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Les différentes voies de la quête baudelairienne

Les Fleurs du Mal et les autres écrits de Baudelaire retracent les différentes voies, les différentes étapes empruntées par le poète pour échapper à notre univers déchu en proie au spleen, où l’âme est engluée dans le péché et soumise à l’attirance infernale, pour atteindre la connaissance de l’au-delà divin.

Les différentes voies de la quête baudelairienne

La mystique de Baudelaire

Le nom de Baudelaire a souvent été associé à « satanisme », « irréligion », « impiété », « amoralité », etc. Sans aller jusqu'à parler de saint Baudelaire, (souvent employé ironiquement), nous pouvons trouver chez ce poète une « mystique personnelle ».

Baudelaire s’est fait un catéchisme de morale personnelle :

- se concentrer est la plus haute vertu de l’esprit ;

- la volonté s’accroît en s’exerçant ;

- la dispersion entraîne le remords ;

- les plaisirs sont une faute envers soi-même.

Dans sa longue et patiente « quête » de l’Idéal et du Beau, le poète prend conscience de ses faiblesses… Il se livre à de véritables examens de conscience à la lumière desquels il se rend compte du « péché » où il se plonge ; il fouille son âme avec une lucidité cynique. Il se regarde fixement sans pitié : « Et, devant le miroir, j'ai perfectionné/ L'art cruel qu'un démon, en naissant, m'a donné,/ De la douleur pour faire une volupté vraie,/ D'ensanglanter un mal et de gratter sa plaie. »

Devant tout ce qui secoue et inquiète, devant un malheureux, un monstre, le poète a le même cri : « Et moi ? » Il se reconnaît et se compare, se lamente et se hait… Cet aspect de la confession personnelle est typiquement romantique, mais Baudelaire y mêle aussi la critique.

La fuite du temps

Dans cette recherche de l’accomplissement de l’œuvre humaine, le pire ennemi c’est le temps. Baudelaire connaîtra la véritable angoisse du temps, une véritable phobie, la vie se consume lentement : « Ô douleur ! ô douleur ! Le Temps mange la vie,/ Et l’obscur Ennemi qui nous ronge le cœur/ Du sang que nous perdons croît et se fortifie ! »

Cette obsession du temps traduit pleinement cette hantise de ne pouvoir atteindre cet au-delà pur et éthéré auquel il aspire (cf. « L’Horloge »)

Si Baudelaire a tellement senti cette douleur de la fuite du temps, c’est qu’il se sentait écrasé par la péché… Pour la première fois depuis Racine, revient avec Baudelaire la poésie du pécheur et du péché : il est à la recherche de Dieu, à la recherche de la pureté (cf. Phèdre de Racine). Et si Baudelaire ne croit pas en Dieu, il le prie comme s’il existait : « Je désire de tout mon cœur (...) croire qu’un être extérieur et invisible s’intéresse à ma destinée, mais comment faire pour le croire ? », écrit-il à sa mère. « Pendant trois mois (…), j’ai prié ! à toute heure (qui ? quel être défini, je n’en sais absolument rien) ».

D’ailleurs, pour pouvoir se révolter contre Dieu, encore faut-il l’avoir connu. « Les Litanies à Satan » sont ainsi un véritable acte de foi négatif.

Baudelaire rejette sur Dieu l’injustice et la souffrance. Blasphémateur ? Il s’avoue vaincu, s’effondre ; l’homme a péché, c’est pourquoi l’univers nous offre tant d’horreurs… Mais Baudelaire ne renonce pas, il reprend toujours sa remontée vers l’Idéal. Si le ciel se couvre, il sait ce qu’il y a derrière le firmament : « Viens, Oh, viens voyager dans les rêves,/ Au delà du possible, au delà du connu. »

Baudelaire, c’est cette soif humaine toujours inassouvie, mais ne renonçant jamais à l’espoir de trouver la source d’eau vive. Il est loin de l’égoïsme sacré des romantiques. Chez lui, c’est le gémissement de la soif du monde entier : « Je pense aux matelots oubliés dans une île,/ Aux captifs, aux vaincus!... à bien d'autres encor ! »

Enfermé dans la geôle du Temps, il demande, effaré, son évasion, soit au ciel, soit à l’enfer... C'est ainsi que nous retrouvons chez le poète le thème du « Qu'importe ». Il écrit dans « Hymne à la beauté » :

« Que tu viennes du ciel ou de l'enfer, qu'importe,/ (...)/ De Satan ou de Dieu, qu'importe ? Ange ou Sirène,/ Qu'importe, si tu rends, - fée aux yeux de velours,/ Rythme, parfum, lueur, ô mon unique reine ! -/ L'univers moins hideux et les instants moins lourds ? »

Et dans « Le Voyage » : « Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu'importe ?/ Au fond de l'Inconnu pour trouver du nouveau ! »

Un appel vers l'Idéal

Baudelaire a ressenti dans sa chair l’imperfection et l’horreur des plaisirs terrestres… Il a souffert de cette impossibilité d’atteindre un plaisir divin ; il a toujours espéré trouver cette béatitude sans fin à laquelle il se sentait destiné. Son spleen provient de cette distance entre ce que nous sommes devenus et ce que nous sommes capables d’être, entre ce qui est notre vie et ce que notre espérance ne cesse de nous montrer. C’est le fait de garder l’espérance qui entraîne le spleen... Toute la vie de Baudelaire, c’est ce même geste obstiné de remonter des abîmes du spleen vers le ciel de l’extase pure.

C’est sous cet aspect qu’on pourra parler de Baudelaire voyageur. Voulant guérir son âme de ce sentiment d’ennui morbide, de cette sensation d’étouffement et d’écrasement, voulant se libérer des contingences matérielles, cherchant à échapper au fini humain, le poète va essayer de trouver un refuge hors du réel...


Baudelaire fut tout sa vie un malheureux : il souffrait de sa solitude morale, de sa gêne matérielle, de ses déceptions de carrière, de ses tares physiques ; il se croit maudit par les hommes, et traduit son désarroi en symboles déchirants : « Exilé sur le sol au milieu des nuées/ Ses ailes de géant l’empêchent de marcher ».


Déshérité, exilé, torturé, va-t-il rechercher la mort comme terme à ses souffrances ? Si Vigny, incompris, s’écrie : « Laissez-moi m’endormir du sommeil de la terre », Baudelaire va, au contraire, accepter cette infortune (cf. « Bénédiction ») : « Soyez béni, mon Dieu, qui donnez la souffrance/ Comme un divin remède à nos impuretés ».

Élevé dans la religion catholique, il a conservé une sensibilité chrétienne qui le faisait vibrer d’un intense désir de pureté. Il sent qu’il y a un monde différent, il sent que les chutes et les malheurs ne sont que momentanés, il sent la présence d’un monde supérieur, d’un monde éthéré où tout ne serait « qu’ordre et beauté, Luxe, calme, et volupté »...

Poussé par un profond désir d’échapper à soi, de tuer le Vieil homme, de s’élever hors de l’immanent, Baudelaire représente une des figures les plus déchirantes de l’esprit humain tourmenté, car l'homme se cherche toujours au-delà de l'homme.

Postulé simultanément par Satan et par Dieu, par l’immanent et le transcendant, par la réalité et l’idéal, Baudelaire incarne l’être humain déchiré. Ce conflit entre le ciel et l’enfer confère au poète cette figure tragique de l’âme double.

C’est dans ce continuel appel vers l’idéal, par cette perpétuelle nostalgie de la vertu, en dépit des chutes, que réside le drame Baudelairien. Si le poète avait acquis le pessimisme stoïque de Vigny, s'il avait pu perdre confiance en l’au-delà, et abandonner la spiritualité, le drame de Baudelaire n’aurait pas existé. Hanté par l’infini, ne sachant point s’accommoder de la médiocrité terrestre, Baudelaire se cherchait au-delà de lui-même. C’est dans les régions sublimes de l’idéal (cf. : « Élévation ») que le poète se retrouve hors de lui-même. Il va se mettre en quête d’un moyen pour arriver à se dépasser lui-même… Pour lui, le poète, c’est celui qui pénètre dans le domaine mystérieux des « Correspondances » entre le matériel et le spirituel. C’est par ses intuitions qu’il s’évade hors du réel dans un monde supérieur… Il suit ainsi Joseph de Maistre qui écrivait : « Tout se rapporte dans ce monde que nous voyons, à un autre monde que nous ne voyons pas. » Pour Baudelaire, « c’est à la fois, par la poésie et à travers la poésie, par la musique et à travers la musique que l’âme entrevoit les splendeurs cachées derrière le tombeau ».

Sa vie sera un long calvaire à la recherche de cette splendeur surnaturelle.

L'Art ou la beauté esthétique

Baudelaire, cette âme tourmentée, éprise d’idéal et de vertu, va trouver dans l’art une porte ouverte vers l’infini… À ses yeux, le poète n’est pas investi d'une mission comme chez Victor Hugo, ce n’est pas un mage. La poésie est pour lui comme une voie de rédemption… Cette poésie doit exprimer une réalité qui n’est complètement vraie que dans un autre monde. La poésie Baudelairienne est ainsi faite pour mener « ailleurs ». Ce n’est qu’une indication du ciel ; elle repose sur le pouvoir évocateur des mots : être poète, c’est faire œuvre d’art, créer, donc sortir de l’immanent, transporter l’âme vers l’au-delà, se rapprocher de l’idéal. La poésie baudelairienne est une sorte d'incantation, c’est un moyen privilégié d’exprimer ce qui, dans l’homme, touche au monde de l’esprit, à la mystique. Elle doit permettre de donner l’image la plus exacte possible de l’homme intérieur… Ce sera pour Baudelaire une œuvre d’art créée à coups d’efforts : « Pour soulever un poids si lourd/ Sisyphe, il faudrait ton courage !/ Bien qu’on ait du cœur à l’ouvrage,/ L’Art est long et le Temps est court. »

Ailleurs, il écrit : « Quoi d’étonnant d’ailleurs, puisque tout homme bien portant peut se passer de manger pendant deux jours, — de poésie, jamais ?/ L’art qui satisfait le besoin le plus impérieux sera toujours le plus honoré. »

Cet art, qui permet à l’idéal de l’artiste de s’arracher à son spleen, est au service de cette « Beauté » « qui trône dans l’Azur comme un sphinx incompris ». C'est dans cette contemplation et la réalisation de cette beauté que Baudelaire cherche à se sublimer. Cette poésie, cet art, n’a d’autre but que de diminuer toute trace de péché. La poésie étant : « transformation, création », elle ne pourra que transformer la réalité qui pèse si lourdement sur les épaules du poète.

Mais cette beauté mystique et idéale devient incapable de le tirer de la médiocrité et de l’angoisse. Le poète vaincu s’abandonne à une mystique noire : que cette beauté maîtresse de l’art soit angélique ou satanique, qu’importe… pure ou impure ? qu’importe ! L'essentiel, c’est que l’artiste puisse oublier ses maux. Baudelaire s’abandonne et se laisse couler jusque dans le domaine du démoniaque (cf. « Hymne à la beauté » ; « Le possédé »...). Il accepte de se réfugier dans un art satanique pourvu qu’il puisse se purifier dans l’air supérieur, mais il se rend compte que l’art naturel ne peut plus le faire vivre « dans les voluptés calmes au milieu de l’azur ».

Devant cet échec du naturel, le poète cherche alors un nouveau moyen d’évasion. Assoiffé de pureté, d’Idéal et de vertu, il poursuit sa quête...

Les paradis artificiels

L’idéal esthétique se révélant incapable de l'arracher à la méditation de son triste sort, Baudelaire se tourne vers le monde des paradis artificiels où il espère trouver ce que l’art lui a refusé. Après le vin, baume impuissant, le poète se tourne vers le haschich. Cette âme angoissée qui s’enfonce de plus en plus dans le désespoir, ce cœur blessé à la recherche d’un dépassement, cet esprit torturé par le sentiment profond de l’existence d’un monde supérieur qu’il n’arrive pas à rencontrer, ce cœur déchiré s’exclame : « Ne considérant que la volupté immédiate, il a, sans s’inquiéter de violer les lois, cherché dans la pharmaceutique, dans les plus grossières liqueurs, les moyens de fuir, ne fût-ce que pour quelques heures, son habitacle de fange. »

Dans Les Paradis artificiels, il écrit : « Les vices de l’homme, si pleins d’horreurs qu’on les suppose, contiennent la preuve de son goût de l’infini ; seulement c’est un goût qui se trompe souvent de route… »

Mais, bien vite, le poète se rend compte que ces paradis sont artificiels, car ils n’offrent à l’âme qu’une évasion momentanée, et ce qui pis est, c’est que cette évasion entraîne l’homme sur le chemin de la déchéance physique et morale – ce que le poète ne peut pas admettre. La drogue atteint la vie morale de l’homme ; elle porte atteinte à sa volonté et sa liberté : « Il est défendu à l’homme sous peine de déchéance et de mort intellectuelle de déranger les conditions primordiales de son existence (…). L’homme a voulu être Dieu, le voilà tombé plus bas que sa nature réelle. »

Voilà le poète de nouveau à son point de départ. Sa source d'évasion devient source de spleen, et la quête se poursuit. Peut-il trouver sa consolation dans l'Amour ?

La femme a offert à Baudelaire un véritable refuge contre l’angoisse, un apaisement par sa tendresse… Il demande à cette beauté féminine quelques minutes d'oubli. Chez ce poète attiré par le Bien et le Mal, par les plaisirs spirituels et les plaisirs physiques, on retrouve ce double aspect dans son évasion « amoureuse »...

L’Amour pur : Mme Sabatier

Pour Baudelaire, Mme Sabatier, la « Présidente », est une idole à peu près muette. Il a cherché en elle la paix de l’âme, une atmosphère rafraîchissante et salutaire… Il y a recherché une occasion de s’oublier, de se comparer et de s’opposer à elle : Mme Sabatier servait à incarner l’Idéal, la vertu et les charmes qui élèvent le poète dans les hauteurs sublimes, sphères inaccessibles au spleen. Baudelaire la traitait en œuvre d’art plutôt qu’en être réel. Dans cette passion épurée, le poète voit le triomphe de l’esprit sur la matière et sur la chair. Dans « L'Aube spirituelle », il lui écrit : « Ainsi, chère Déesse, Être lucide et pur. »

Mme Sabatier incarne la santé, la pureté, la joie, c’est-à-dire tout ce qui manque au poète… Dans le poème « Réversibilité », il se mire en elle, pour se retrouver, pour retrouver ce qui lui manque… « L’invitation au voyage » est un poème construit sur un symbole de la femme. En fait, c’est lui-même que le poète invite au voyage (cf. « Incantation »)...

L’Amour charnel : Jeanne Duval

Le poète voit également dans l'amour charnel qu'il porte à Jeanne Duval une source d’évasion : ce n’est pas seulement la volupté qu’il y recherche, mais aussi l’exotisme et le plaisir esthétique… Cette mulâtresse transporte le poète par le jeu subtil des correspondances dans un monde de rêves et de parfums exotiques. C'est un monde de soleil, d’évasion, et de chaleur… autant d’éléments qui naîtront dans son imagination pour le réconforter, pour réchauffer l’hiver de son corps et de son âme… Les poèmes d’amour consacrés à Jeanne Duval sont de véritables réussites incantatoires, où par un subtil jeu de « correspondances », le poète ressuscite diverses images, divers souvenirs, véritables sources d’évasion. D’aucuns se sont penchés sur l’importance du « parfum » dans la poésie baudelairienne… Si cet élément joue un rôle si important dans son œuvre, c’est qu’il forme un lien intime, une charnière, entre le rêve et la réalité. L’odorat est une sensation impossible à nommer sans recourir à l’objet d’où elle nous arrive. Le parfum de Jeanne Duval ne lui rappelle pas telle ou telle femme, mais, par un jeu subtil de correspondance, il lui rappelle « le parfum des verte tamariniers » et « le chant des matelots »… Souvent, le parfum donne le départ à une émotion trouble, à une évocation large, vague et lointaine : « Je m'enivre ardemment des senteurs confondues/ De l'huile de coco, du musc et du goudron.../ N'es-tu pas l'oasis où je rêve, et la gourde/ Où je hume à longs traits le vin du souvenir ? »

Jeanne Duval devient source de plaisir esthétique : cette beauté brune au corps ondoyant et à la peau nacrée émeut le poète et le porte à des descriptions d’ordre esthétique. Cette « Vénus noire » attire le poète par la beauté de son corps, beauté idéale, beauté tout court. N’est-ce point le reflet de cette beauté à laquelle rêva tant le poète ? Mais, bien vite, le poète est attiré par la plaisir de la chair, il n’arrive pas à garder devant cette beauté la froideur de l’artiste devant son modèle : l’amour esthétique de la femme glisse vers une frénésie sensuelle jamais assouvie (cf. « Sed non satiata »).

Privée de ses origines célestes, la beauté devient froide, l’enfer envahit à nouveau son âme ; l’amour lui apparaît comme un danger : « Aimons-nous doucement. L'Amour dans sa guérite,/ Ténébreux, embusqué, bande son arc fatal... »

Cette passion charnelle apparaît au poète comme objet de ruine physique et morale (tout comme les paradis artificiels), ce qui fait que, dans nombre de ses poèmes, nous trouvons ce mélange de fraîcheur et d’horreur. Le poète tente de sublimer cette attirance en donnant à la chair cet aspect morbide. C'est le thème de « la charogne » et du « vampire ».

Ce sentiment de l’amour destructeur entraîne chez le poète un sentiment de haine : « Car ce que ta bouche cruelle/ Eparpille en l'air,/ Monstre assassin, c'est ma cervelle,/ Mon sang et ma chair ! » C’est la revanche de l’être faible qui se venge de ce dont il n’a pu triompher. Humilié par la femme, il la domine par le rêve : « Comme d'autres par la tendresse,/ Sur ta vie et sur ta jeunesse,/ Moi, je veux régner par l'effroi. »

Cette haine entraîne une sorte de sadisme : c’est le bain de sang où l’homme cherche à souiller un être sain pour se guérir. « À travers ces lèvres nouvelles,/ Plus éclatantes et plus belles,/ T'infuser mon venin, ma sœur ! »

C’est affaibli, blessé, déçu, que le poète s’évadera en cette île de Cythère de cette « Auberge » où il avait cru trouver refuge : « Dans ton île, ô Venus ! je n’ai trouvé debout/ Qu’un gibet symbolique, où pendait mon image. »

Ô Mort, vieux capitaine

Déchiré, épuisé, le poète se tourne vers le voyage qui aboutit à la mort : (cf. « Le voyage »). Il en a une vision hideuse (cf. « Une charogne »), sans doute à cause de l’influence romantique, mais elle est aussi salvatrice : « C'est la Mort qui console, hélas ! et qui fait vivre ;/ C'est le but de la vie, et c'est le seul espoir/ Qui, comme un élixir, nous monte et nous enivre,/ Et nous donne le cœur de marcher jusqu'au soir. »

La mort lui apparaît comme une issue, comme un moyen de se délivrer de l’ennui. C’est une sorte de sommeil apaisant, une voie vers quelque chose qu’il ne nomme pas, mais qui est « nouveau ». Mais tout en étant tenté par la mort, Baudelaire en a peur, il n’est pas assuré de ce à quoi elle peut donner accès : ici aussi apparaît le dualisme baudelairien. Il y a chez lui cette contradiction de l’homme double, assoiffé et craignant la mort.

Le thème du voyage est très intimement lié au thème de la mort. Pour Baudelaire, la terre est un long voyage où il y a espoir de nouveauté et de fuite : « J’ai toujours eu la tentation du gouffre », écrit-il. Il ne lui reste plus qu’à placer ses espérances dans le grand voyage vers le gouffre. « N’importe où ! N’importe où ! Pourvu que ce soit hors du monde ! », écrit-il dans son poème en prose « Anywhere out of the world ». Qu’il soit l’enfer ou le ciel, ce gouffre apaiserait sa hantise de l’infini. Il se livre alors totalement : « Ô Mort, vieux capitaine, il est temps ! levons l'ancre !/ Ce pays nous ennuie, ô Mort ! Appareillons ! »

Avec Baudelaire, nous constatons que l’œuvre poétique est devenue un moyen de traduire ce que le poète a ressenti dans son intimité la plus profonde : Les Fleurs du Mal donnent à la poésie une dimension nouvelle, une introspection, sincère jusqu’à la cruauté, d’une expérience humaine, une dimension métaphysique jusque-là réservée aux traités et aux essais. Baudelaire a exprimé en poésie ce que Renan exprimera en prose : « Jamais l’homme ne se contentera d’une destinée finie »

La mystique de Baudelaire
Le nom de Baudelaire a souvent été associé à « satanisme », « irréligion », « impiété », « amoralité », etc. Sans aller jusqu'à parler de saint Baudelaire, (souvent employé ironiquement), nous pouvons trouver chez ce poète une « mystique personnelle ».Baudelaire s’est fait un catéchisme de morale personnelle :
- se...

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