
Le Parlement libanais en séance plénière, le 29 mars 2021. Photo Hassan Ibrahim
Le Parlement libanais, réuni en séance plénière lundi, a adopté les deux lois comprises dans son ordre du jour, à savoir l'octroi d'une avance du Trésor à Électricité du Liban afin de lui permettre d'approvisionner ses centrales en fuel pour éviter le "noir total", et un texte sur la "récupération des fonds pillés", une revendication des contestataires. Le président du Parlement a par ailleurs rejeté l'appel lancé la semaine dernière par le Premier ministre démissionnaire Hassane Diab concernant une "interprétation" de la Constitution, afin de clarifier les prérogatives du gouvernement sortant, exhortant plutôt le cabinet à "se mettre au travail".
Au cours de cette brève séance d'à peine une heure et demi, les députés ont ainsi approuvé le versement d'une avance de 200 millions de dollars (300 milliards de livres aux taux officiel de 1.500 livres) à EDL, après une mise en garde du ministre sortant de l'Energie, Raymond Ghajar, contre le risque que le pays soit plongé dans le "noir total". Ce texte avait été approuvé par les commissions mixtes sur base de l'équation : "avance du Trésor ou l'obscurité", mais les 1.500 milliards de livres libanaises réclamés par l'institution publique et le ministère de l'Énergie avaient été revus à la baisse, étant donné le peu de réserves en devises disponibles auprès de la Banque du Liban (BDL). Nombre de députés, notamment ceux du Parti socialiste progressiste (du leader druze Walid Joumblatt) et des Forces libanaises avaient critiqué l'approbation de ce texte en l'absence de réformes du secteur de l'électricité, l'un des principales sources des dépenses de l'État.
Le député Hadi Abou el-Hosn, membre de la Rencontre démocratique (joumblattiste) a d'ailleurs affirmé à son arrivée à la séance que son groupe parlementaire "réitère sa position" à ce sujet et s'oppose à cette avance, qui sera payée à partir des réserves obligatoires de la BDL et donc des dépôts des gens". Il a réaffirmé qu'il ne s'agissait pas d'une prise de position "politique", mais qu'elle est liée à la nécessité de mettre en place des réformes.
Pendant la séance, le député Georges Adwan (Forces libanaises) a quant à lui critiqué cette loi estimant que le montant versé ne pouvait être qualifié "d'avance", EDL n'ayant "jamais remboursé une seule piastre" à l'Etat. "Toute atteinte aux réserves de la BDL est une atteinte aux dépôts des gens", a-t-il dénoncé. Le chef de la commission des Finances, Ibrahim Kanaan, a pour sa part rappelé, comme l'avait fait le ministre sortant de l'Energie Raymond Ghajar il y a près d'un mois, que "face à l'effondrement total, soit il faut éteindre l'électricité dans tout le pays, soit recourir à une avance".
Récupération des fonds
Par ailleurs, la Chambre a adopté la proposition de loi concernant la récupération des fonds et actifs qui proviennent des crimes de corruption.
La "récupération des fonds pillés" est l'une des revendications majeures du mouvement de contestation qui avait été lancé le 17 octobre 2019. Ce texte devrait permettre de fluidifier toutes les procédures liées à la récupération des fonds pillés en mettant en place une administration spécialisée, dont le rôle sera de coordonner les efforts avec les autorités compétentes libanaises et étrangères, visant à récupérer les actifs détournés suite à des faits de corruption et qui auraient été transférés à l’étranger. Selon cette loi, les fonds récupérés seront déposés dans une caisse autonome et serviront à financer plusieurs catégories de projets, notamment la lutte contre la corruption ou la pauvreté. Point faible notoire de la proposition de texte : le fait qu’elle intègre une administration non encore constituée, dont les six membres (deux juges, un avocat, un expert-comptable et deux experts du secteur bancaire et des finances publiques) doivent être désignés pour six ans par un décret pris par un gouvernement de plein pouvoir.
A l'issue de la réunion, Ibrahim Kanaan a salué l'adoption de ce texte "essentiel". "Il ne s'agit pas d'une question de surenchère populiste, médiatique ou politique", a-t-il affirmé, appelant à ce que la loi soit mise en oeuvre "par une justice indépendante", ce qui nécessite également l'adoption d'une loi. Son collègue au sein du groupe aouniste et chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil a également salué cette étape. "Il faut maintenant la mettre en application", a-t-il écrit sur Twitter, estimant qu'il était "du droit des Libanais de savoir qui les a volés et qui n'a pas mis la main sur leur argent".
Le Parlement a en outre adopté un projet de loi relatif à un accord sanitaire avec l'Irak et qui ne figurait pas à l’ordre du jour de la séance, rapporte notre correspondante Hoda Chédid. La Chambre a par ailleurs décidé de renvoyer devant les commissions conjointes une proposition de loi présentée par Bilal Abdallah (joumblattiste) et qui prévoit d'accorder aux médecins décédés du coronavirus le même statut que celui dont bénéficient les martyrs de l'armée, ce qui permet à leurs familles de recevoir des compensations de l'Etat.
Dès la fin de la réunion, le président de la Chambre a signé tous les textes adoptés et les a transférés à la présidence du Conseil des ministres.
"Le Titanic"
En début de séance, le chef du Législatif a en outre répondu par la négative à la demande de Hassane Diab concernant une clarification des prérogatives de son cabinet sortant.
M. Diab, qui avait démissionné en août 2020 suite aux explosions dans le port de Beyrouth, avait réclamé du Parlement qu'il "interprète" la Constitution afin de définir le rôle et les prérogatives du cabinet sortant. Cette demande avait été formulée, alors qu'en l'absence d'un nouveau gouvernement du fait des tensions entre le chef de l'État Michel Aoun et le Premier ministre désigné Saad Hariri, certaines parties politiques, dont le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah, avaient appelé à renflouer le cabinet sortant.
"Un changement de la Constitution n'est pas à l'ordre du jour", a déclaré M. Berry à l'ouverture de la séance au palais de l'Unesco. "L'article 64 de la Constitution est clair et ne nécessite pas d'explication", a-t-il ajouté. Cet article stipule notamment que "le gouvernement ne peut exercer ses prérogatives avant l'obtention de la confiance ni après sa démission ni après avoir été considéré comme démissionnaire, que dans le sens étroit de l‘expédition des affaires courantes". "Je trouve cela étonnant que le gouvernement (sortant, ndlr) qui a autant de travail vienne nous demander d'expliquer la Constitution, a-t-il critiqué. Qu'ils aillent donc se mettre au travail". Il a dans ce cadre ajouté avoir transmis ce point de vue à Hassane Diab. Concernant la formation du gouvernement, qui se fait attendre depuis août 2020, M. Berry a déclaré que "le pays entier est en danger et il est temps que nous nous réveillions". "Si le pays coule, nous coulerons tous avec lui comme le Titanic, sans exception", a-t-il souligné.
Le Parlement libanais, réuni en séance plénière lundi, a adopté les deux lois comprises dans son ordre du jour, à savoir l'octroi d'une avance du Trésor à Électricité du Liban afin de lui permettre d'approvisionner ses centrales en fuel pour éviter le "noir total", et un texte sur la "récupération des fonds pillés", une revendication des contestataires. Le président du Parlement a...
commentaires (3)
ET LES DEPOTS DES GENS VOLES PAR LES BANQUES EN COMPLICITE AVEC LA MAFIOSITE ?
LA LIBRE EXPRESSION
13 h 36, le 29 mars 2021