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Politique - Décryptage

Amendement du décret 6433 : une polémique de trop...

Ceux qui espéraient que, pour une fois, le Liban se présenterait en rangs unis et serrés pour mener la dure bataille de la délimitation des frontières maritimes avec Israël se sont trompés. La mobilisation en faveur de l’amendement du décret 6433/2011 en prélude à son envoi aux Nations unies avant le lancement, prévu début juin, des opérations de prospection du côté israélien dans le champ de Karish, a été rapidement remplacée par une polémique politique aux relents de règlement de comptes. Il faut préciser que cette polémique coïncide avec la visite hier à Beyrouth de David Hale, secrétaire d’État adjoint américain pour les Affaires du Proche-Orient, et ouvre ainsi la voie à diverses interprétations et spéculations politiques.

Dans les faits, depuis que la délégation libanaise dans les négociations pour le tracé des frontières maritimes a soulevé la question des 1 430 km2 supplémentaires auxquels le Liban aurait droit en mer, alors qu’ils passent en plein milieu des champs israéliens 72 et de Karish, les Israéliens et les Américains ont choisi de stopper le processus. Au Liban, la délégation a mené une campagne médiatique et populaire en faveur de sa position, réclamant l’amendement du décret 6433/2011, qui avait visiblement été adopté à la hâte pour permettre un accord maritime avec Chypre, sans tenir compte des études effectuées par des parties internationales qui accordaient au Liban un droit sur 1 430 km2 supplémentaires. L’amendement du décret devait donc être signé le plus rapidement possible pour être envoyé aux Nations unies avant le début des opérations de prospection du côté israélien. Car une fois les travaux entamés, il sera trop tard pour changer la donne, alors que s’il y a une controverse entre des pays voisins sur une délimitation des frontières maritime ou même terrestre, les compagnies internationales refusent d’entamer la prospection. L’envoi du décret amendé aux Nations unies devrait donc préserver les droits du Liban à négocier au sujet des 1 430 km2 supplémentaires.

L’amendement a donc été préparé et il a été signé par la ministre de la Défense Zeina Acar avant d’être envoyé au ministre des Travaux publics Michel Najjar. Ce dernier avait demandé un peu de temps pour consulter la partie politique à laquelle il appartient (le courant des Marada). Ce qui lui avait valu une vague de critiques de la part de plusieurs parties, dont le Courant patriotique libre, qui considéraient que chaque minute compte dans un dossier aussi délicat et qui se sont mises à flairer un piège pour compromettre l’adoption de l’amendement.

Pourtant, le ministre Najjar a signé le décret de l’amendement dès le lendemain de sa réception. Il a toutefois précisé dans le texte qu’il signait « après l’approbation du Conseil des ministres ». Cette mention est suivie d’une case laissée vide pour la date de cette dernière approbation.

Ce même texte a été signé par le Premier ministre démissionnaire Hassane Diab et il est arrivé au palais présidentiel pour suivre le même processus. À Baabda cependant, on a estimé que le chef de l’État ne peut pas signer un décret avec des cases vides, d’autant qu’il n’y a pas eu d’approbation de la part du Conseil des ministres, puisque celui-ci ne s’est pas réuni pour étudier l’amendement. L’avis du département de la législation et des consultations au ministère de la Justice a été alors requis. Dans sa réponse, il a précisé que le chef de l’État ne peut signer un tel décret sans l’approbation du Conseil des ministres, d’autant qu’il s’agit d’une décision très délicate qui pourrait entraîner une réaction de la part des Israéliens, voire déclencher une guerre.

En conséquence, Baabda a suspendu sa signature et demandé à Hassane Diab de convoquer une réunion du gouvernement. Le Conseil d’État et plusieurs spécialistes juridiques, dont l’ancien ministre Ziyad Baroud, expliquent qu’il n’y a aucun problème à convoquer une réunion du Conseil des ministres, même en période de gestion des affaires courantes, s’il s’agit d’une question aussi importante pour le pays. Mais encore faut-il en convaincre le Premier ministre sortant qui refuse jusqu’à présent de procéder à une telle convocation.

À partir de là, les polémiques se sont enflammées. Pour certains, le chef de l’État cherche à conclure un compromis avec les Américains : il proposerait de mettre de côté l’amendement du décret moyennant un retour en grâce du chef du CPL Gebran Bassil. Pour d’autres, il a voulu utiliser ce décret pour porter un coup à ses rivaux politiques, alors que ses partisans ont critiqué le ministre Najjar parce qu’il a pris un délai de réflexion de 24 heures ! Certains vont même jusqu’à dire qu’il n’est nul besoin d’une réunion du Conseil des ministres pour approuver l’amendement du décret, sachant que ce gouvernement démissionnaire a adopté plusieurs décrets de cette façon, notamment tous ceux qui portaient sur la prolongation de la période de mobilisation générale, à cause de la pandémie du Covid-19.

À toutes ces critiques, Baabda rappelle que c’est le chef de l’État qui a donné son feu vert pour soulever la question des 1 430 km2, par souci des droits du Liban, prenant le risque d’irriter les Américains, qui ont décidé après cela de suspendre les négociations. Pourquoi dans ce cas se rétracterait-il maintenant ? Et pourquoi dirige-t-on contre lui les critiques, alors que personne ne met en cause la terrible erreur commise en 2011, poursuivent les milieux de Baabda ? Enfin, concernant les décrets de la mobilisation générale qui n’ont pas fait l’objet d’une approbation du Conseil des ministres, ils portaient la mention « Sur la base de l’approbation exceptionnelle du président de la République et du président du Conseil ». Ce qui n’est pas le cas dans ce décret précis. Par conséquent, « la procédure exceptionnelle » ne peut pas s’appliquer. Enfin, toujours selon les milieux proches de Baabda, pourquoi, si tout le monde est d’accord sur le sujet, ne pas tenir une réunion extraordinaire du Conseil des ministres pour approuver l’amendement du décret et renforcer ainsi la position libanaise face aux Israéliens et aux Américains ? Il s’agirait ainsi de fermer toutes les brèches par lesquelles les parties hostiles à la position libanaise pourraient s’engouffrer et chercher à la discréditer. Ce sujet ne mérite-t-il pas que les Libanais fassent preuve d’unité ? Et comment se fait-il que ceux qui réclament depuis des années que « la décision de la guerre ou de la paix soit entre les mains de l’État libanais » acceptent aujourd’hui, dans un dossier aussi vital, qu’elle soit tronquée et limitée à quelques responsables au lieu d’être collective, interrogent encore les milieux proches de Baabda ?

Chaque partie a donc ses arguments et ses soupçons, mais cette polémique marquera certainement la rencontre, aujourd’hui, entre le chef de l’État et David Hale, qui d’ailleurs devrait justement aborder le dossier des frontières maritimes.

Ceux qui espéraient que, pour une fois, le Liban se présenterait en rangs unis et serrés pour mener la dure bataille de la délimitation des frontières maritimes avec Israël se sont trompés. La mobilisation en faveur de l’amendement du décret 6433/2011 en prélude à son envoi aux Nations unies avant le lancement, prévu début juin, des opérations de prospection du côté israélien...

commentaires (6)

Il faut quand même rappeler l’efficacité et l’autorité de ce président à exiger des réunions et la participation de tous les responsables politiques lorsqu’il s’agit d’un problème qui va dans le sens de ses projets. Alors pourquoi cette soudaine timidité à exiger en tant que président et chef de la république à ce que ses ordres ne soient pas discutés? C’est flagrant cet agissement toujours contradictoire se cachant derrière les autres alors qu’il a le pouvoir de clore le sujet.

Sissi zayyat

12 h 36, le 15 avril 2021

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Commentaires (6)

  • Il faut quand même rappeler l’efficacité et l’autorité de ce président à exiger des réunions et la participation de tous les responsables politiques lorsqu’il s’agit d’un problème qui va dans le sens de ses projets. Alors pourquoi cette soudaine timidité à exiger en tant que président et chef de la république à ce que ses ordres ne soient pas discutés? C’est flagrant cet agissement toujours contradictoire se cachant derrière les autres alors qu’il a le pouvoir de clore le sujet.

    Sissi zayyat

    12 h 36, le 15 avril 2021

  • autant dire qu'il n'y vraiment rien a dire. desesperante attitude de KELLON. encore une fois la confirmation irrevocable que ces gens la sont de vrai assassins de tout un peuple, et pire encore de son avenir.

    Gaby SIOUFI

    10 h 35, le 15 avril 2021

  • Et de clowns...

    mokpo

    10 h 22, le 15 avril 2021

  • On ne le répétera assez «  bande d’incapables »

    mokpo

    10 h 21, le 15 avril 2021

  • COMME A L,HABITUDE MADAME COMMENCE SON ARTICLE UN PEU OBJECTIVEMENT PUIS LE PARTI PRIS ET LA DESINFORMATION INNEE LA FONT DERAILLER ET LA DIVAGATION PARTISANE COMMENCE ET SE REVELE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 18, le 15 avril 2021

  • vous vous demandez pourquoi les citoyens libanais demandent des ministres totalement independants ? voilal a cause , le ministre Najjar a demander a se referer a son parti politique avant de signer un decret . par definition le Ministre est au service de l etat pour defendre la nation et servir le citoyen et non pas pour servir les interets de son parti .

    Jimmy Barakat

    07 h 04, le 15 avril 2021

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