Le Parlement libanais qui s'est réuni vendredi après-midi au palais de l’Unesco à Beyrouth a approuvé trois textes de loi, notamment celui portant sur le prêt de 246 millions de dollars de la Banque mondiale devant permettre de financer un projet de filet de sécurité sociale, rendu nécessaire après la gigantesque explosion au port de la capitale et la pandémie de coronavirus, alors que plus de la moitié de la population libanaise vit sous le seuil de pauvreté.
Ce prêt avait été approuvé il y a dix jours par les commissions parlementaires mixtes, malgré plusieurs questions soulevées concernant la distribution présumée en livres libanaises au taux de 6.240 LL pour un dollar - un taux inférieur à celui du marché parallèle, autour de 10.800 LL pour un billet vert vendredi - alors que le financement doit être versé en "dollars frais" à l'État.
"Renforcer le contrôle du Parlement"
Lors des débats autour de ce texte, le président du Parlement, Nabih Berry, a expliqué avoir réclamé "toutes les clarifications" relatives à ce projet de loi et qu'il soit signé "en respect de la Constitution, c'est à dire par le chef du gouvernement et les ministres concernés". "C'est après avoir obtenu ces clarifications que le texte a été mis à l'ordre du jour de la séance", s'est justifié M. Berry. Pour sa part, le président de la commission parlementaire des Finances et du budget, le député Ibrahim Kanaan (Courant patriotique libre), a insisté pour que le verbatim de la séance inclut une mention portant sur "la nécessité de renforcer le contrôle par le Parlement de l'application du prêt de la BM". M. Kanaan a rappelé à cet effet que "le problème se situe toujours au niveau de l'application des lois et non de leur approbation".
Deux autres textes de loi ont également été approuvés au cours de cette séance qui a duré un peu plus d'une heure. Il s'agit du décret 6492 qui porte sur le projet de loi visant à modifier la loi numéro 6 du 3 novembre 2014 concernant un accord avec la Banque internationale pour la reconstruction et le développement, soutenant l'innovation au sein des petites et moyennes entreprises (PME) au Liban à travers un prêt de 5,5 millions de dollars.
Enfin, les députés ont approuvé une proposition de loi qui prévoit d'autoriser le gouvernement à amender un accord conclu entre le Liban et le Fonds arabe pour le développement économique et social en vertu de la loi 180 du 12 juin 2020.
Minute de silence
Toutefois, la proposition de loi qui prévoit d'accorder à Electricité du Liban (EDL) la contribution financière dont elle a besoin pour continuer à alimenter le pays en courant électrique, alors qu'une pénurie générale est à craindre à la fin du mois, n'a pas été abordée lors de cette séance. Ce texte, proposé par les députés du Courant patriotique libre (CPL, aouniste), sera examiné mardi en commissions parlementaires mixtes. Jeudi, le ministre libanais sortant de l'Energie, Raymond Ghajar, a prévenu que le pays sera plongé dans l'obscurité d'ici la fin du mois si les fonds nécessaires pour l'achat du fuel par EDL ne sont pas assurés de toute urgence. Il a appelé les députés à voter une loi revêtue du caractère de double urgence accordant à EDL une avance du Trésor. Une autre proposition de loi présentée il y a quelques jours par le député Ali Hassan Khalil (Amal), visant à accorder une aide mensuelle d'un million de livres libanaises aux membres des forces armées, n'a pas non plus été abordée durant cette séance. Cette proposition a fait polémique et selon des experts, une telle aide aggraverait l'hyperinflation dans le pays.
Le chef du Parlement, Nabih Berry, a ouvert la séance par une minute de silence en hommage aux députés Michel Murr et Jean Obeid, récemment décédés. La Chambre, composée de 128 élus, en est aujourd'hui à 118, mais les autorités n'ont toujours pas organisé des législatives partielles pour pourvoir aux sièges vacants.
La séance de vendredi a été boycotté par les députés des Forces libanaises de Samir Geagea. A contrario, le bloc parlementaire du Liban fort, affilié au Courant patriotique libre mené par le député Gebran Bassil, a laissé à ses députés la liberté de prendre part à la séance ou de s'abstenir.
Grèves et manifestations
Cette réunion des députés intervient dans un contexte de regain de la contestation populaire déclenchée le 17 octobre 2019. Un groupe de protestataires s'est ainsi rassemblé près du Palais de l'Unesco, au même moment où les députés arrivaient pour assister à la réunion, au milieu d'un important dispositif de sécurité. Parmi ces manifestants, se trouvaient des parents des étudiants à l’étranger qui réclament l’application de la loi sur le "dollar étudiant", ainsi que des enseignants contractuels du primaire. Des parents de détenus qui réclament l'amnistie pour leurs proches se sont également rassemblés sur place, alors qu'un autre groupe a tenu un sit-in à Saïda.
En outre, des fonctionnaires observaient une grève plus ou moins respectée. Dans le sud du pays, cette grève a été respectée, conformément à l'appel lancé par l'Association des fonctionnaires de l'administration publique, rapporte notre correspondant au Liban-sud, Mountasser Abdallah. Toutefois, à Zahlé, les administrations ont ouvert leurs portes, selon notre correspondante dans la Békaa, Sarah Abdallah. Une manifestation est en outre prévue à 16 heures à Beyrouth à l’appel de plusieurs groupes de la contestation, et doit se diriger du ministère de l’Intérieur à Sanayeh vers le Parlement.
Pourquoi distribuer ces aides à travers l’état libanais (oui, sans majuscules)? Les ONG sont beaucoup plus fiables.
21 h 51, le 12 mars 2021