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Moyen-Orient - ÉCLAIRAGE

Washington et Tel-Aviv en brouille sur le dossier nucléaire iranien ?

« Les positions israélienne et américaine ne sont plus simplement différentes, elles sont presque opposées », observe Michael Horowitz, spécialiste du Moyen-Orient à LeBeck International.

Washington et Tel-Aviv en brouille sur le dossier nucléaire iranien ?

À gauche : le président Joe Biden, ici en 2019 lors d’un discours à Los Angeles (Californie). À droite, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, à Jérusalem, en septembre 2018. Photos d’archives/AFP

Une rencontre à Washington entre des diplomates américains et plusieurs hauts représentants de l’appareil sécuritaire israélien : voilà comment Washington et Tel-Aviv tenteront de régler leurs différends autour du dossier nucléaire iranien. Signe de tension, mais également de la volonté de trouver un terrain d’entente, les réunions prévues la semaine prochaine sont le fruit d’efforts afin « d’éviter l’escalade et de promouvoir la coopération », tandis que les deux parties cultivent l’espoir de « se convaincre mutuellement et de modifier la logique d’action », estime Abdolrasool Divsallar, codirecteur de la Regional Security Initiative au sein du Middle East Directions Programme of the Robert Schuman Centre for Advanced Studies.

Côté israélien, la délégation devrait présenter ses arguments afin de limiter les pertes. « Israël a atteint un certain niveau de résignation, son objectif porte moins sur la question de l’accord que sur la nécessité de persuader les États-Unis de protéger les intérêts israéliens – il a par exemple été demandé à la délégation de ne pas discuter les détails de l’accord », commente pour L’Orient-Le Jour Aaron David Miller, ancien négociateur au sein d’administrations américaines républicaines et démocrates. Côté américain, il s’agira de poursuivre l’effort de coordination déjà entamé. « Les deux parties comprennent qu’il est de leur intérêt de combler l’écart dans la mesure du possible, tout en ayant conscience que des différences puissent subsister », estime Naysan Rafati, analyste principal sur l’Iran à l’International Crisis Group, pour qui les avancées de Vienne sont relatives. Car sur le dossier iranien, « les positions israélienne et américaine ne sont plus simplement différentes, elles sont presque opposées : tandis que l’administration Biden cherche à réintégrer l’accord, Israël souhaite que Washington use des acquis de l’administration précédente afin de maximiser les concessions du côté iranien et étendre le deal – ou carrément éviter une réintégration de l’accord », estime Michael Horowitz, spécialiste du Moyen-Orient à LeBeck International. Les deux alliés s’accordent certes sur l’objectif général, celui d’un endiguement de l’arsenal nucléaire iranien, mais les méthodes pour y arriver sont un sujet de discorde depuis presque dix ans.

La crédibilité de Washington en jeu

Ressurgissant à intervalles réguliers, les désaccords entre Washington et Tel-Aviv sont revenus au premier plan au cours des dernières semaines. Benjamin Netanyahu, qui s’oppose à un accord international depuis 2013 et présente l’affaire comme une question de sécurité nationale, voit d’un très mauvais œil l’objectif affiché par le nouveau président américain. Joe Biden, de son côté, souhaite mettre fin à la politique de pression maximale de son prédécesseur à l’encontre de Téhéran et espère un retour à l’accord de 2015, aussi appelé Plan d’action global commun (PAGC), suite au retrait unilatéral de Donald Trump en mai 2018. « D’un point de vue israélien, le PAGC n’est pas durable et les limitations ne sont pas suffisantes pour contenir les capacités nucléaires iraniennes au long terme », note Abdolrasool Divsallar.

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L’explosion survenue le 10 avril dans l’usine iranienne d’enrichissement d’uranium de Natanz expose au grand jour ces tensions. Attribuée aux services de renseignements israéliens, l’attaque s’inscrit certes dans la lignée d’une confrontation polymorphe entre Tel-Aviv et Téhéran. Mais celle-ci intervient quelques jours après le lancement de négociations à Vienne entre les États parties à l’accord de 2015 sur le nucléaire iranien (États-Unis, Iran, Allemagne, France, Royaume-Uni, Chine, Russie) en vue d’un rétablissement de ce dernier. Aux yeux des observateurs internationaux, Tel-Aviv semble alors vouloir rappeler à l’ordre les participants, comme pour indiquer qu’une absence à la table des négociations et un refus catégorique de l’accord, ne signifient pas une disparition totale de l’échiquier politique.

« Un moyen de gagner un avantage sur Washington, en indiquant également que d’autres tensions similaires pourraient avoir lieu », remarque Michael Horowitz.

Au-delà du changement d’approche, Tel-Aviv reproche également à Washington ses méthodes : son manque de transparence quant au processus de négociation ainsi que son manque d’égard vis-à-vis des craintes israéliennes. D’autant que Tel-Aviv s’inquiète des avancées des négociations à Vienne, qui semblent prendre un tournant positif, à en croire les déclarations du président iranien et du secrétaire d’État américain, qui évoquent la possibilité d’un accord à la fin mai. Pour le gouvernement israélien, « l’affaire a été vendue, ce qui compte désormais est son prix », estime Aaron David Miller.

Pourtant, au-delà de signes encourageants et de la volonté commune des États-Unis et de l’Iran pour une réhabilitation de l’accord, rien n’est garanti. On est « encore très loin d’avoir un résultat concret à cause de la complexité des étapes à suivre », estime Abdolrasool Divsallar. Les grands enjeux des négociations portent sur le type de sanctions qui devraient être levées par les États-Unis et la nature des engagements iraniens vis-à-vis de son programme d’enrichissement nucléaire. « Du coté américain, la difficulté réside dans le fait qu’il est difficile de garantir l’efficacité d’une levée des sanctions », explique M. Divsallar, pour qui un allègement officiel des sanctions ne saurait garantir un retour des investissements vers l’Iran. « Qu’il s’agisse des sanctions ou du programme nucléaire, certaines mesures sont difficilement réversibles et prendront dans tous les cas beaucoup de temps pour être mis en place », observe ce dernier.

La complexité des négociations signifie qu’elles pourraient s’étaler sur plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Certains facteurs – l’échéance des élections iraniennes de juin ou le fait que les négociations soient menées côté iranien avec l’aval explicite du guide suprême Ali Khamenei – pourraient contenir le calendrier et limiter les retards. Mais « beaucoup de facteurs restent fluctuants, et une certaine précaution reste de rigueur », prévient Naysan Rafati.

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Au-delà de l’issue des négociations, le dossier iranien met également en jeu la crédibilité des États-Unis sur la scène internationale, qui doit désormais prouver sa capacité « à mieux gérer ses alliés », estime Abdolrasool Divsallar. La visite israélienne prévue la semaine prochaine, ce pari de la dernière chance, pourrait ainsi se heurter à la fermeté de l’administration Biden. « S’il est clair que Washington va certainement écouter son allié et prendre en considération ses intérêts, il ne cédera pas aux pressions israéliennes », prévient Michael Horowitz. « Israël est en mesure de retarder un accord, mais pas de l’empêcher », poursuit ce dernier. Ce ne serait pas la première fois que Washington maintiendrait sa ligne en dépit des réticences de Tel-Aviv. À partir de 2012, les États-Unis ont mené des négociations secrètes avec l’Iran, qui ont abouti, malgré l’opposition répétée de Benjamin Netanyahu, à l’accord international sur le nucléaire aujourd’hui en renégociation. L’administration Biden « a appris les leçons du passé », estime Abdolrasool Divsallar. Elle pourrait vouloir arrondir les angles et limiter les retombées négatives. « Mais il ne s’agit dans tous les cas que de tensions potentielles, et non d’une rupture de la relation », rappelle Michael Horowitz. 

Une rencontre à Washington entre des diplomates américains et plusieurs hauts représentants de l’appareil sécuritaire israélien : voilà comment Washington et Tel-Aviv tenteront de régler leurs différends autour du dossier nucléaire iranien. Signe de tension, mais également de la volonté de trouver un terrain d’entente, les réunions prévues la semaine prochaine sont le...

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Fin de la lune de miel? Ce serait trop beau...

Politiquement incorrect(e)

16 h 11, le 24 avril 2021

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Commentaires (2)

  • Fin de la lune de miel? Ce serait trop beau...

    Politiquement incorrect(e)

    16 h 11, le 24 avril 2021

  • Comme le dit CLOCLO dans sa « chanson populaire » =>  « ca s’en va et ca revient »...

    LE FRANCOPHONE

    02 h 17, le 24 avril 2021

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