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Politique - Gouvernement

Après les menaces, la communauté internationale s’apprêterait à passer à l’acte

« Si certains responsables libanais ne prennent pas leurs responsabilités, nous n’hésiterons pas à prendre les nôtres », lance Jean-Yves Le Drian devant l’Assemblée nationale.

Après les menaces, la communauté internationale s’apprêterait à passer à l’acte

Jean-Yves Le Drian à l’Assemblée nationale, hier. Photo Bertrand Guay/AFP

Après la pression et les menaces, l’heure semble se rapprocher de l’action. Alors que rien n’indique un déblocage du processus de formation du cabinet, huit mois après la démission de Hassane Diab, la communauté internationale semble enterrer tout pari sur un éventuel sens des responsabilités des protagonistes politiques libanais. Et entendrait passer à l’acte prochainement contre ceux qui bloquent le processus de formation du cabinet.

C’est ce message que le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a voulu transmettre, lors d’une intervention au Sénat hier. Il a prévenu que Paris agirait contre les dirigeants libanais, ajoutant que « les décisions qu’ils prendront ou qu’ils refuseront de prendre au cours des prochains jours seront déterminantes ». « Cette crise (de la formation du cabinet) n’est pas liée à une catastrophe naturelle. Cette crise a des responsables bien identifiés », a affirmé Jean-Yves Le Drian, dans une réponse à une question du sénateur Bernard Fialaire au sujet de la crise au Liban. « Car face à cette situation, les forces politiques libanaises refusent de s’entendre sur la composition d’un gouvernement. Leur aveuglement est un crime de non-assistance à pays en danger », a martelé M. Le Drian, en reprenant une accusation qu’il avait déjà formulée le 11 mars.

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« Des engagements avaient été pris le 1er septembre dernier (lors de la réunion des protagonistes libanais avec le président français à la Résidence des Pins), y compris sur la totalité des réformes à entreprendre, que chacun connaît. L’obstruction délibérée à toute perspective de sortie de crise, et en particulier de la part de certains acteurs du système politique libanais, par des demandes inconsidérées et des demandes d’un autre temps, doit cesser », a répété Jean-Yves Le Drian, dans ce qui sonne comme une critique à l’égard du leader du Courant patriotique libre, Gebran Bassil. Aux yeux des Français, ce dernier entraverait sciemment les tractations ministérielles dans la perspective de calculs politiques et présidentiels prématurés (voir L’OLJ du 24 mars). « Des propositions concrètes sont en cours d’élaboration à l’encontre de ceux-là mêmes qui ont abandonné l’intérêt général au profit de leurs intérêts personnels. Et si certains responsables libanais ne prennent pas leurs responsabilités, nous n’hésiterons pas à prendre les nôtres, à cet égard. Les décisions qu’ils prendront ou qu’ils refuseront de prendre au cours des prochains jours seront déterminantes. C’est le message que le président de la République et moi-même avons passé aux principaux responsables politiques libanais hier », a encore souligné M. Le Drian. « La France, pour sa part, continue de se tenir auprès du peuple libanais. Nous savons que le Liban peut compter sur des Libanaises et des Libanais de valeur au sein de la société civile, qui ont à cœur de travailler sincèrement à l’édification du Liban de demain. Nous entendons donc travailler avec ceux qui portent l’espoir et l’avenir de ce pays, et nous ne ménagerons pas nos efforts à cette fin », a conclu le ministre français.

« Une nouvelle approche »

Une source politique française explique à L’Orient-Le Jour que le dossier libanais est désormais entre les mains du chef du Quai d’Orsay. Elle souligne qu’à travers Jean-Yves Le Drian, « la France commence à développer sa nouvelle approche du dossier libanais », faisant valoir que Paris suggère un système européen de sanctions, dont les modalités feraient actuellement l’objet de plusieurs discussions à Bruxelles. La source précise, en outre, que cette nouvelle vision française prône un dialogue avec les partis de l’opposition et les composantes de la société civile. Une façon pour Paris d’exprimer son soutien au mouvement de contestation, qui s’oppose à l’écrasante majorité de la classe dirigeante. « Nous soutenons la transition et la tenue des législatives de 2022 en toute transparence », ajoute la source.

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La détermination franco-européenne à agir face à la léthargie des protagonistes libanais coïncide avec de fortes pressions arabes pour faire progresser la formation du cabinet loin des calculs politiciens. C’est dans ce cadre qu’est intervenue la visite du ministre égyptien des Affaires étrangères, Sameh Choucri, à Beyrouth, hier. L’occasion d’exprimer le ras-le-bol arabe et international face au retard mis à former une équipe ministérielle.

Choucri pour un « gouvernement de sauvetage »

Le Caire était d’ailleurs parmi les premiers à soutenir l’initiative française en faveur du Liban, initiée par le président français, Emmanuel Macron, lors de sa visite au Liban le 1er septembre dernier. Ce projet est principalement axé sur la mise sur pied d’un « gouvernement de mission » chargé de lancer le chantier de réformes structurelles exigées par les donateurs pour débloquer les aides promises au pays du Cèdre. Un cabinet pour lequel plaide aussi le Premier ministre désigné, Saad Hariri, reçu par le président égyptien Abdel Fattah el-Sissi, début février. Hier, c’est précisément depuis la Maison du Centre que M. Choucri s’est dit favorable à la naissance d’un tel gouvernement. S’exprimant lors d’un point de presse, il a indiqué avoir assuré M. Hariri du « soutien de l’Égypte à un gouvernement de mission loin des tensions politiques, afin que le Liban puisse retrouver son rôle naturel dans le monde arabe ». Préconisant un « cabinet de sauvetage formé de personnalités dotées de capacités », le ministre a affirmé que « l’Égypte est attachée à la stabilité et la sécurité du Liban, et cela requiert de mettre un terme à l’inertie actuelle ». « Nous sommes en faveur de la poursuite du dialogue entre toutes les forces (politiques libanaises) afin de sortir de la crise », a-t-il souligné.

Plus tôt dans la journée, Sameh Choucri avait rencontré le président de la République, Michel Aoun. À sa sortie de Baabda, le ministre a déploré « que l’horizon soit toujours bloqué, huit mois après » la démission du gouvernement de Hassane Diab (en août dernier dans la foulée de la double explosion au port de Beyrouth). Il a souligné que la formation d’un « cabinet de spécialistes » était « importante pour la stabilité du Liban et de la région ». Le ministre a ajouté qu’il était porteur d’un message soulignant « la solidarité de l’Égypte et sa disposition à fournir tout le soutien nécessaire pour sortir de la crise et former un gouvernement qui pourrait ouvrir la voie à l’aide régionale et internationale au Liban ».

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De son côté, le chef de l’État a insisté sur la nécessité d’avoir « une volonté véritable de sortir de la crise, sur la base des règles constitutionnelles sur lesquelles repose le système libanais et avec la coopération de toutes les parties libanaises, sans en exclure aucune », dans une claire allusion à Gebran Bassil. Une source proche de Baabda se contente, pour sa part, de confier à L’OLJ que Michel Aoun a réitéré son attachement à la Constitution et l’accord de Taëf. De même source, on croit savoir que Sameh Choucri aurait « compris » les obstacles qui entravent la naissance du cabinet et que Baabda est « un passage obligé » (pour que ce processus aboutisse). Le chef de l’État insiste ainsi toujours à avoir son mot à dire au sujet de la composition du cabinet Hariri et son camp semble vouloir continuer à faire pression dans ce sens. Le bras de fer entre le binôme Baabda-CPL, d’une part, et le Premier ministre désigné de l’autre est donc loin de s’estomper. Gebran Bassil – le seul avec le Hezbollah à ne pas avoir été inclus dans la tournée de Sameh Choucri – a d’ailleurs lancé de nouvelles piques au Premier ministre désigné, l’accusant implicitement, via Twitter, d’avoir avorté les chances d’une réunion avec lui, à l’initiative de la France, pour régler la question gouvernementale. Des propos qui interviennent quelques jours après des rumeurs sur un éventuel déplacement de M. Bassil en France. Le chef de la diplomatie égyptienne s’est également entretenu avec le chef du législatif, Nabih Berry, et le leader druze, Walid Joumblatt. Il s’est félicité de leur initiative visant à sortir de l’impasse actuelle, axée sur la mise en place d’un cabinet de 24 ministres (8 pour chacun des trois grands camps politiques) sans tiers de blocage. Ce dernier point est un principe sur lequel tout le monde s’entend, assure une source joumblattiste, excluant une proche genèse du cabinet.

Il reste que cette formule ne semble pas satisfaire tous les protagonistes. C’est notamment le cas des Kataëb, dont une délégation s’est entretenue avec Sameh Choucri, qui ont réitéré son appel à une équipe indépendante de la caste au pouvoir et totalement formée d’experts, comme l’a souligné le leader de la formation, Samy Gemayel, à l’issue de la réunion. M. Choucri s’est également hier réuni avec une délégation des Marada et le patriarche maronite, Béchara Raï.

Après la pression et les menaces, l’heure semble se rapprocher de l’action. Alors que rien n’indique un déblocage du processus de formation du cabinet, huit mois après la démission de Hassane Diab, la communauté internationale semble enterrer tout pari sur un éventuel sens des responsabilités des protagonistes politiques libanais. Et entendrait passer à l’acte prochainement contre...

commentaires (9)

Qui souffrira de ces sanctions? Certainement pas nos dirigeants qui se pavanent dans les palaces ou rejoignent leur résidences secondaires dans les quartiers huppés des villes européennes. Et les grandes banques de l'étranger continueront à garder leur argent volé au chaud!

Politiquement incorrect(e)

16 h 26, le 09 avril 2021

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Commentaires (9)

  • Qui souffrira de ces sanctions? Certainement pas nos dirigeants qui se pavanent dans les palaces ou rejoignent leur résidences secondaires dans les quartiers huppés des villes européennes. Et les grandes banques de l'étranger continueront à garder leur argent volé au chaud!

    Politiquement incorrect(e)

    16 h 26, le 09 avril 2021

  • DANS DEUX OU TROIS MOIS, ÇA SERA L'EFFONDREMENT TOTAL DU LIBAN. ET TOUS CES RESPONSABLES SE RETROUVERONT PROBABLEMENT ET TRANQUILLEMENT EN FRANCE.

    Gebran Eid

    11 h 45, le 08 avril 2021

  • On accouche finalement ou quoi, des menaces sans actes ne sont rien ?? Je crois qu’avec le départ de Donald Trump le Liban a hélas perdu sa dernière chance de se débarrasser rapidement de la racaille avant l’effondrement total du pays. Bidden se désintéresse de la région quant à l’Europe ..pas de commentaires.

    Liban Libre

    11 h 25, le 08 avril 2021

  • La France peut nous donner quel exemple ? À part Culture et Éducation des années 1920 -1970 (oui comme disait les Sénégalais : VOUS ÉDUQUEZ NOUS) Mais en politique plutôt en géo- politique, c'est la catastrophe, exemple : Le Vietnam, l’Algérie, le Ruanda, la Libye, votre présence illégale en Syrie, en Irak, vos catastrophes au Tchad, au Mali. Au LIBAN : ON EST VOTRE INVENTION. Vous venez faire du POPULISME, qui ne fonctionne pas chez VOUS ! Sans l’accord de vos patrons les USA vous n’avez rien à nous offrir. MERCI ??

    aliosha

    11 h 08, le 08 avril 2021

  • IL EST GRAND TEMPS. SOYEZ FERMES. PAS DE CONCESSIONS A CEUX QUI METTENT DES EXIGENCES D,UN AUTRE TEMPS ET QUI BLOQUENT LA FORMATION D,UN GOUVERNEMENT D,INDEPENDANTS COMME LE RECLAME LE PEUPLE. ET COMME LE VEULENT LA COMMINAUTE INTERNATIONALE POUR AIDER LE PAYS, AVEC LA DISSOLUTION CERTES DES MILICES IRANIENNES PRESENTES DANS LE PAYS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 42, le 08 avril 2021

  • Assez de bla bla... agissez ou taisez vous

    Lecteur excédé par la censure

    10 h 28, le 08 avril 2021

  • c'est ca oui ! attendre que le conseil de de l'UE se reunisse, attendre qu'il s'entende sur les sanctions a appliquer, SI accord il y aura..... parfaite menace qui fait trembler aoun et pti gendre . VRAIMENT !

    Gaby SIOUFI

    10 h 23, le 08 avril 2021

  • Génial! Ils vont leur donner un avertissement. Au bout de 30 avertissements, ils auront droit à un blâme. Et au bout de 30 blâmes...

    Gros Gnon

    09 h 22, le 08 avril 2021

  • La France se doit d'agir maintenant. Le temps des attentes et de l'espoir est révolu. Le Liban est trop cher à la France pour qu'elle le laisse pourrir et nul ne peut le nier.

    Tony BASSILA

    00 h 52, le 08 avril 2021

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