Tous les deux jours et demi, une personne met fin à sa vie au Liban. C’est ce qui ressort de la première étude nationale menée sur le sujet par une équipe de sept psychiatres. Ce travail, publié récemment dans l’Asian Journal of Psychiatry, est basé sur les données fournies dans ce cadre par les Forces de sécurité intérieure (FSI) pour la période s’étalant de janvier 2008 à décembre 2018.
À l’échelle internationale, on estime qu’une personne se suicide toutes les 40 secondes. C’est dans les pays à revenus faible et moyen que 80 % des suicides ont lieu, dont près de 3,9 % sont survenus en 2016, dans la région de la Méditerranée orientale, selon l’Organisation mondiale de la santé. Un taux qui reste sous-estimé en raison d’un faible système d’enregistrement.
Au Liban, il n’existe pas de chiffres exacts sur le suicide. À ce jour, les études menées dans ce domaine se limitent à la prévalence des comportements suicidaires, notamment les idées et les tentatives suicidaires. « Jusqu’à présent, les chiffres avancés dans ce domaine reposent sur des modélisations statistiques et non sur des rapports précis », explique à L’Orient-Le Jour Maya Bizri, principale auteure de l’étude.
Dans le cadre de ce travail, les chercheurs ont essayé de déterminer le taux de suicide au Liban et d’en étudier les caractéristiques. Ils précisent que « les données relatives aux années 2008 à 2010 se limitent au nombre de suicides commis par mois ». Les années qui ont suivi, « le sexe de la personne qui a mis fin à sa vie et le moyen utilisé pour le faire ont été inclus dans les rapports, ainsi que la date et la région où le suicide a eu lieu ». En ce qui concerne la nationalité des personnes, elles n’ont commencé à être signalées qu’à partir de 2014.
Les auteurs distinguent deux catégories de méthodes de suicide, « violentes » et « non violentes ». La première catégorie inclut les armes à feu, la pendaison, les explosions y compris les attaques terroristes, l’auto-immolation, l’usage d’armes tranchantes, l’électrocution ou le saut dans le vide. Les méthodes non violentes comprennent l’asphyxie par gaz, l’empoisonnement comme l’ingestion de médicaments ou la prise d’une surdose de drogue.
Caractéristiques du suicide
L’étude montre que sur la période de onze ans, allant de janvier 2008 à décembre 2018, 1 366 suicides ont été signalés aux FSI, avec un ratio de 2,4 suicides pour 100 000 habitants, sachant que la population libanaise est passée de près de 4,8 millions de personnes en 2008 à quelque 6,9 millions en 2018, en raison de l’afflux des réfugiés syriens. Selon ce document, les hommes sont plus nombreux à passer à l’acte (66 %) que les femmes (34 %). De plus, dans 86,4 % des cas, les suicides ont été commis via des méthodes violentes, principalement le recours à une arme à feu (41,4 %), suivi par la pendaison (26,5 %), le saut dans le vide (13,6 %) et l’empoisonnement (13,5 %). Selon l’étude, les hommes utilisent plus les armes à feu que les femmes (55,4 % contre 14,2 %) alors que les femmes recourent plus que les hommes à la pendaison (43 % contre 18 %) et au saut dans le vide (23,1 % contre 8,8 %).
Par ailleurs, une différence a été notée dans le signalement des suicides selon les régions, le Mont-Liban étant le mohafazat où le plus grand nombre de cas ont été rapportés, alors que Nabatiyé a enregistré le plus faible nombre de cas signalés. La distribution des cas de suicide est pratiquement la même tout au long des quatre saisons de l’année.
Toujours selon l’étude, les personnes qui se sont suicidées sont d’abord des Libanais (70,4 %), suivi par des Éthiopiens (13,2 %), des Syriens (10,9 %) et des Palestiniens (2 %).
Améliorer les stratégies nationales
Pour Maya Bizri, l’étude présente toutefois certaines limites. « Il y a une sous-estimation des chiffres, notamment ceux relatifs aux régions reculées, où les structures de signalisation des suicides font défaut, note-t-elle. Le problème n’est pas inhérent au Liban, il est observé dans plusieurs pays du monde. »
Cette étude n’en demeure pas moins importante, et ce d’autant plus qu’elle « constitue le premier registre sur le suicide au Liban ». « Elle va servir de base pour l’élaboration de stratégies nationales ciblées pour lutter contre le suicide », affirme de son côté Mia Atoui, co-auteure de l’étude et responsable à Embrace, une ONG qui lutte contre le suicide. « La hotline de notre ONG, le 1 564, mise en place en 2017, en est une, poursuit-elle. C’est un outil de prévention, mais il faut davantage d’interventions ciblées en se basant sur le profil des personnes qui tentent de se suicider, les régions où il faut mener une plus grande sensibilisation, etc. »
Elle souligne dans ce cadre qu’il faudrait, à titre d’exemple, s’adresser à travers la hotline de Embrace aux ressortissants éthiopiens qui, bien qu’ils forment une minorité au Liban, sont plus nombreux à recourir au suicide que ceux d’autres nationalités. « Il faudrait aussi œuvrer davantage pour abolir le système de la kafala parce qu’il pourrait mener à un risque accru de suicides, ajoute-t-elle. Il n’y a pas de lien de cause à effet, mais il peut y avoir une corrélation, puisque ce système influe sur leur qualité de vie et leurs droits et par conséquent sur leur santé mentale. Les résultats auxquels l’étude a abouti doivent aussi pousser à repenser les lois sur la possession d’armes ou l’accès aux médicaments… »
Est-ce que l'heureux locataire de Baabda est au courant de la liste actuelle des prix de première nécessité dans les supermarchés ? Sait-il que les prix sont pour la plupart multipliés par 8 par rapport à ce qu'ils étaient avant la crise ? Et lui, l'homme de fer insensible à tout ce qui arrive, comment peut-il dormir la nuit ou le jour ? Il doit savoir qu'il est le premier concerné, et responsable, car il ne facilite pas une issue à la crise qui ronge les économies et les salaires.
17 h 57, le 02 avril 2021