Rechercher
Rechercher

Nos Lecteurs ont la Parole

N comme néant

Je suis là, devant mon écran blanc, depuis un moment... Une heure, dix minutes, trente secondes, je ne sais plus...

Le même vide dans ma tête que sur cette page blanche, à la seule différence que cette dernière n’est pas torturée, ce qui explique sans doute pourquoi je ne vois pas les filets sanguinolents entacher lentement sa sérénité désarmante.

« Vide » n’est pas tout à fait juste en fait. C’est plutôt une sensation déchirée entre anesthésie, lassitude, paralysie, inertie, hébètement... La liste est longue. Même la colère s’est dissipée, effacée par cette incertitude déconcertante qui domine – dirige ? – désormais nos petites vies misérables d’otages.

Otages d’une confiance si mal placée dans un pays lui-même captif d’un sordide assortiment de vices aux empreintes de drapeaux variés, trop sauvagement variés pour anéantir ce havre déjà si fragile... Existe-t-il encore d’ailleurs ? Ou est-ce le fruit avarié vicieusement imaginé par de diaboliques stratèges en abayas, soutanes, treillis et costumes signés ? Barbus ou rasés, basanés ou dorés, parés d’un croissant, d’une croix ou d’une étoile de David, vous avez réussi et nous vous en félicitons !

Réussi à nous déshumaniser, avec tout ce que cette notion implique comme perte de dignité, de sensibilité, de générosité, de temporalité, et de toute forme d’empathie qu’un être humain digne de ce nom peut avoir – pour ne pas tomber dans le piège de « ressentir »...

N’auriez-vous pas remarqué qu’à part quelques pneus crevés soigneusement sélectionnés pour illuminer/empester/animer nos soirées de confinés fauchés, et quelques sirènes d’ambulances transportant de tristes morts-vivants ou de cortèges assourdissants censés blinder d’illustres ordures, plus rien ne fait vibrer notre absurde réalité ? Votre instinct meurtrier n’aurait-il pas encore compris que nous vous laissons le champ libre ? Quelles atrocités allez-vous encore inventer pour nous éliminer, pour de bon cette fois ? Faites ! Yalla ! Mais oui, donnez-vous en à cœur joie ! Éclatez-vous ! Plus de résistance ni de lutte. Juste un semblant de peuple– ou ce qui en reste – qui rend sagement son dernier souffle, le néant au cœur et la faim au ventre.

Oui, vous avez gagné ! Gagné des vestiges phéniciens, romains, byzantins, ottomans, et j’en passe... Mais surtout des ruines d’un peuple blasé, ruiné, désabusé, désenchanté, pour qui le mot « resilience » ne rappelle plus que de vagues souvenirs d’une gloire oubliée...


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Je suis là, devant mon écran blanc, depuis un moment... Une heure, dix minutes, trente secondes, je ne sais plus...Le même vide dans ma tête que sur cette page blanche, à la seule différence que cette dernière n’est pas torturée, ce qui explique sans doute pourquoi je ne vois pas les filets sanguinolents entacher lentement sa sérénité désarmante.« Vide »...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut