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Campus - CORONAVIRUS

Étudiants et secouristes, un quotidien écartelé entre les missions à la Croix-Rouge et les études

« Tous les secouristes ont, sans doute, plus peur pour leurs parents que pour eux-mêmes », estime Sarah Younes, 24 ans, étudiante en master de psychologie clinique et secouriste. 

Étudiants et secouristes, un quotidien écartelé entre les missions à la Croix-Rouge et les études

« Quand le devoir m’appelle, je me lance sans hésitation pour répondre au besoin. Je n’y réfléchis pas à deux fois », assure Antonio el-Nabbout, étudiant en ingénierie industrielle et secouriste à la Croix-Rouge. Crédit photo Waad Abdulaal

Depuis le mois de janvier, le nombre de personnes infectées par le coronavirus au Liban n’a cessé de croître. Une situation qui impacte la vie des jeunes secouristes, surtout que le transport des patients est pris en charge par la Croix-Rouge libanaise. Responsable du matériel paramédical d’urgence dans son secteur, Sarah Younes, 24 ans, étudiante en master de psychologie clinique à l’Université libanaise, se rend au centre d’Antélias un jour sur deux, en plus de sa permanence habituelle. Bien que les horaires de garde n’aient pas été modifiés, les urgences prennent désormais plus de temps. Les procédures qui nécessitaient auparavant 30 minutes ont besoin aujourd’hui de plus d’une heure pour être accomplies, vu l’établissement d’un protocole de préparation et d’équipement propre au coronavirus, ainsi que la désinfection après chaque mission. « Il y a toujours un risque même si le patient à secourir n’a pas déclaré avoir contracté le virus : il peut être asymptomatique ou ne pas encore savoir qu’il a été en contact avec un cas de Covid. Je pense que tous les secouristes ont sans doute plus peur pour leurs parents que pour eux-mêmes », estime l’étudiante. De nature affectueuse et proche de sa famille, en particulier de ses neveux, la jeune secouriste juge assez dur de devoir prendre ses distances avec ceux qui lui sont chers. Elle ajoute : « Mes parents m’encouragent beaucoup. Ils respectent et admirent énormément le bénévolat. Mais je sais qu’au fond d’eux, ils s’inquiètent pour moi. Ils m’implorent toujours de faire très attention. J’essaie de les rassurer autant que possible. »

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Étudiant en ingénierie industrielle à l’AUB, Antonio el-Nabbout est bénévole au centre de la Croix-Rouge à Gemmayzeh. Ce jeune homme de 21 ans affirme que les secouristes sont très bien protégés, « durant leurs urgences et même pendant les 12 heures de permanence ». Ils portent toujours un masque, respectent la distanciation sociale et prennent toutes les mesures de sécurité nécessaires pour les simulations et les études de cas réalisés pendant l’entraînement des nouveaux venus. Il s’estime chanceux de posséder un appartement dans lequel il vit seul depuis presque un an, ce qui lui permet de ne pas exposer ses parents, plutôt âgés, au risque d’attraper le coronavirus et de développer des complications. Cela ne l’empêche pas ressentir une certaine nostalgie quand il leur rend visite dans leur maison familiale. « Quand je reviens d’une urgence Covid-19, je ne vois jamais mes parents pendant les 4 à 5 jours qui suivent. J’attends plutôt le jour de ma seconde garde pour passer à Achrafieh déjeuner en famille, avant de me rendre à ma permanence. Ça me manque un peu d’être proche de ma mère et de mon père, pouvoir les serrer dans mes bras comme avant, rire avec eux, prendre un verre le dimanche, partir ensemble en voiture... Ce sont des choses banales, mais c’est maintenant que j’en reconnais la vraie valeur », confie-t-il.

Le secteur où le jeune homme est volontaire, fortement endommagé par l’explosion du 4 août, a dû être délocalisé. Il a fallu alors aménager et équiper deux locaux temporaires sur le même territoire en réponse. Depuis, les permanences sont réparties sur ces deux secteurs qui sont fonctionnels simultanément afin de limiter le nombre de secouristes par garde et réduire ainsi la possibilité de contamination croisée. « Notre délocalisation a constitué une très grande difficulté logistique particulière à notre centre, à laquelle nous avons dû rapidement nous adapter afin de répondre à la crise sanitaire », raconte-t-il. Et de poursuivre : « Au tout début de la pandémie, il y a eu une vague de peur parce qu’on connaissait encore mal le coronavirus... Durant cette période, la majorité de mes camarades secouristes ont pris leurs distances de leurs familles en changeant de logement. Cette initiative a été facilitée par une campagne lancée par la Croix-Rouge libanaise auprès des propriétaires et des loueurs, afin d’accueillir les secouristes n’ayant pas de résidences secondaires. »


Sarah Younes, mastérante en psychologie clinique et secouriste à la Croix-Rouge. DR

« Quand le devoir m’appelle, je me lance sans hésitation »

S’engager à la Croix-Rouge et pouvoir concilier à la fois ses études et son devoir humanitaire n’est pas chose aisée. Les jeunes secouristes sont parfois confrontés à un dilemme entre leurs différentes priorités. « Poursuivre correctement mes études pendant cette crise demande beaucoup plus d’effort, cependant le fait que les cours se déroulent maintenant à distance joue en ma faveur. Aujourd’hui, si j’ai une permanence jusqu’à 6h du matin puis un cours à 8h, je peux facilement rentrer chez moi, prendre une douche, me reposer et manger, puis me connecter et suivre mon cours. Alors qu’avant, je devais prendre ma voiture pour me rendre à l’université, compter le temps perdu dans les embouteillages... En termes de temps, c’est plus avantageux », explique Antonio el-Nabbout. « D’un autre côté, il y a eu des choses qui ont été terriblement difficiles, parce qu’à un certain moment, le nombre des urgences de Covid-19 a tellement augmenté, qu’il m’est souvent arrivé d’avoir plus d’un service, ou de me réveiller en catastrophe à 3h ou 4h du matin pour une urgence pour laquelle il y avait un manque de secouristes, alors que j’avais un examen le lendemain matin par exemple », poursuit-il. Le futur ingénieur estime qu’avant la crise sanitaire, il pouvait bien s’adapter à sa vie d’étudiant et de secouriste. Mais « quand le devoir m’appelle, je me lance sans hésitation pour répondre au besoin. Je n’y réfléchis pas à deux fois », assure-t-il.

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Dans le même sens, Sarah Younes estime « qu’il y a toujours assez de temps pour tout, il faut juste savoir le gérer. » La jeune femme s’organise avec soin. « Même si mon devoir humanitaire au sein de la Croix-Rouge devient plus exigeant, cela me pousse à me dépasser, surtout quand je le fais de tout cœur. Au moment-même, je n’éprouve pas de fatigue et je suis toujours motivée pour donner le meilleur de moi-même. Mais c’est le lendemain d’une permanence que je me sens vraiment vidée de toute mon énergie, alors je dois récupérer en dormant mieux et en me reposant plus longtemps », renchérit la secouriste. Un secouriste doit en effet avoir une bonne endurance physique, car il peut être amené à porter de lourdes charges, à veiller tard, etc. « Certains patients ayant contracté le coronavirus et qui souffrent de complications deviennent souvent incapables de se déplacer par eux-mêmes. Il faut donc les transporter par exemple du 4e étage au rez-de-chaussée sur les escaliers », souligne Antonio el-Nabbout.

Suivi psychologique de soutien

Sarah Younes reconnaît ressentir une certaine inquiétude concernant ses études : « Lorsque je rentre d’une permanence, je suis souvent préoccupée par l’idée d’avoir transporté un patient contaminé sans avoir pris assez de précautions, et cela m’empêche parfois de me concentrer sur mes études, surtout que les cours sont en ligne et que l’incertitude me rend un peu anxieuse au quotidien. » Toutefois, elle précise : « Si jamais l’un de nous est suspecté d’avoir été en contact direct avec quelqu’un ayant le virus et qui ne l’avait pas déclaré, il y a des locaux spéciaux propres à notre secteur pour nous confiner au cas où nous n’aurions pas d’autres moyens d’isolation. »

Par ailleurs, un suivi psychologique est prodigué au sein des centres de la Croix-Rouge pour accompagner les secouristes à travers des formations dédiées à leur bien-être. Des séances de discussion leur permettent d’extérioriser leurs angoisses. Un programme, intitulé Peer Support (soutien des pairs), permet aux participants de devenir médiateurs du groupe et d’être à l’écoute des autres. « Avec tout ce qui se passe dans le pays, nous perdons un peu notre motivation parce que nous voyons les choses de très près. Nous voyons des personnes souffrantes qui sont à bout de souffle et qui n’arrivent plus à respirer. Nous recevons parfois des appels de gens qui nous supplient de leur procurer de l’oxygène alors qu’il devient de moins en moins disponible. Sans oublier la galère pour trouver un hôpital pouvant les accueillir, et le personnel médical surchargé et épuisé. Malgré tout cela, il faut essayer d’inspirer la confiance aux patients et leur donner toujours plus d’espoir », confie Sarah Younes avant d’adresser un appel à la population : « Rester chez soi, c’est nous aider à sauver les autres. Alors, s’il vous plaît, soyez tous responsables et vigilants, pour que nous puissions tous ensemble surmonter cette crise sains et saufs. » Antonio el-Nabbout, quant à lui, conclut : « Je tiens à remercier le peuple libanais et toutes les personnes qui nous offrent leur support moral ou matériel. C’est grâce à eux que nous avons le courage d’accomplir notre mission ! »



Depuis le mois de janvier, le nombre de personnes infectées par le coronavirus au Liban n’a cessé de croître. Une situation qui impacte la vie des jeunes secouristes, surtout que le transport des patients est pris en charge par la Croix-Rouge libanaise. Responsable du matériel paramédical d’urgence dans son secteur, Sarah Younes, 24 ans, étudiante en master de psychologie clinique à...

commentaires (1)

Ces jeunes sont extraordinaires, tout simplement... Que Dieu les protège et leur donne la force de continuer leur belle route!

NAUFAL SORAYA

06 h 45, le 11 mars 2021

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Commentaires (1)

  • Ces jeunes sont extraordinaires, tout simplement... Que Dieu les protège et leur donne la force de continuer leur belle route!

    NAUFAL SORAYA

    06 h 45, le 11 mars 2021

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