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Société - Fête patronale de l’USJ

Face à « l’aliénation de l’État », la résilience de l’université

« Soutenir nos étudiants est une responsabilité humaine, mais surtout nationale. Ils feront vivre le Liban de demain », s’engage le recteur Salim Daccache.

Face à « l’aliénation de l’État », la résilience de l’université

« Nos étudiants sont précieux et ils sont notre avenir. Ils feront vivre le Liban de demain. » Photo USJ

À l’occasion de la fête patronale de l’Université Saint-Joseph, le recteur Salim Daccache s.j. a prononcé un discours bilan et perspectives dans lequel il a opposé la résilience de l’université au phénomène d’aliénation de l’État au profit d’intérêts personnels et communautaires particuliers. Il l’a fait lors d’une messe et d’une cérémonie oratoire restreinte organisée sur le campus universitaire de Mar Roukoz en présence du nonce apostolique, Mgr Josef Spiteri, du P. Michaël Zammit, provincial de la Compagnie de Jésus, et de Christian Makari, président de la fédération des anciens, et retransmise sur le site de l’USJ et sa page Facebook.

« Lorsque nous avons choisi le banian comme logo et symbole de l’USJ, a commencé le recteur Daccache, après une méditation sur saint Joseph, notre objectif était de transmettre le message suivant : cet arbre dont un beau spécimen est planté dans le jardin botanique du campus des sciences médicales et dont la spécificité est de développer à l’infini des racines à partir de ses branches est à l’image de l’Université Saint-Joseph qui s’est enracinée depuis 1875 en terre libanaise pour faire fleurir des valeurs intellectuelles de science et de compétences, des valeurs humanistes et spirituelles, de confiance, de respect de l’autre différent, de citoyenneté et de sentiment d’appartenance à ce Liban devenu État en 1920. »

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« Aujourd’hui, a poursuivi le recteur, ce n’est pas une crise complexe faite de pandémie, et de catastrophes politiques et financières qui arrête l’élan de nos racines (…) Tous les théoriciens des catastrophes le disent, c’est l’immoralité, consciente ou inconsciente, individuelle et collective, qui est à la base des crises qui secouent les communautés et les nations. Chez nous, c’est l’aliénation de l’État au profit d’intérêts particuliers et partisans de tous genres, ou au nom de la confession religieuse (…) et le règne de l’impunité. La révolution du 17 octobre 2019 a dit tout haut que notre société a besoin de morale, et il n’y a pas de morale sans sanction. »

« L’une des expressions de la catastrophe qui menace l’université, pas seulement la nôtre, dans son existence est le départ en masse des jeunes vers d’autres cieux », souligne le recteur qui redoute par-dessus tout la perte de toute une génération ainsi que des valeurs que l’USJ est dévouée à transmettre. « La patrie faiblira, dit-il, comme creuset porteur de valeurs spirituelles et culturelles communes, et la nation fléchira comme agrégat de communautés ayant fait le pacte social et volontaire de vivre-ensemble, et de bien le vivre, si l’État ne se construit pas avec les meilleures compétences, sans distinction d’appartenance religieuse et partisane, autrement dit avec des citoyens qui se reconnaissent comme citoyens libanais. »


Daccache : « Dans les classements internationaux, nous sommes fiers que notre université soit citée comme l’une des meilleures de la région. » Photo USJ


Le déficit de dialogue

Au nombre des autres dangers qui menacent le Liban et son élite intellectuelle, figurent aussi, aux yeux du P. Daccache, « un déficit de dialogue » qui signifie « qu’une communauté cherche à imposer sa volonté sur l’ensemble national ou bien cherche à s’isoler des autres » ; « la régression vers le confessionnel » caractéristique des quarante dernières années de l’histoire du Liban et l’affaiblissement de la culture de la citoyenneté ; enfin, un relativisme et un vide éthique analogues à ceux dont l’Europe à fait l’expérience au sortir de la Première Guerre mondiale, que l’auteur autrichien Robert Musil décrit dans l’une de ses œuvres.

Se hissant en fin de raisonnement au plan politique national et endossant l’appel du patriarche maronite à « libérer la légalité de son carcan », le recteur de l’USJ a conclu cette partie de son discours en affirmant : « La coexistence sociale, le vivre-ensemble, c’est-à-dire la patrie, dans la pensée du patriarche Hoyek, fonde le pacte national politique, et celui-ci, reposant sur la coexistence, engendre l’État, et son système politique et parlementaire soucieux de l’instauration des libertés et de la justice pour tous. Chaque fois que l’État fonctionne mal, grâce à la loi des partis manipulant les communautés, c’est le vivre-ensemble, et le pacte social et politique qui en prennent un coup, et c’est l’existence du Liban qui se trouve menacée. »

L’université du XXIe siècle

Passant au plan universitaire et évoquant « les conditions d’exister du Liban du second centenaire », le recteur de l’ USJ a affirmé que, dans la fidélité à ses racines, l’USJ est – aussi – « l’université pour le Liban du XXIe siècle ».

Et, citant l’un de ses proches collaborateurs, il a ajouté : « Nos étudiants sont précieux et ils sont notre avenir. Ils font des études pour prendre leur destin en main et comptent sur leur diplôme pour devenir rapidement un soutien nécessaire à leurs parents. Les soutenir est une responsabilité humaine, mais surtout nationale. Ils feront vivre le Liban de demain. »

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« Nous voulons plus que jamais, et au cœur de la crise et en défi à cette crise, que notre université continue à être une référence d’excellence en matière de formation universitaire, a poursuivi le recteur. Dans les classements internationaux, nous sommes fiers que notre université soit citée comme l’une des meilleures de la région en formation des jeunes qui nous sont confiés. ». « Et nous comptons bien le rester », a-t-il ajouté.

La force de la parole

En conclusion, couplant le thème de la résilience, qui est capacité de rebondir, avec celui de « l’empowerment » compris comme « développement du pouvoir d’agir » de la personne, le recteur de l’USJ a parlé de la nécessité pour chacun d’un « temps du ressourcement ». « Je fais mienne, a-t-il dit, cette question d’Antoine de Saint-Exupéry dans sa lettre au général X : “Que faut-il dire aux hommes ?” et de répondre : « Rendre aux hommes une signification spirituelle, redécouvrir qu’il existe une vie de l’esprit plus haute encore que la vie de l’intelligence. »

« Le ressourcement individuel en des moments de crises est un acte de foi en nous-mêmes, a-t-il conclu. Il dit que nous pouvons reprendre souffle, renforcer nos psychologies cernées par la peur et par la mort, retrouver ce qui bloque nos énergies vitales, les libérer pour agir positivement et ainsi gagner la partie ; c’est, comme pour le banian, un retour de nos branches à nos sources pour en tirer ce qui peut nous motiver, mais aussi afin de nourrir nos racines historiques, et de combattre l’anxiété et la déprime qui peuvent nous guetter, et épuiser nos énergies psychologiques et intellectuelles. »

Et le recteur d’achever son discours en s’adressant aux organisateurs de la campagne baptisée « Rise to Bloom » menée en ce moment par l’université à l’intention de la communauté enseignante et administrative, ainsi qu’à l’adresse des étudiants. « Je ne cesse de remercier ceux qui la financent et ceux qui l’animent, car elle aide et aidera plusieurs d’entre nous à exprimer ce qui est tu et, ainsi, à libérer la parole et se libérer par la force de la parole. »

À l’occasion de la fête patronale de l’Université Saint-Joseph, le recteur Salim Daccache s.j. a prononcé un discours bilan et perspectives dans lequel il a opposé la résilience de l’université au phénomène d’aliénation de l’État au profit d’intérêts personnels et communautaires particuliers. Il l’a fait lors d’une messe et d’une cérémonie oratoire restreinte...

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