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Hashim Sarkis : entre ciel et terre

Hashim Sarkis : entre ciel et terre

© Wissam Chaaya

La théorie et la pratique de l’architecture sont à la fois interdépendantes et distinctes. Alors que le flux logique est d’aller de la théorie à la pratique, il existe d’importantes instances où la pratique mène à la théorie. L’une des meilleures manifestations de la relation complexe entre elles se trouve dans la biographie de Hashim Sarkis.

L’éminent académicien et talentueux professionnel est diplômé de l’École de design de Rhode Island pour ses études de premier cycle et détient une maîtrise en architecture et un doctorat de Harvard. Il a enseigné l’architecture dans ces deux écoles. En 1998, il a fondé Hashim Sarkis Studios. Depuis 2015, il est professeur et doyen de l’École d’architecture et de planification du Massachusetts Institute of Technology.

Il existe un dialogue vivace entre le travail et la pensée de Hashim Sarkis. La dialectique entre eux se manifeste à travers de nombreux exemples. Sa première apparition théorique est celle des publications dans le quotidien An-Nahar où il s’est lancé dans l’écriture dans le but de relier les gens à l’architecture. Parallèlement, il travaillait sur sa thèse, explorant l’intersection entre la démocratie et l’architecture et examinant le rôle de l’architecture dans la société. Son premier travail pratique a été le Logement des pêcheurs, un projet qui mérite d’être observé en termes de sa réflexion sur la démocratie et l’égalité entre les unités à travers l’architecture.

À cette époque, Beyrouth était en pleine reconstruction, et il était intrigué par la façon dont ce processus pouvait servir de pont entre l’architecture et la société. Ainsi, il a coédité, en 1999, un chapitre du livre Projeter Beyrouth. Épisodes de la construction et de la reconstruction d’une ville moderne, aux côtés de Jad Tabet et d’autres. Le livre explorait l’intervention gouvernementale à Beyrouth à la fin des années 1950 et dans les années 1960, ainsi que l’implication croissante du secteur privé dans la planification et la reconstruction après la guerre civile. Il a également édité une série de livres axés sur les villes historiques et la vie contemporaine dans le cadre du Programme Aga Khan de la Graduate School of Design, décrivant, en plus de Beyrouth, des villes et des lieux comme la place Sirkeci, Istanbul, Ankara, Izmir et Fès.

Hashim Sarkis s’est ensuite intéressé aux théories de la mondialisation et du climat. Le Monde comme projet architectural incarne cette perspective. Il explore comment les architectes ont envisagé l’avenir de la planète à travers des projets à l’échelle mondiale depuis plus d’un siècle, précédant le mondialisme contemporain et ses angoisses associées. Co-Habitats… Comment vivons-nous ensemble est étroitement lié au rôle de l’architecture dans la société, abordant le changement climatique et la nécessité de réfléchir à la vie avec d’autres espèces. Le projet des Tours de la Cour d’Amchit sert d’exemple de la manière de relever les défis posés par le climat sévère  ; la maison dispose d’une cour conçue pour se protéger contre les conditions météorologiques difficiles, tandis que sa tour sert de cheminée de ventilation.

Le concept de « cyanométrie » d’Alexander von Humboldt et les « quasi-objets » de Michel Serres ont aussi été explorés. Le ciel, aussi universel et protecteur soit-il, possède une certaine spécificité liée au lieu. Lorsque nous contemplons le ciel, nous pouvons discerner les nuances particulières de cyan / bleu qu’il présente. Chaque lieu peut donc être évalué en relation avec des principes universels. L’architecture est un autre ciel protecteur, mais opérant à une échelle différente. Elle est capable de jouer le rôle de mesure des localités tout en atteignant l’universalité. De plus, l’architecture peut être un quasi-objet que Serres définit comme « non pas un objet, mais qui en est un néanmoins, puisqu’il n’est pas un sujet, puisqu’il est dans le monde  ; c’est aussi un quasi-sujet, puisqu’il marque ou désigne un sujet qui, sans lui, ne serait pas un sujet ». La municipalité de Byblos est un exemple d’une architecture présente mais non écrasante, ni strictement historique ni futuriste, cependant ambivalente quant à l’époque à laquelle elle appartient. Un autre projet est le Parc d’atterrissage de ballons à Beyrouth qui établit une nouvelle ligne d’horizon et redéfinit la connexion avec le ciel. Une démarche topographique est entreprise pour concevoir une structure capable de s’intégrer harmonieusement dans le paysage céleste.

Hashim Sarkis croit que nous sommes aujourd’hui à la recherche d’un nouveau paradigme. C’est un moment d’expérimentation où différentes possibilités sont mises à l’essai. « Je tiens beaucoup à l’idée que les choses pourraient être différentes. » Cet exceptionnel architecte pousse inlassablement les limites de l’architecture englobant à la fois ses dimensions académiques et pratiques. Tout bien considéré, Hashim Sarkis est un humaniste avéré de notre époque.

Projecting Beirut: Episodes in the Construction and Reconstruction of a Modern City de Peter G. Rowe et Hashim Sarkis, Éditions Prestel Pub, 1999, 302 p.

The World as an Architectural Project de Hashim Sarkis, Roi Salgueiro Barrio et Gabriel Kozlowski, Éditions MIT, 2020, 576 p.

Co-Habitats: How We Do Live Together In… de Hashim Sarkis et Ala Tannir, Éditions La Biennale di Venezia, 2021, 239 p.

La théorie et la pratique de l’architecture sont à la fois interdépendantes et distinctes. Alors que le flux logique est d’aller de la théorie à la pratique, il existe d’importantes instances où la pratique mène à la théorie. L’une des meilleures manifestations de la relation complexe entre elles se trouve dans la biographie de Hashim Sarkis.L’éminent académicien et...

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