L’élection présidentielle iranienne approche à grande vitesse, mais on ne sait pas encore qui seront les concurrents habilités à se présenter. Et pour cause, tandis que l’échéance est fixée au 18 juin 2021, l’« enregistrement formel des candidats prend place entre le 11 et le 15 mai », précise Ali Alfoneh, spécialiste de l’Iran et chercheur auprès de l’Arab Gulf States Institute basé à Washington. « Les candidats sérieux, quelles que soient leurs orientations politique et affiliation partisane, ne s’enregistrent pas formellement avant la date butoir, car ils consacrent du temps et des efforts considérables en amont pour obtenir l’approbation des élites dirigeantes du régime, tout en essayant de mobiliser le soutien du public en répandant des rumeurs sur leur éventuelle candidature. »
Une fois officiellement inscrits, les candidats sont ensuite sévèrement filtrés par le Conseil des gardiens, chien de garde constitutionnel qui disqualifie la plupart des aspirants sur la base de motifs procéduraux, juridiques ou encore politiques. Lors de l’élection législative de février 2020, l’organe ultraconservateur avait ainsi invalidé près de la moitié des 16 000 candidatures – la majorité des personnes écartées étant affiliées aux « modérés » ou aux « réformistes » – en raison notamment des tensions irano-américaines dans le sillage du retrait de Washington de l’accord sur le nucléaire sous le mandat de Donald Trump.
Dans le camp de ceux qu’il est coutume d’appeler les « modérés », l’heure n’est donc pas aux illusions. Car, aux difficultés auxquelles font face les hauts responsables pour obtenir l’approbation du Conseil des gardiens, s’ajoute leur impopularité auprès d’une grande partie de leur base sociale du fait de l’échec des négociations avec les États-Unis et de la crise économique à laquelle cela a activement contribué. Ce désaveu cinglant s’est notamment illustré par un tsunami conservateur au cours du scrutin législatif de février 2020, dans un contexte général d’abstention massive. Le taux de participation a été le plus bas depuis la révolution de 1979, s’élevant à 42,57 % seulement. La rancœur découle en partie aussi de la répression brutale subie par les contestataires au cours du soulèvement de fin 2019 dont on a encore du mal à saisir l’ampleur. Le régime cultive l’omerta à ce sujet, galvanisé par la mise en place progressive, après l’élection présidentielle de 2009, d’un système très strict de contrôle du net pour empêcher la divulgation d’images, de vidéos et de témoignages. À l’époque, le résultat de l’élection avait été remis en cause par les manifestants du mouvement vert, descendus par centaines de milliers dans les rues du pays pour accuser le pouvoir de fraude électorale en faveur du président sortant, le très conservateur Mahmoud Ahmadinejad. Le nom de l’actuel ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif a cependant régulièrement été mentionné comme compétiteur. Mais le chef de la diplomatie iranienne a réitéré à maintes reprises ne pas s’imaginer à ce poste.
Militarisation du régime
Côté conservateurs, en revanche, plusieurs figures semblent se profiler à l’horizon. Mais plus que les noms, c’est le contexte qui compte, et notamment ce que plusieurs analyses décrivent comme étant la militarisation de la présidence iranienne. Car, parmi les personnalités évoquées, l’on compte plusieurs membres du corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI). « Pendant des décennies, l’armée idéologique du régime iranien, le CGRI, a fait partie de l’“État profond” de l’Iran. Aujourd’hui, il est sur le point de prendre le contrôle de l’État dans son intégralité et ce faisant, jette les yeux sur la présidence iranienne », écrit dans un commentaire publié en octobre 2020 sur le site du think tank RUSI Kasra Aarabi, spécialiste de l’Iran. Dans un article du magazine Foreign Affairs datant d’août 2020, Ali Reza Eshraghi et Amir Hossein Mahdavi mentionnent une nouvelle expression se propageant dans le pays selon laquelle le pouvoir serait totalement aspiré, glissant « des hommes en turban aux hommes en bottes ».
L’un des exemples les plus illustratifs est incarné par le président du Parlement récemment élu et ancien maire de Téhéran, Mohammad Baqer Qalibaf, dont les liens avec les pasdaran sont étroits, puisqu’il a longtemps été brigadier général au sein du CGRI. Souvent évoqué comme éventuel candidat, il s’était déjà présenté trois fois en 2005, 2013 et 2017, et bien qu’il se range dans le camp des « durs », il a pu par moments appeler au dialogue avec Washington. En 2017, il s’était retiré de la course pour laisser la place à Ebrahim Raisi, religieux et chef du système judiciaire qui n’a jamais fait partie du CGRI, mais qui pourrait apparaître comme une figure de compromis pour les partisans de la ligne dure, à plus forte raison parce qu’il s’est distingué par sa volonté de lutter contre la corruption. Certains considèrent cependant que l’intéressé aurait d’autres ambitions, à savoir la succession au poste de guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei étant âgé de presque 82 ans.
« Il est trop tôt pour dire qui sont les candidats conservateurs sérieux, mais deux officiers du CGRI (Corps des gardiens de la révolution islamique) comptent parmi les plus importants. Hossein Dehqan, ancien ministre de la Défense et ancien commandant du CGRI au Liban dans les années 1980, représente la génération des pères fondateurs du CGRI », commente Ali Alfoneh. « Saeed Mohammad, qui était jusqu’à récemment à la tête du quartier général de la construction de Khatam el-Anbia du CGRI – le plus grand entrepreneur en Iran –, appartient à la jeune génération technocratique du CGRI », ajoute-t-il. Nommé en 1982 chef des gardiens pour les opérations extérieures au Liban et en Syrie, Hossein Dehqan avait alors à sa charge la supervision de la création du Hezbollah comme réponse à l’occupation israélienne. Il semble aujourd’hui être le candidat idéal pour le guide suprême. Non partisan, sa loyauté va d’abord et uniquement à Ali Khamenei. Depuis 2017, il est conseiller spécial de l’industrie de la défense et de la logistique des forces armées auprès du guide et s’occupe en conséquence du programme de missiles balistiques, un enjeu-clé pour Téhéran. Ce programme est en effet devenu au cours de ces dernières années l’une des pierres angulaires de la politique régionale iranienne, au point que Téhéran l’a même transmis en partie aux milices qui lui sont affiliées au Liban, en Syrie, au Yémen ou encore en Irak. Alors que l’administration Biden souhaite reprendre les négociations sur le nucléaire avec la République islamique en les élargissant aux missiles de précision, l’Iran, lui, a pour l’heure opposé une fin de non-recevoir, érigeant sa défense en ligne rouge infranchissable. Le mandat de l’actuel président, le « modéré » Hassan Rohani, se limite à la reprise des discussions dans le cadre de l’accord de Vienne sur le nucléaire, le guide suprême, lui-même partisan de la ligne dure, souhaitant s’assurer que les conservateurs soient en position de contrôler toute extension de l’accord. « L’élection présidentielle doit être comprise comme une tentative entre factions rivales, en particulier le CGRI d’une part et les technocrates représentés par Rohani et Zarif d’autre part, de préparer l’ère post-Khamenei », avance Ali Alfoneh.
Nous avons une équipe toute prête pour le remplacer, encore faut il que les responsables politiques iraniens acceptent de les nommer vu leur lâcheté et la trahison de leur pays, sans parler de leur compétence pour réduire un pays florissant en un grand gouffre financier où plus rien n’est viable mais au bord duquel ils se tiennent en observateurs des travaux finis et continuent pour se congratuler et se lancer des fleurs louant leur intelligence et leur patriotisme.
17 h 10, le 18 mars 2021