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Nos Lecteurs ont la Parole

Lettre ouverte à Le Drian : Seul l’équilibre créatif entre chrétiens et musulmans sauvera le Liban

Monsieur le Ministre,

Nous hésitions, un peu gênés, à vous souhaiter la bienvenue.

Nous hésitons, un peu gênés, à vous dépeindre avec fierté l’historique hospitalité libanaise.

Nous hésitons, un peu gênés, à rappeler à votre bon souvenir que le cœur du Liban n’a jamais cessé de battre au rythme de celui de la France.

Vous étiez le premier à vous élever contre l’injustice subie par le peuple libanais, le premier à dénoncer la corruption, le premier à pointer les risques. Et nous savons que vous serez le dernier, tenant la ligne, faisant front, face à l’adversité, et même dans la solitude.

Vous faites partie de ceux :

– qui n’ont pas peur de choisir l’ombre pour protéger la lumière, et

– qui nous rappellent la nécessite de se familiariser avec notre histoire tragique pour éviter qu’elle ne se répète.

Dans le chaos, dans ce charnier à ciel ouvert, dans cette horreur orchestrée par nos dirigeants avec la complaisance de puissances étrangères, nous aimons à croire que seul « l’équilibre créatif entre chrétiens et musulmans » pourra sauver le Liban d’une disparition annoncée à laquelle tant de personnes se sont résignées, mais contre laquelle la France s’est toujours élevée comme le dernier rempart.

Les tensions sécuritaires, l’impasse économique, la menace terroriste, les crises successives et la mondialisation de la violence nous ont poussés à partir, à nous déraciner pour tenter de nous réenraciner ailleurs, dans une terre étrangère dans laquelle nous voyons un salut mais où nos fruits seront étrangers. Le Liban est exsangue de lui-même, de son intrinsèque identité, et n’a plus de futur. Il est une plaie béante perdant ses derniers caillots d’espoir, de talent et de génie créatif, comme un animal blessé se vide de son sang. L’histoire s’accélère et le peuple porte une croix bien trop lourde pour lui.

Ceux qui se sont résignés à partir voulaient rester, ceux qui ont dû rester veulent partir ; nous sommes déboussolés. Nous avons perdu le nord, mais également le sud, l’est et l’ouest. Le peuple libanais erre dans un désert idéologique, se raccroche à des espoirs vains et retombe chaque fois plus lourdement lorsque la réalité économique, sociale ou sanitaire s’abat sur lui.

Puis au bout de notre nuit interminable, il y a l’aurore qui s’élève lourdement mais qui devra laisser place à un soleil radieux ; tel est l’impératif que nous devons nous imposer. Au milieu de ce chaos, il y a la lampe demeurée sous le boisseau que l’on devra hisser sur le chandelier afin qu’elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison.

Cet ultime espoir auquel nous nous raccrochons est cette jeunesse magnifique qui nous succède et qui, nous le souhaitons, fera mieux que nous, plus que nous, plus rapidement que nous. Assez ironiquement, et si nous devions résumer l’aide de la France a notre réseau d’éducation, nous devrions dire que l’avenir est dans l’histoire assumée, et que l’évolution est dans l’immuable des livres. Tel est le message que nous retenons et que nous tâcherons de faire passer aux générations futures afin que les graines d’espoir que vous nous aidez à semer aujourd’hui deviennent les champs florissants de tolérance et de réussite de demain.

Monsieur le Ministre, à l’heure où nous célébrons le bicentenaire de sa mort, tentons ensemble de donner tort à Napoléon qui arguait que l’« on gouverne mieux les hommes par leurs vices que par leurs vertus ».

Sauvons ensemble ce message que le Liban est pour le monde. Aidez-nous à nous aider, bon sang.

Avocat à Abou Dhabi

Marie Jo TAGER

Activiste environnementale

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Monsieur le Ministre,
Nous hésitions, un peu gênés, à vous souhaiter la bienvenue.
Nous hésitons, un peu gênés, à vous dépeindre avec fierté l’historique hospitalité libanaise.
Nous hésitons, un peu gênés, à rappeler à votre bon souvenir que le cœur du Liban n’a jamais cessé de battre au rythme de celui de la France.
Vous étiez le premier à vous élever contre...

commentaires (1)

Si bien écrit! Tout est dit! Rien à ajouter sauf que, en effet , l'ancienne génération dont de nombreuses figures étaient capables de réaliser des réformes, a peché par omission en passant outre tant de graves infractions contre l'Etat de droit, l'instruction civique de tous les citoyens depuis l'enseignement élémentaire, ainsi que contre les droits de l'homme et de la femme et leurs obligations! En ce moment seule une jeunesse unifiée, créative et motivée pourrait sauver le Liban!

Zaarour Beatriz

23 h 15, le 08 mai 2021

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Commentaires (1)

  • Si bien écrit! Tout est dit! Rien à ajouter sauf que, en effet , l'ancienne génération dont de nombreuses figures étaient capables de réaliser des réformes, a peché par omission en passant outre tant de graves infractions contre l'Etat de droit, l'instruction civique de tous les citoyens depuis l'enseignement élémentaire, ainsi que contre les droits de l'homme et de la femme et leurs obligations! En ce moment seule une jeunesse unifiée, créative et motivée pourrait sauver le Liban!

    Zaarour Beatriz

    23 h 15, le 08 mai 2021

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