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Lifestyle - Architecture

Hala Wardé portera le Pavillon libanais à la Biennale de Venise

Avant l’ouverture de la 17e Exposition internationale d’architecture prévue le 22 mai, l’architecte a dévoilé son projet, « A Roof for Silence », au cours d’une visioconférence de presse mardi. 

Hala Wardé portera le Pavillon libanais à la Biennale de Venise

Hala Wardé imagine des formes qui génèrent des lieux de silence et de recueillement. Photo HW Architecture

Décalée d’un an en raison de la pandémie du Covid-19, la prochaine Biennale internationale d’architecture de Venise intitulée How will we live together ? (Comment vivrons-nous ensemble ?) se déroulera du 22 mai au 21 novembre 2021. Pour la première fois dans son histoire, la participation libanaise a été initiée sur la base d’un concours national organisé conjointement par le ministère de la Culture et l’ordre des ingénieurs et architectes libanais. Le 16 octobre 2019, parmi 32 projets présentés, celui conçu par Hala Wardé a été sélectionné pour représenter le pavillon libanais. Fondatrice du cabinet HW Architecture, l’architecte franco-libanaise a réalisé, entre autres, le Louvre d’Abou Dhabi avec Jean Nouvel. Son projet en images et en sons, intitulé A Roof for Silence (Un Toit pour le silence) répond à la problématique proposée par le Libanais Hashim Sarkis, doyen de l’école d’architecture et de planification du Massachusetts Institute of Technology (MIT) et commissaire de cette 17e Biennale.

« A Roof for Silence, Alain Fleischer, film still-Les oliviers » ; piliers du temps, 2020. Photo HW Architecture & Le Fresnoy

Au vu de la pandémie qui menace le monde, mais aussi à l’heure des crises sociale, économique et politique que connaît le Liban, le thème choisi en 2019 par Hashim Sarkis revêt un caractère pressant et… prémonitoire. « Comment allons-nous vivre ensemble ? Ni la question que j’ai posée ni la richesse des moyens pour y répondre n’étaient destinés à faire face à la crise actuelle, mais nous y voilà. Nous avons besoin d’un nouveau contrat spatial et c’est l’occasion de réfléchir au monde d’après (…) et d’imaginer des espaces dans lesquels nous pouvons vivre généreusement ensemble », avait alors déclaré le commissaire général de la Biennale de Venise, lors d’une visioconférence le 27 février.

Le manifeste de Hala Wardé

Pour son rendez-vous avec la Sérénissime, Hala Wardé, architecte et curatrice du Pavillon libanais, a pensé et conçu son projet, A Roof for Silence, autour de « la nécessité du vide et de la vie qui peut l’habiter comme une forme de silence ». « Pourquoi ne pas penser les lieux par rapport à leur potentiel de vide plutôt que de plein ?


« A Roof for Silence, Etel Adnan, Olivéa : Hommage à la déesse de l’olivier » ; 2018. Photo Etel Adnan

Comment lutter contre la peur du vide en architecture ? » questionne-t-elle. Venue présenter son projet en conférence de presse numérique, situation sanitaire oblige, avec la participation de Rami Adwan, ambassadeur du Liban à Paris, du président de l’ordre des ingénieurs et architectes, Jad Tabet, ainsi que de l’artiste Etel Adnan, Hala Wardé a dans un premier temps insisté sur l’importance de préserver et promouvoir la culture libanaise en ces temps perturbés, et sur l’opportunité que représente la Biennale de Venise, en tant que plateforme culturelle internationale. « Si le pays est presque à terre, sa culture résiste et reste debout. » L’architecte est revenue sur la genèse du projet, dont l’inspiration première est une œuvre de l’écrivaine, poétesse et artiste Etel Adnan, un poème-en-peinture composé de 16 toiles et intitulé Olivéa : Hommage à la déesse de l’olivier. L’artiste y représente le sentiment, personnel mais à la fois universel, que lui inspire cet arbre légendaire. Conçu comme un manifeste pour une nouvelle forme d’architecture, A Roof for Silence met en résonance cette œuvre peinte avec les formes cryptiques d’un ensemble de 16 oliviers millénaires du Liban.

Pour mémoire

Hala Wardé, étoile du dôme Nouvel

Figures tutélaires du Pavillon libanais, ces arbres, qui présentent des cavités abritant la vie de différentes espèces, sont des lieux « de refuge, de recueillement ou de rassemblement », une métaphore naturelle de l’espace architectural. Pour évoquer les notions de vide et de silence, Hala Wardé présente en introduction du pavillon la série de tableaux Antiformes de Paul Virilio, célèbre urbaniste et théoricien de l’accélération du temps et de la désintégration des territoires dont elle a été l’élève lorsqu’il était directeur de l’École spéciale d’architecture de Paris. « À partir de ces formes, et de la réflexion profonde qui en découle, une mise en regard est établie avec le drame du 4 août 2020, cette déflagration massive qui a laissé un creux géant dans le port et la ville de Beyrouth, et 300 000 habitants sans toit. Dès lors Un Toit pour le silence prend symboliquement tout son sens », déclare-t-elle. Cette installation fait dialoguer entre elles l’architecture, la poésie, la peinture, la photographie, l’image, et la musique. Le Pavillon libanais est ainsi conçu comme une partition musicale, dans laquelle résonnent les disciplines et les formes, créant « l’expérience sensible d’une pensée articulée autour des notions du vide et du silence ». Son installation sera « révélationnaire » selon la formule qu’elle emprunte à Paul Virilio.


« A Roof for Silence, perspective 01 ». Photo HW Architecture

Une installation en quatre temps forts

Le Pavillon libanais s’installera dans le célèbre site historique des Magazzini del Sale (les magasins du sel), un espace exceptionnel mesurant 55 mètres de long et 5 de large. Ce complexe de style gothique, construit au XIVe siècle, a accueilli les premières expositions d’architecture de la Biennale dans les années 1970. La visite guidée proposée par l’architecte lors de la vidéoconférence de presse révèle la force d’une installation structurée autour de quatre temps.

Sur une cimaise d’introduction, les tableaux Antiformes de Paul Virilio empruntés au Centre Pompidou racontent l’espace d’entre-deux, le vide et le plein. Ils font écho aux relevés photogrammétriques des arbres millénaires du Liban et des tirages photographiques en noir et blanc saisis par l’objectif sensible et singulier du photographe Fouad Elkoury dans le village de Bchaaleh, dans le district de Batroun. Au sol, se répand une traînée de verre. Là, des traces fractales de la déflagration du port de Beyrouth rejoignent celles des Antiformes et des empreintes graphiques à grande échelle des creux des arbres. Le visiteur est ensuite plongé dans une magnifique projection en triptyque des oliviers millénaires du Liban, filmés dans l’obscurité de la nuit par Alain Fleischer, cinéaste, photographe, et plasticien, fondateur du studio français Le Fresnoy. La projection est accompagnée d’une composition sonore originale réalisée par Soundwalk Collective. Ce collectif artistique fondé à New York entreprend des voyages, de la terre désolée des anciennes principautés roumaines, jusqu’au désert du Rub al-Khali de la péninsule Arabique, pour explorer et capter les sons du monde. Après cette traversée en images, le visiteur accède enfin au cœur de la pièce centrale où sont dévoilées les 16 toiles du poème-en-peinture Olivéa : Hommage à la déesse de l’olivier, d’Etel Adnan. Par une explosion de couleurs, l’artiste reproduit toute l’émotion que lui inspire cet arbre légendaire : fraîcheur, simplicité, joie et sérénité.

Ici, le petit bâtiment, octogonal en plan mais cylindrique à l’intérieur, est couronné d’un toit semi-sphérique bordé de lumière. Il incarne la possibilité d’un lieu « essentiel » : A Roof for Silence. « Le vide existe par ce qui l’entoure. Quant à la lumière, elle est au cœur de toute architecture », souligne pour conclure Hala Wardé. Après Venise, l’installation sera exposée dans la nouvelle annexe du Musée national de Beyrouth conçue par l’architecte Raëd Abillama, avant de prendre le chemin d’autres capitales et lieux culturels à travers le monde.

Enfin, le projet vise une dimension sociale et patrimoniale. Des initiatives et campagnes de mobilisation seront organisées dans le cadre du Pavillon libanais pour sensibiliser l’opinion et la communauté internationale des experts et des architectes à la réhabilitation du patrimoine architectural et culturel endommagé de la ville de Beyrouth.

Hala Wardé dans le gotha de l’architecture
 Née à Beyrouth, Hala Wardé est diplômée de l’École spéciale d’architecture (ESA) de Paris, elle intègre l’agence de Jean Nouvel en 1990. En matière de compétence, la Franco-Libanaise a largement fait ses preuves. Distinguée parmi les cinquante personnalités françaises les plus influentes du monde au classement du magazine Vanity Fair 2009, elle est l’architecte partenaire privilégiée du Louvre d’Abou Dhabi, un projet colossal qu’elle a conduit de bout en bout pendant dix ans, de 2006 à 2016. Avec la star française de l’architecture la plus célèbre au monde, Jean Nouvel, elle a collaboré sur de nombreux projets à travers le monde, dont l’audacieux complexe One New Change à Londres. Sa propre agence, HW Architecture, créée indépendamment des Ateliers Jean Nouvel en 2008, a été sélectionnée pour la conception de la tour Mirabeau de la compagnie maritime CMA CGM, qui poussera dans la skyline marseillaise à côté de celle de Zaha Hadid abritant l’actuel siège de la CMA CGM.
Décalée d’un an en raison de la pandémie du Covid-19, la prochaine Biennale internationale d’architecture de Venise intitulée How will we live together ? (Comment vivrons-nous ensemble ?) se déroulera du 22 mai au 21 novembre 2021. Pour la première fois dans son histoire, la participation libanaise a été initiée sur la base d’un concours national organisé conjointement par le...

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