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Lifestyle - Architecture

Le ciné-roman 2000-2020 de Karim Nader

Le Libanais livre sa vision de l’architecture dans un ouvrage tant visuel que textuel, qui retrace vingt ans de pratique et de recherches en architecture, avec ses réalisations à l’appui.

Le ciné-roman 2000-2020 de Karim Nader

La Banque du Liban – projet CMA (bureau des Capital Market Authorities). Photo Karim Nader Studio

L’architecte Karim Nader partage la passion qui l’anime dans son domaine de prédilection dans une monographie intitulée For a novel architecture : ciné-roman 2000-2020, publiée aux éditions italiennes LetteraVentidue. Sur 244 pages, l’ouvrage déploie en 150 photographies couleur et 38 noir et blanc les projets réalisés (ou pas) durant ces vingt dernières années. « Je ne voulais pas noyer le livre dans la technique de l’architecture, mais l’exprimer comme dans un rêve non linéaire, multicouche, contenant sa propre panoplie de signes à décrypter », déclare l’architecte lors d’un entretien avec L’Orient-Le Jour. « Il était important pour moi de sortir du schéma traditionnel de la monographie, pour illustrer justement l’idée d’une architecture narrative, vécue dans le moment, connectée à son histoire et à sa géographie. » « Pour ce faire, il fallait choisir des images qui évoquent des effets de sens et qui dans leur séquençage vont créer à leur tour une expérience architecturale, cette fois-ci vécue à la lecture du livre. En tournant les pages, ce mouvement m’intéresse », ajoute ce diplômé de l’AUB qui y avait obtenu le premier prix Azar pour l’excellence en architecture, avant de décrocher son master auprès de la Rice University à Houston (Texas) aux États-Unis, en 2003.

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Son livre s’accompagne de cinq petits fascicules dans lesquels il a consigné ses sources d’inspiration ainsi que ses réflexions sur les œuvres d’Alain Robbe-Grillet, Haruki Murakami et Jacques Derrida. Karim Nader libère ses pensées sur les métamorphoses de l’architecture cinématographique à travers les films de Krzysztof Kieslowski, George Orwell ou David Lynch, avant de conclure par une note intitulée « Un gris lumineux… Sollers, Borges et moi, rêvant du Japon ». De quoi susciter la curiosité du lecteur ! Dans cet ouvrage transparaît également la lumière du photographe Marwane Harmouche. Une lumière qui s’apparente aux éclairages de cinéma, façonnés pour envelopper certaines réalisations d’une atmosphère particulière. Trente-deux projets issus du Studio Karim Nader et de sa collaboration avec Blankpage Architects sont présentés au fil des pages, mais aussi des projets avortés désormais perdus, dans un ordre de correspondances thématiques ressemblant plus à un scénario qu’à une monographie architecturale classique. Le Libanais y développe d’ailleurs tout un chapitre sur l’architecture cinématique (chapitre III) qui élabore l’idée du passage du temps, des effets de superposition et d’images virtuelles. Toutefois, il précise que le livre ne comporte aucune image de synthèse, à l’exception de celles du multiplexe de Beyrouth. Un chantier de cinémas 4Dx et Gold avec projections immersives qui prendra place dans un nouveau centre commercial à Jnah où 11 écrans, dont la largeur varie de 7,3 m à 11 m, seront répartis sur une surface de 2 350 m2.

La Tour des Kassem à la rue Caracas. Photo Karim Nader Studio

L’Union passe sous le bistouri

Alors qu’il vient d’achever la restauration de neuf écoles publiques gravement endommagées par la double explosion du port le 4 août 2020 et dont les travaux ont été financés par l’ambassade de Suisse, Karim Nader s’attelle actuellement à la restructuration de l’immeuble de l’Union à Sanayeh (13 000 m2), racheté par un groupe d’investisseurs libanais. Un lieu emblématique que l’on redécouvre au fil des pages de son livre. Mémoire d’une République naissante à l’affût de la modernité et du progrès, ce bâtiment iconique, datant de l’âge d’or de Beyrouth, a été conçu en 1952 par l’architecte Antoun Tabet, l’un des concepteurs de l’hôtel Saint-Georges, et Lucien Cavro, architecte et archéologue français (1905-1978) qui a travaillé au Liban et en Syrie pendant le mandat français, réalisant la villa Salem à Clemenceau (hébergeant aujourd’hui le centre Dar el-Nimer pour les arts et la culture) vers la fin des années 1930. Le défi du projet de l’immeuble de l’Union relevé par Karim Nader est double. « Le premier défi est de restituer un symbole de son passé glorieux à Beyrouth avec un projet contemporain, qui permette au bâtiment de retrouver son élégance et sa valeur historique d’autrefois tout en les modernisant. Le second est de devenir une éventuelle source d’inspiration pour une nouvelle approche de la protection et de la conservation du patrimoine architectural moderne de la ville », explique-t-il.

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Dans ce cadre, l’architecte emprunte le concept de « la reprise » au philosophe danois Søren Kierkegaard, qui la définit « comme un souvenir mis en avant ». « En regardant les ruines du passé, il y a une étrange émanation d’énergie qui nous remet au travail chaque fois que quelque chose est cassé, perdu ou ruiné », dit l’architecte. « La reprise mêle mémoire et espérance. C’est une façon de voir le passé de manière créative et de le réinventer. Il ne s’agit donc pas d’une rénovation classique. Il y a une remise à jour du bâtiment. Les façades seront partiellement végétalisées et les intérieurs vont être remis à neuf, notamment avec des éclairages modernes, qui refléteront le monde nouveau dans lequel nous vivons. La couleur même de la façade va devenir plus blanche et donc se japoniser ! » Et, en clin d’œil aux mosaïques colorées réalisées par le peintre graveur et sculpteur Henri-Pierre Fortier, les plafonds du hall principal seront habillés d’une maille de fil d’or.

« La Tour » des années quarante

À découvrir également dans le livre de Karim Nader, un autre patrimoine moderne, lui aussi sauvé. Située dans le quartier Caracas, à l’intersection des rues al-Qalaa, Vénus et Salaheddine el-Ayoubi, la Tour Kassem est en cours de restauration. Conçue en 1949 par l’ingénieur-architecte italo-libanais Edgard Sixto, elle se dresse sur un site triangulaire de seulement 97 m². Bénéficiant d’une vue sur la mer, cette tour demeure l’exemple type de l’architecture moderniste des années 1930. Les références à ce modèle ne manquent pas. Karim Nader cite la villa E-1027, à Roquebrune-Cap-Martin, qui ressuscite la métaphore des paquebots et que l’architecte Sixto a pu remarquer sur la Côte d’Azur. L’ensemble du bâtiment en béton est peint en jaune, en guise de rappel de la pierre libanaise, les volets en bois sont verts, selon la tradition, et des balustrades incurvées ressuscitent les navires du port de Beyrouth. Très friand de sa tour de quatre étages, l’actuel propriétaire de la famille Kassem a décidé d’un programme pour rafraîchir l’ensemble en rénovant les quatre appartements, en transformant le rooftop en un studio habitable, avec pergola et bar intégré, et en aménageant un café fleuriste pour sa tante, au rez-de-chaussée. Un lieu cosy où l’on pourrait siroter un petit expresso ou un thé au jasmin au milieu des roses, des géraniums, des tulipes, de ficus et autres plantes. « L’intervention se fera dans la subtilité, rien à faire de plus quand un projet est déjà maîtrisé », fait observer Karim Nader.

« For a novel architecture : ciné-roman 2000-2020 » (éd. LetteraVentidue) est en vente à la Librairie Antoine.

Pour Karim Nader, le concept de « la reprise » est une façon de réinventer le passé de manière créative… Photo Karim Nader Studio

Bio express

Après ses débuts en solo, Karim Nader cofonde en 2008 l’agence Blankpage Architects, qui remporte la conception du complexe de bureaux SEF 355 à Sin el-Fil, le country club à Kfardebiane et le BadaLodge, un éco-resort de 20 000 m2 sur les rives sauvages du fleuve Niger, à Bamako au Mali. Deux réalisations, Amchit Résidence et l’église Saint-Charbel à Zakrit, sont nominées pour le prix Archmarathon, un événement international dédié au monde de l’architecture et du design intérieur. En 2016, l’architecte revient à la pratique indépendante et lance son propre studio. À son actif, l’annexe accueillant la Capital Markets Authority à la Banque du Liban à Hamra, la villa Kali à Mounsef, la maison « On The Rocks » à Faqra qui s’expose sur un site spectaculaire de rochers, le Centroplex à Jnah, la rénovation d’une école publique à Aqoura ainsi que l’aménagement des bureaux de la société de communication et design Nineteen84 à la rue Gouraud, un espace qui de nuit devient une installation colorée visible de la rue, l’écran de l’Apple Macintosh 1984 diffusant des images d’une autre époque.

L’architecte Karim Nader partage la passion qui l’anime dans son domaine de prédilection dans une monographie intitulée For a novel architecture : ciné-roman 2000-2020, publiée aux éditions italiennes LetteraVentidue. Sur 244 pages, l’ouvrage déploie en 150 photographies couleur et 38 noir et blanc les projets réalisés (ou pas) durant ces vingt dernières années. « Je ne...

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