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Économie - Rapport

Les dépenses des réfugiés syriens dopées par l’inflation en 2020

Le ministre libanais sortant des Affaires sociales et du Tourisme, Ramzi Moucharrafiyé, s’est rendu à Damas durant le week-end pour discuter de la question des déplacés et de leur retour au pays.

Les dépenses des réfugiés syriens dopées par l’inflation en 2020

Des réfugiés syriens quittant le Liban pour rentrer au pays. Photo AFP

L’inflation spectaculaire que le Liban a connue en 2020, sur fond de crise marquée par la dégringolade de la livre, a logiquement impacté le niveau des dépenses des réfugiés syriens établis sur le territoire, selon les conclusions d’une étude réalisée par le Haut-Commissariat de l’Organisation des Nations unies pour les réfugiés (HCR), le Programme alimentaire mondial (PAM) et le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef). Publiée en décembre dernier, cette « Évaluation de la vulnérabilité des réfugiés syriens au Liban » se base sur des données collectées entre août et septembre 2020 sur un échantillon de 4 563 ménages répartis sur les 26 gouvernorats du pays.

Indiquant que 89 % des réfugiés syriens (soit 9 sur 10) vivent désormais sous le seuil de l’extrême pauvreté, contre 55 % l’année d’avant, ce rapport calcule que leurs dépenses mensuelles totalisent en moyenne la somme de 198 981 livres libanaises en 2020, constituant une hausse de 26,7 % par rapport à 2019 (156 943 livres). Une augmentation qui intervient alors que l’indice des prix à la consommation pour l’année 2020 au Liban, calculé par l’Administration centrale de la statistique, a explosé les compteurs des sept dernières années, au moins, en atteignant un taux de 84,9 %, alors qu’il était évalué à 2,9 % en 2019 et n’avait jamais été au-delà des 6 % depuis 2013.

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Contrairement à la même évaluation menée en 2019, qui établissait ses statistiques en dollars américains sur base d’une parité officielle avec la livre libanaise ancrée à 1 507,5 livres le dollar, les trois agences de l’ONU ont affiché leurs résultats pour l’année 2020 en livres, cette parité n’existant plus qu’en théorie. En effet, la monnaie nationale a perdu plus de 80 % de sa valeur et son taux de change avec le billet vert a passé le cap des 10 000 livres sur le marché parallèle au cours des derniers jours. Mi-août et septembre derniers, lors de l’étude de terrain, ce taux oscillait autour de 7 500 livres pour un dollar. Interrogée par L’Orient-Le Jour en décembre dernier, Mireille Girard, représentante du HCR au Liban, avait qualifié « d’indicateur dramatique » ces données, soulignant la difficulté pour les réfugiés syriens « de survivre jusqu’au lendemain ».

Des dépenses et des dettes

Relayés par le Lebanon This Week de Byblos Bank, les chiffres de ce rapport illustrent clairement la lutte de cette population pour sa survie. Ainsi, en 2020, 89 % des réfugiés syriens ont dépensé moins de 1 543 613 livres par mois par ménage, une somme se situant sous le panier des dépenses minimales de survie, tandis que 91 % des ménages ont déboursé moins que le panier des dépenses minimales, fixé à 1 751 542 livres, contre 73 % l’année précédente. De surcroît, 21 % des réfugiés syriens ont indiqué n’avoir pour seules sources de revenus que les aides octroyées par le PAM ; 17 %, du crédit informel venant de magasins ou de proches ; 15 %, de cartes de crédit allouées par diverses organisations humanitaires ; 10 %, du secteur de la construction ; et 8 %, de celui de l’agriculture. Selon l’étude, ces deux derniers secteurs sont les principaux débouchés pour les réfugiés syriens, avec 24 % d’entre eux travaillant dans la construction en 2020 et 32 % dans l’agriculture, près du double par rapport à 2019 (17 %). Des secteurs toutefois fortement impactés par les mesures de restriction liées à la pandémie de Covid-19 et par le coût de l’importation, conséquence de la crise économique que traverse le pays.

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Divisées entre les besoins alimentaires (48 %), le loyer (10,8 %), les soins de santé (10,3 %) et les autres catégories, tels l’eau, le transport et l’électricité entre autres, qui représentent 31 % du total, les dépenses mensuelles des réfugiés syriens ont soumis à l’endettement 92 % des ménages. Une dette dépassant 300 000 livres par ménage pour 87 % d’entre eux et 900 000 livres pour 63 % des ménages. En moyenne, l’étude calcule une dette accumulée de 1 835 838 livres par ménage en 2020, soit une hausse de 10 % par rapport à 2019 (1 672 602 livres), tandis que la dette moyenne per capita a augmenté de 7 % en 2020, s’établissant à 442 634 livres. Sur les 26 districts étudiés, le Liban-Nord et Beyrouth arrivent en tête des dettes les plus élevées per capita, avec respectivement 552 771 et 527 879 livres. Quant à celles par ménage, c’est le gouvernorat du Nord qui se trouve en première position avec une moyenne de 2 340 550 livres, suivi par la région de la Békaa (1 992 299 livres). Enfin, 93 % de ces ménages ont confié emprunter de l’argent pour acheter de la nourriture, 48 % pour payer le loyer, 34 % pour couvrir des dépenses médicales, 6 % pour subvenir à leurs besoins en eau et 5 % pour acheter du matériel de refuge ou rembourser des dettes.

D’une crise à l’autre

Accueillant plus d’un million de réfugiés syriens sur son sol depuis le début du conflit dans leur pays en 2011, le Liban traverse une crise multidimensionnelle depuis plus d’un an, reléguant plus de la moitié de sa population sous le seuil de pauvreté. L’institut libanais de recherche, Information internationale, avait publié le mois dernier de nombreuses études, basées sur des données essentiellement publiques, indiquant notamment que le salaire minimum, fixé à 675 000 livres, soit 450 dollars au taux officiel, n’équivalait plus que 72 dollars, en prenant en compte un taux de change de 9 375 livres pour un dollar (selon nos calculs). La livre s’échangeant hier autour des 10 500 livres le dollar sur le marché parallèle, ce salaire se réduisait alors à une soixante de dollars.Une chute continue impactant les réfugiés syriens dont les autorités libanaises appellent au retour en Syrie, en opposition aux avis des Nations unies et des ONG qui mettent en garde contre un tel retour qui présenterait, selon ces organisations, de sérieux risques. À la tête d’une délégation, le ministre libanais sortant des Affaires sociales et du Tourisme, Ramzi Moucharrafiyé, s’est d’ailleurs rendu à Damas durant le week-end pour s’entretenir avec les officiels de la question des réfugiés syriens au Liban et du « plan de retour » les concernant, mis en place par le ministère libanais des Affaires sociales et approuvé par le gouvernement de Beyrouth en juillet dernier, selon un communiqué du bureau du ministre, publié samedi. À l’issue de son entretien avec le ministre syrien de l’Intérieur, Ramzi Moucharrafiyé a affirmé que « les visites (des autorités libanaises en Syrie) se poursuivront jusqu’au retour des réfugiés syriens, surtout que le Liban passe par des circonstances économiques difficiles ». Un retour encouragé selon lui par celui de « la sécurité et de la stabilité dans de nombreuses régions en Syrie et des facilités octroyées par les autorités syriennes » à cet effet.

Pour autant, le retour des réfugiés syriens signifierait pour eux le passage d’une crise à l’autre, la livre syrienne ayant récemment plongé sur le marché parallèle, avec un plus bas historique frôlant les 4 000 livres le dollar et perdant ainsi près de 99 % de sa valeur depuis le début du conflit lorsque le dollar valait encore 47 livres syriennes. Résultat d’une décennie guerrière, l’effondrement économique syrien est aussi dû aux sanctions occidentales et aux effets de la crise financière au Liban, dont le système bancaire a longtemps servi de base arrière pour l’approvisionnement en dollars du marché syrien. Cette dégringolade de la livre syrienne a propulsé les prix à des niveaux historiques, notamment ceux des denrées alimentaires qui ont été multipliés par 33 en dix ans, selon le PAM, tandis que 60 % de la population vit dans une situation d’insécurité alimentaire aiguë.



L’inflation spectaculaire que le Liban a connue en 2020, sur fond de crise marquée par la dégringolade de la livre, a logiquement impacté le niveau des dépenses des réfugiés syriens établis sur le territoire, selon les conclusions d’une étude réalisée par le Haut-Commissariat de l’Organisation des Nations unies pour les réfugiés (HCR), le Programme alimentaire mondial (PAM) et...

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