Un groupe d’avocats, Élie Kyrillos, Amine Bachir, Chawkat Hawala et Majd Harb, a saisi la justice libanaise, hier, contre le ministre de la Santé Hamad Hassan, son prédécesseur Jamal Jabak et l’entreprise pharmaceutique LebIran, pour « malhonnêteté, fraude et abus d’autorité ». Et pour cause, estiment-ils, « les ministres et la société nommée ont importé (ou facilité l’importation) au Liban de médicaments iraniens biosimilaires ». Ces médicaments ont été accrédités par le ministère de la Santé, sans pour autant répondre aux normes internationales, celles de l’Organisation mondiale de la santé notamment, et sans avoir subi les tests préalables par les laboratoires compétents au Liban. Les avocats ont ainsi demandé au parquet général près la Cour de cassation de Beyrouth d’ouvrir une information judiciaire sur l’affaire. Mais dans l’après-midi, c’est un niet que leur a opposé le procureur général, Ghassan Oueidate, qui a classé le dossier. Il a estimé que les faits en question ne constituaient pas une charge retenue dans la plainte, et que l’importation de médicaments ne relevait pas de la compétence du parquet.
Près de 45 différents médicaments introduits au Liban
« Introduits au Liban il y a un an, ces médicaments biosimilaires fabriqués en Iran ont été approuvés par le ministère de la Santé sans avoir subi au préalable les tests imposés par la loi libanaise dans des laboratoires agréés par les autorités », accuse Majd Harb, contacté par L’Orient-Le Jour. « Ils ont d’abord obtenu une autorisation provisoire à la condition de suivre le processus sanitaire normal. Mais les tests requis n’ont jamais été réalisés », déplore-t-il, estimant que près de 45 différents médicaments biosimilaires ont ainsi été introduits au Liban en provenance d’Iran. Dénonçant « des passe-droits » accordés par les ministres Jabak et Hassan (proches du Hezbollah) à l’entreprise LebIran, l’avocat prévient qu’« en cas de non-conformité, ces produits risquent pourtant de représenter un danger pour la santé de la population ». Et ce qui inquiète particulièrement, c’est que « ces médicaments, dont certains sont utilisés pour traiter le cancer et les maladies sanguines, sont susceptibles d’être inoculés aux patients hospitalisés, sous forme de perfusions », met en garde Me Harb, « car ils sont de 20 à 30 % moins chers que les autre médicaments ».
Pour sa part, la pharmacienne Suzan Serbey, membre du collectif Pyramid issu de la contestation populaire, dénonce « un abus de pouvoir » de la part des deux ministres. « Et s’il faut de manière générale deux bonnes années pour obtenir l’autorisation d’importer un médicament au Liban, la procédure n’a pris cette fois que 4 à 5 mois », assure-t-elle. Outre ce « flagrant conflit d’intérêts », l’activiste fait part de ses craintes « de voir les patients libanais utilisés comme des cobayes ». Mais dans cette affaire de passe-droits, elle reconnaît que la pratique est courante. « Tous les ministres de la Santé successifs y ont eu recours, même de bords différents », affirme-t-elle.
Une commission formée… d’une seule personne
Comme on pouvait s’y attendre, l’affaire n’a pas manqué de se politiser. Les ministres proches du Hezbollah sont accusés de « faire le jeu de l’Iran, dans une volonté de renforcer les liens avec Téhéran ». Et ce alors que les sanctions américaines interdisent à quiconque de commercer avec l’Iran. Parmi les avocats qui ont saisi la justice, se trouve le fils de l’ancien ministre Boutros Harb, un ténor du 14 Mars, farouche adversaire du parti de Hassan Nasrallah. Quant à l’entreprise LebIran, si son site web est d’une grande opacité, nous apprenons qu’elle est enregistrée, selon des sources informées, aux noms de Nidal Thomas Hanna (48 %), Fayez Nidal Hanna (49 %) et Joud Nidal Hanna (1 %), des ressortissants syriens de confession chrétienne. De plus, Fatima Hussein Moussaoui et Bilal Ali Taleb, de nationalité libanaise, possèdent chacun 1 % des parts. Les actionnaires fondateurs sont pourtant d’autres personnes, Hicham Hussein Moussaoui et Nizar Kamel Saïd, également libanais.
Nous n’avons pas réussi à entrer en contact avec le bureau du ministre de la Santé pour davantage d’informations. En revanche, nous avons tenté de comprendre la problématique des médicaments biosimilaires. Selon un expert qui a requis l’anonymat, ces médicaments issus du vivant et équivalents à un médicament biologique déjà autorisé représentent un « véritable casse-tête dans le monde entier ». Car outre les grandes multinationales qui fabriquent ces médicaments, « nombre de pays produisent aussi des biosimilaires, sans preuves de leur similarité. Le Liban a donc établi ses propres règles », note l’expert. Avant d’être approuvé, tout médicament biosimilaire est tenu d’être soumis à des tests. « Sauf que la commission chargée de mener ces tests est pratiquement inexistante. Elle n’est plus formée que d’une seule personne. » Sans oublier que le pays « n’a pas vraiment la capacité de mener ces tests sous forme d’études cliniques conduites sur des personnes. Il est alors nécessaire d’envoyer les échantillons en Espagne, ce qui nécessite du temps », explique l’expert.
Mais le dossier de l’importation par le Liban de médicaments biosimilaires en provenance d’Iran « n’est pas clair. Il y a quelque chose qui cloche », estime encore l’expert. Et ce d’autant qu’au sein du corps médical, des voix s’élèvent contre la décision du ministre de la Santé.« Les médecins refusent de prescrire ces médicaments ou de les utiliser au sein des hôpitaux », affirme-t-il. Une question se pose toutefois : « Les médicaments biosimilaires iraniens seront-ils imposés aux patients couverts par le ministère de la Santé ? »
commentaires (7)
Si ça n’est pas une trahison qui justifie la démission ou le dégagement de tous ces pourris , je ne sais pas ce qu’il nous faut de plus pour les chasser sans ménagement. Des produits et non des moindres qui sont sensés remédier aux problèmes sanitaires des citoyens circulent dans le pays sans aucune autorisation ni contrôle pour les beaux yeux de Hassan et qu’on laisse faire pour ne pas le froisser est un crime avéré et un délit de mise en danger de peuple avec l’approbation des responsables politiques. Non seulement c’est condamnable mais c’est un crime qui mérite la plus sévère des sanctions. Comme si le virus ne suffit pas il rajoutent des causes qui peuvent encore plus saturer les hôpitaux par des intoxications médicales et augmenter les décès qui passeront dans les bilans de mort naturelle ou complication du virus. Mais quelle mascarade, où est le président et où sont les hommes forts qui défendent les droits des citoyens en les laissant aux mains des minables qui ne reculent devant aucune méthode pour exterminer les citoyens de ce pays? Au diable vous tous vous êtes abjectes, ignobles et infâmes.
Sissi zayyat
21 h 06, le 30 mars 2021