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Moyen-Orient - Éclairage

Le nouveau cycle de pourparlers à Genève sur l’avenir de Chypre est mort-né

Les premières discussions informelles depuis 2017 organisées sous l’égide de l’ONU se sont soldées par un échec, a reconnu hier le secrétaire général António Guterres.

Le nouveau cycle de pourparlers à Genève sur l’avenir de Chypre est mort-né

Des passants près d’un mur sur lequel est peint le drapeau chypriote à Nicosie, le 27 avril 2021. Yiannis Kourtoglou/Reuters

Si peu d’observateurs pariaient sur la signature d’un accord entre la partie sud de l’île de Chypre, membre de l’Union européenne (UE), et la partie nord, partiellement occupée par la Turquie et non reconnue par la communauté internationale, force est de constater que l’issue du nouveau round de pourparlers informels organisés à Genève sous l’égide de l’ONU leur a rapidement donné raison. Après trois jours de discussions achevées hier, au cours desquelles le secrétaire général des Nations Unies António Guterres a rencontré le président chypriote Nikos Anastasiadès, le dirigeant de la République turque de Chypre du Nord (RTCN), Ersin Tatar, ainsi que les ministres des Affaires étrangères turc, grec et britannique, M. Guterres a admis que celles-ci avaient échoué. « La vérité, c’est qu’au terme de nos efforts, nous n’avons pas encore trouvé assez de points communs pour permettre la reprise de négociations formelles en relation avec le règlement du problème chypriote », a déclaré le secrétaire général lors d’une conférence de presse, précisant par la suite qu’il n’abandonnerait pas.

Alors que la partie sud de Chypre plaide pour la réunification de l’île et la création d’un État fédéral, l’autoproclamée RCTN cherche au contraire à obtenir la reconnaissance de la communauté internationale et réclame ainsi la création de deux États souverains. « La Turquie et les Chypriotes turcs affirment que la possibilité de trouver une solution fédérale a été épuisée lors des cycles précédents et que les parties doivent sortir des sentiers battus pour trouver une nouvelle formule », indique Berkay Mandiraci, spécialiste de la Turquie à l’International Crisis Group. « Le dirigeant Chypriote turc, Tatar, souligne également l’isolement paralysant auquel les Chypriotes turcs sont confrontés dans le Nord et indique qu’ils travailleront pour la reconnaissance de la RTCN », ajoute ce dernier.

Échec des négociations

Quatre ans après l’échec des pourparlers de Crans-Montana en Suisse, qui s’étaient notamment heurtés au refus d’Ankara d’obéir au calendrier clair demandé par Nicosie pour le retrait progressif de près de 30 000 soldats turcs basés dans le nord de Chypre, la tenue de nouvelles discussions avait pour but de renouer le dialogue entre les deux parties de l’île divisée. Depuis 1974 et l’occupation du tiers nord de Chypre par la Turquie en réaction au coup d’État visant à rattacher l’île à la Grèce, le pays est scindé en deux. En 1983, le territoire sécessionniste du Nord s’est autoproclamé République turque de Chypre du Nord, unilatéralement reconnue par Ankara.

La perspective d’un dialogue entre les deux camps paraissait d’autant plus compromise depuis quelques mois que le candidat nationaliste Ersin Tatar a été réélu Premier ministre de la RTCN en octobre dernier, mettant fin aux aspirations de Chypre en faveur de la réunification. Hostile à la création d’un État fédéral, ce dernier était largement favorisé par Ankara. La tension était notamment montée d’un cran lorsque les deux alliés avaient annoncé la réouverture partielle de la ville de Varosha, désertée par ses habitants Chypriotes grecs après l’invasion turque et devenue le symbole de la division de l’île.

La position turque

Si les tensions étaient effectivement à la hausse, le changement d’attitude du président turc Recep Tayyip Erdogan, notamment suite à l’arrivée en janvier dernier de son homologue américain Joe Biden à la Maison-Blanche, semble avoir ouvert la voie à la tenue de pourparlers. « Avec l’arrivée de Joe Biden au pouvoir, Erdogan s’est montré beaucoup moins offensif, notamment sur la question de la limitation des zones économiques exclusives (ZEE) en Méditerranée orientale et de l’exploitation du gaz. Alors qu’il a entamé une politique plus modérée vis-à-vis de ces questions, le président turc a accepté la tenue de cette conférence à cinq incluant Ankara », explique Gilles Bertrand, chercheur au Centre Émile-Durkheim, qui y voit un retour à l’époque de Bill Clinton, « au cours de laquelle, pour ménager leurs relations avec les États-Unis, les gouvernements turcs successifs poussaient les dirigeants Chypriotes turcs nationalistes à accepter ce type de conférence ».

Malgré la volonté de Recep Tayyip Erdogan d’offrir des gages aux Occidentaux, ce dernier ne semble pas être en mesure de pouvoir plaider pour une réunification de l’île. « Erdogan a déjà pris beaucoup de risques en faveur de la réunification lors des négociations sur le plan Annan (plan de réunification de l’ONU soumis par référendum aux deux populations chypriotes en 2004 et rejeté par la partie grecque) entre 2002 et 2004. Mais à l’époque, son parti avait la majorité parlementaire, et il y avait une perspective à plus ou moins long terme d’adhésion de la Turquie à l’UE », poursuit Gilles Bertrand. « Aujourd’hui, cette perspective est écartée, et le parti du président turc dépend du parti ultranationaliste MHP, historiquement favorable à l’annexion de Chypre-Nord à la Turquie, pour obtenir la majorité au Parlement », précise le chercheur.

Si le secrétaire général des Nations unies a indiqué hier qu’il espérait reprendre les discussions d’ici à deux ou trois mois, la solution privilégiée par Nicosie semble irréaliste. « Une avancée dans les négociations semble improbable, à moins que les deux parties n’annoncent leur volonté de négocier à partir de leurs positions annoncées », estime Berkay Mandiraci, pour qui « Ankara semble davantage disposé à coopérer avec les États-Unis sur certaines questions et à accepter de ne pas être en accord sur d’autres ».

L’échec de ce nouveau cycle de pourparlers intervient au moment où les divisions entre les deux camps semblent se creuser de jour en jour depuis l’apparition de la pandémie de Covid-19. Alors que la majorité des points de passage entre le Nord et le Sud de l’île sont inaccessibles, chaque partie a dû lutter séparément contre la propagation du virus. La crise sanitaire a notamment porté un coup à l’économie chypriote turque, dépendant presque exclusivement des aides d’Ankara. « La situation entre les deux camps pourrait s’améliorer d’ici à quelques mois. Si les Chypriotes grecs ont l’intelligence de se fournir suffisamment en vaccins pour en donner aux Chypriotes turcs, cela détendra certainement les choses », estime à son tour Gilles Bertrand.

Si peu d’observateurs pariaient sur la signature d’un accord entre la partie sud de l’île de Chypre, membre de l’Union européenne (UE), et la partie nord, partiellement occupée par la Turquie et non reconnue par la communauté internationale, force est de constater que l’issue du nouveau round de pourparlers informels organisés à Genève sous l’égide de l’ONU leur a rapidement...

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