Le président, Michel Aoun, qui a fait de l’audit juricomptable son cheval de bataille, a estimé hier soir dans un discours qu’il n’y avait aucune volonté réelle de mener cet audit, critiquant ainsi ses rivaux politiques, notamment le président du Parlement, Nabih Berry, qu’il accuse de bloquer le processus, mais aussi le gouverneur de la Banque du Liban, Riad Salamé, et les banques. Le chef de l’État a, dans ce contexte, prévenu que l’abandon de l’audit des comptes de la Banque centrale ainsi que celui des autres institutions publiques porterait un coup à l’initiative française en faveur du Liban. À travers ses accusations tous azimuts, notamment contre le ministre des Finances (affilié à Nabih Berry) et le gouverneur de la BDL, considéré comme proche des adversaires politiques du président, M. Aoun prend ainsi le risque de politiser l’audit et de rendre sa réalisation plus compliquée encore, tout en cherchant à montrer qu’il se conforme aux exigences internationales telles qu’incarnées par l’initiative française.
« Hier (mardi) la réunion attendue entre les représentants du ministère des Finances, ceux du gouverneur de la Banque centrale et ceux de la société Alvarez & Marsal s’est tenue sans parvenir à des résultats concrets. Une autre réunion a été décidée vendredi. Pour moi, il s’agit d’un nouvel atermoiement et cela confirme le fait qu’il n’y a aucune volonté réelle de procéder à l’audit juricomptable. Preuve en est : le Conseil des ministres avait pris la décision d’effectuer cet audit le 26 mars 2020. Aujourd’hui, plus d’un an après, elle n’a toujours pas été exécutée », a déploré le président dans un message adressé aux Libanais.
Mandaté en septembre 2020 pour réaliser l’audit juricomptable des comptes de la BDL, le cabinet américain Alvarez & Marsal avait toutefois jeté l’éponge deux mois plus tard suite au refus de la Banque centrale de fournir les informations demandées. Un refus que la BDL avait justifié en invoquant la loi sur le secret bancaire. Une réunion entre la Banque du Liban, le ministère des Finances et Alvarez & Marsal, annoncée la semaine dernière, a bien eu lieu mardi en visioconférence et a débouché sur un calendrier qui devrait permettre de relancer l’audit. « Le peuple libanais veut connaître le sort de son argent. Il craint que le fruit de ses années de labeur n’ait été pillé, alors qu’aujourd’hui, on cherche à gagner du temps », a également martelé M. Aoun, alors que les déposants sont soumis, depuis plus d’un an et demi, à des restrictions bancaires draconiennes qui les empêchent d’accéder à leurs économies.
« Coup » à l’initiative française
« Avant mon retour au Liban en 2005, je voyais les risques d’un effondrement financier. Lorsque je suis devenu le chef d’un bloc parlementaire, j’ai réclamé un audit juricomptable des comptes de la Banque centrale et la création d’un tribunal spécial pour les crimes financiers », a rappelé le chef de l’État. « Ces deux revendications sont restées dans les tiroirs. Une fois élu à la présidence de la République, j’ai essayé en vain pendant trois ans d’ouvrir la voie à l’audit juricomptable pour protéger les fonds des déposants. Mais la crise monétaire et financière était en train d’augmenter. Les indices de l’effondrement ont commencé à se manifester à partir de juillet 2019 et la situation tragique est apparue au grand jour le 17 octobre 2019 », a-t-il souligné. Et de poursuivre, ciblant notamment le ministère des Finances : « Le 26 mars de l’année dernière, j’ai demandé au gouvernement présidé par Hassane Diab et au ministre des Finances (Ghazi Wazni, proche de Nabih Berry, NDLR) de prendre les mesures nécessaires pour procéder à l’audit juricomptable pour pouvoir connaître les causes de l’effondrement monétaire et financier (...). Des motifs peu convaincants ont été avancés pour empêcher le gouvernement de charger la société internationale Kroll de procéder à l’audit. Après beaucoup d’efforts, le Conseil des ministres a donné son accord pour charger la société Alvarez & Marsal de l’audit et il a mandaté le ministre des Finances pour signer l’accord conclu avec elle. Cette signature a eu lieu le 1er septembre 2020, c’est-à-dire il y a plus de cinq mois. »
« L’abandon de l’audit juricomptable porterait un coup à l’initiative française. Car sans lui, il n’y aura pas d’aides internationales, ni de
conférence CEDRE, ni un appui arabe et des États du Golfe en particulier, ni de Fonds monétaire international », a encore prévenu Michel Aoun. « L’audit juricomptable est le chemin qui mène vers l’identification de ceux qui ont causé l’effondrement financier. Il n’est pas une demande personnelle du président de la République. Il est au cœur de l’initiative française et des exigences du FMI (...).
C’est une demande de tous les Libanais », a-t-il insisté. S’adressant aux Libanais, il a dit : « Vous pouvez ne pas être d’accord avec moi en politique, mais vous me trouverez toujours à vos côtés dans les causes justes. Je suis en première ligne, devant vous, dans la bataille pour dévoiler les dessous de la plus grosse opération de pillage de l’histoire du Liban. Soyez avec moi, mettez de côté tous les conflits politiques entre vous. »
Réunion du gouvernement Diab
Le président Aoun a également envoyé plusieurs messages aux responsables politiques, à la BDL et aux banques privées. « Aux leaders politiques et non politiques, je dis : “Votre responsabilité est grande devant Dieu, devant le peuple et devant la loi. Ce qui s’est passé n’aurait pas pu se produire si vous n’aviez pas, au minimum, assuré une couverture à la Banque centrale, aux banques privées et au ministère des Finances.” À la Banque centrale, je dis : “La responsabilité principale de la situation repose sur vos épaules. Vous auriez dû réglementer l’action bancaire et prendre les mesures nécessaires pour protéger les dépôts des gens. Vous auriez aussi dû imposer des critères pour les liquidités.” Aux banques, je dis : “Votre responsabilité est claire et vous ne pouvez pas fuir cette réalité.” ». Et de lancer un appel à la communauté internationale : « Aux États qui affichent leur solidarité avec le peuple libanais et réclament la transparence ainsi que des réformes financières et monétaires, je dis : “Aidez-nous à dévoiler les opérations de transfert de fonds réalisées après le 17 octobre 2019.” »
Il a enfin estimé que « faire sauter l’audit juricomptable, c’est porter un coup à la décision du gouvernement ». « J’invite ce gouvernement à tenir une réunion extraordinaire pour prendre les décisions adéquates pour la protection des dépôts des gens, pour la découverte des raisons de l’effondrement et pour définir les responsabilités, en prélude à la demande de comptes et à la récupération des droits », a-t-il dit. Et le président de conclure : « L’audit juricomptable n’est que le début. Cette bataille est peut-être plus difficile que celle de la libération de la terre. »
En fait Michel Aoun reproche tout simplement à la banque de lui avoir donné de l’argent !Si elle avait refusé nous n’en serions pas là et vraiment je trouve qu’il a raison ! Pourquoi accepter de donner des bonbons quand on sait que cela fait des caries c’est inimaginable !
22 h 35, le 08 avril 2021