Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, qui a conclu aujourd’hui une visite de deux jours durant laquelle il a rencontré les trois présidents et des acteurs de la société civile ainsi que de l'opposition politique, a adressé une nouvelle mise en garde aux responsables qu'il accuse de blocage dans un Liban en crise.
Le chef de la diplomatie leur a ainsi fait savoir que si les dirigeants n'agissaient pas dès aujourd'hui, "ils devraient en assumer les conséquences", prévenant que les mesures restrictives récemment prises par Paris contre des responsables libanais pourraient être "durcies ou étendues". "La France reste et restera mobilisée dans la durée en soutien à la population libanaise", a déclaré M. Le Drian, lors d'un point de presse à la Résidence des Pins avec plusieurs journalistes, avant de quitter Beyrouth.
Le déplacement du ministre français à Beyrouth intervient après l'annonce par Paris de restrictions d'accès au territoire français à des personnalités libanaises jugées responsables du blocage qui empêche la formation d'un gouvernement depuis bientôt neuf mois. La France a toutefois évité de citer les noms des dirigeants libanais visés ainsi que la nature exacte des mesures.
L'impasse politique est notamment due à un conflit politique entre le président de la République, Michel Aoun, et son gendre Gebran Bassil d'une part, et le Premier ministre désigné, Saad Hariri, d'autre part. Les deux parties se rejettent la responsabilité du blocage. Jeudi, le président Aoun a affirmé à M. Le Drian qu'il "poursuivrait ses efforts" pour former rapidement un gouvernement, attendu depuis août 2020 pour mettre en œuvre des réformes, alors que le pays traverse une multitude de crises. Le chef de l'Etat a également critiqué sans le nommer M. Hariri devant le chef de la diplomatie française.
"Suicide collectif"
"Après huit mois de blocage, le Liban a besoin d’un renouveau de ses pratiques politiques et institutionnelles", a estimé Jean-Yves Le Drian. "Face à l’obstruction des forces politiques, j’ai mesuré une nouvelle fois au cours de cette visite la vitalité des forces de la société civile libanaise", a-t-il aussi fait savoir, au lendemain d'une série d'entretiens avec des acteurs issus de la révolte populaire anti-pouvoir déclenchée le 17 octobre 2019.
"Il est urgent de sortir de l’impasse politique dans laquelle le pays se trouve", a encore plaidé le chef de la diplomatie française. "J’ai exprimé clairement cette nécessité lors de mes entretiens avec les trois présidents. A ce jour, je constate que les acteurs politiques n’ont pas encore assumé leurs responsabilités et ne se sont pas mis à travailler sérieusement au redressement du pays. Je suis là précisément pour éviter cet espèce de suicide collectif organisé par certains", a-t-il ajouté.
"Si les responsables n’agissent pas dès aujourd’hui, ils devront assumer les conséquences de cet échec. Nous avons commencé à mettre en œuvre des mesures restrictives. Ce n’est qu’un début. Si le blocage persiste, ces mesures pourront être durcies ou étendues, ou complétées par les instruments de pression dont dispose l'Union européenne et sur lesquels une réflexion a déjà commencé avec nos partenaires européens", a prévenu le patron du Quai d'Orsay.
Les échéances de 2022, une étape majeure
"Aux responsables libanais de décider s’ils veulent sortir du blocage qu’ils ont organisé", a encore lancé M. Le Drian. "La période du test de responsabilité est caduque", a-t-il encore estimé. Il a ensuite rappelé que "le respect du calendrier électoral démocratique au Liban est incontournable". "Les échéances de 2022 seront une étape majeure", a prévenu le haut responsable français, alors que le Liban doit organiser une présidentielle, des législatives ainsi que des municipales l'année prochaine. La tenue de ces élections n'est pas une certitude dans un pays devenu coutumier des reports de scrutins.
Expliquant pourquoi il s'est entretenu avec Michel Aoun, Saad Hariri et le président du Parlement, Nabih Berry, alors que Paris ne souhaite pas dialoguer avec les chefs de file politiques traditionnels, Jean-Yves Le Drian a dit avoir rencontré les trois présidents "parce qu’ils représentent les institutions du Liban. Je ne suis pas venu ici pour mener des tractations politiques".
Jeudi, le chef de la diplomatie française a rencontré des "forces politiques du changement" dont plusieurs groupes de la société civile et de certains partis de l'opposition. Avant de prendre l’avion pour Beyrouth, il avait annoncé mercredi soir, sur son compte Twitter, qu’il adresserait "un message de grande fermeté aux responsables politiques" libanais, qui ne parviennent pas à se mettre d'accord pour mettre sur pied le cabinet. Le lendemain, M. Le Drian avait rappelé que la France "a tenu ses engagements" vis-à-vis du Liban, contrairement aux "parties libanaises concernées".
Deux diplomates français ont pour leur part déclaré à l'agence Reuters que Jean-Yves Le Drian voulait envoyer un message clair selon lequel la France soutient le peuple libanais, mais en a assez de la classe politique qui n'a pas respecté ses engagements.
commentaires (21)
Entre américains et européens, la boucle se serre autour des mauvais responsables qui ont ruiné le pays. Il reste que ça se rentabilise en retour de fonds volés.
Esber
17 h 37, le 08 mai 2021