héros à Beyrouth, a été le seul chef d’État à se rendre sur les lieux du drame après la double explosion du port.

Quelques semaines plus tard, il revient pour célébrer le premier centenaire de la déclaration du Grand Liban. Il a presque été hué par la population. Les uns voulaient qu’il désarme le Hezbollah, les autres voulaient qu’il écarte toute la classe politique pour les installer au pouvoir.

À la première visite, il a été question d’enquête internationale et d’experts français. À la seconde, on passe à la vitesse supérieure et on définit une initiative française prévoyant la formation d’un gouvernement de spécialistes indépendants, lançant un plan de réformes précis et aboutissant à une aide internationale de 11 milliards de dollars permettant au Liban de sortir de sa crise dangereuse avant qu’elle ne devienne existentielle.

Or, force est de constater que non seulement il n’y a pas eu d’enquête internationale, mais qu’il n’y a pas eu d’enquête du tout. Quant à la fameuse « initiative », elle s’est noyée dans les méandres des jeux politiques libanais. Nonobstant la qualité du remède, son efficacité passe obligatoirement par l’intention du patient de coopérer avec son médecin traitant. Seuls les comateux et les aliénés mentaux peuvent être traités sans leur approbation explicite.

C’est dans ce contexte qu’a eu lieu la visite du ministre Jean-Yves Le Drian dans un pays assommé par la peur, affolé par le désespoir. Les chances de réussite étaient minimes, mais avant de parler de réussite, il faudrait encore définir les objectifs. C’est là que le bât blesse.

M. Le Drian est venu puis reparti sans que l’on sache exactement ce qu’il était venu faire. Il y a quelques semaines, les opposants à Gebran Bassil, qui a le don de grossir leurs rangs tous les jours, retenaient leur respiration à l’idée que le gendre, largement contesté, serait reçu à l’Élysée. L’idée était sérieuse, mais elle a été avortée à la dernière minute. Quelques jours plus tard, il a été question de la mise en application de sanctions qui viseraient ceux qui bloquent la formation du gouvernement, dont M. Bassil.

Quelques jours plus tard, M. Le Drian débarque à Beyrouth, sans plan clair et sans leviers réels de pression. On parle de sanctions, mais on ne sanctionne pas. On parle de solution, mais on ne voit pas comment obtenir un résultat différent avec les mêmes ingrédients.

M. Le Drian se réunit avec quelques cadres et les baptise « forces du changement ». Jusqu’à preuve du contraire, c’est le peuple libanais qui en décide dans les urnes. Il ne rencontre pas Samir Geagea, qui ne cesse pourtant de souligner qu’il refuse de participer au gouvernement dans le contexte actuel et dont les positions sont en phase avec celles de la France. Le plus incompréhensible reste le boycott du patriarche maronite Béchara Raï, qui est aujourd’hui, qu’on le veuille ou non, le fer de lance face à une certaine classe politique qui détient les rênes du pouvoir et que M. Le Drian semble dénoncer.

Ce manque de clarté, tant au niveau de l’objectif que sur le plan des moyens, qui a marqué la dernière visite de M. Le Drian à Beyrouth est particulièrement regrettable. Cela risque de fragiliser la position de la France au Liban, ce qui serait nuisible à la fois pour la France et pour le Liban.

La France aime le Liban, et c’est probablement un cas unique dans les relations entre pays. Toute faiblesse de la France affecte le Liban. Avec toute notre reconnaissance, nous soulignons quand même que tout superflu dans l’action est perçu comme du cafouillage nuisible à l’action de base.

Un vieux dicton dit : « Quand on n’a pas grand-chose à dire, vaut mieux s’abstenir de crier fort. »


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Nombreux sont les clichés qui caractérisent les rapports franco-libanais. Alors que la France était la tendre mère pour les maronites, elle était au même moment une force coloniale pour les musulmans. Décriée comme partenaire contestée de Sykes-Picot, elle est encensée comme fondatrice du Grand Liban qui n’aurait jamais vu le jour sans Sykes-Pikot. Le même Grand Liban et la France...

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