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Moyen-Orient - Éclairage

Les houthis mettent toutes leurs forces dans la bataille de Ma’rib

Des milliers de déplacés internes sont directement menacés par la recrudescence des combats entre les rebelles et les forces loyalistes depuis le début du mois.

Les houthis mettent toutes leurs forces dans la bataille de Ma’rib

Des individus affiliés aux rebelles houthis arrivent pour assister aux funérailles d’un des combattants tués durant les affrontements avec les troupes du gouvernement yéménite, soutenues par la coalition menée par l’Arabie saoudite, hier à Sanaa. Mohammad Huwais/AFP

C’est une province qui a longtemps été considérée comme un lieu sûr pour les Yéménites fuyant les combats alentour et les houthis. Aujourd’hui, l’intensification de l’offensive des rebelles pour s’emparer de Ma’rib menace la vie de milliers de déplacés internes, fuyant dans la précipitation les camps directement visés par les attaques. Ancien bastion d’el-Qaëda dans la péninsule Arabique (AQPA), Ma’rib est sous le contrôle des troupes du président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi depuis 2015, appuyées par une coalition menée par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, après avoir été reprise des mains des rebelles, soutenus par l’Iran.

Les affrontements, qui ont débuté au début du mois, ont déjà fait plusieurs centaines de morts parmi les combattants – les heurts les plus meurtriers depuis 2018. « Les houthis attaquent sur tous les fronts à Ma’rib, en ayant recours à des tactiques d’attaques massives », constate Ali al-Sakani, un commentateur et journaliste yéménite, contacté par L’Orient-Le Jour. Selon le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, les forces de la coalition ont quant à elles mené plus de 100 frappes aériennes depuis le 10 février. « Il a été extrêmement difficile d’entrer en contact avec des gens à l’intérieur de Ma’rib, les télécommunications et le réseau internet ont été gravement perturbés », rapporte Afrah Nasser, chercheuse sur le Yémen auprès de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch.Riche en pétrole et en gaz, la province est restée relativement stable et prospère entre 2015 et 2019 avant d’entrer dans la ligne de mire des rebelles l’année dernière. Alors qu’ils ont déjà la mainmise sur le terminal pétrolier de Ras Issa, relié à Ma’rib grâce à un pipeline long de 430 kilomètres, les houthis semblent déterminés à élargir leur contrôle aux raffineries situées dans la province. « Ma’rib est considérée comme la dernière ligne de défense solide contre les houthis », souligne Ali al-Sakani. « Une prise de la province par les houthis entraînerait davantage de chaos et d’instabilité s’ils pénètrent dans les régions sunnites de rites chaféite, qui leur sont hostiles (les rebelles se réclament du zaydisme, qui émane d’une branche du chiisme, NDLR) », indique-t-il.

« Bataille de libération nationale »

Alors que les rebelles ont pris la capitale Sanaa en 2014 et contrôlent de larges pans du nord du pays, la prise du gouvernorat infligerait également un violent revers aux troupes loyalistes et à la coalition sur le plan militaire, ouvrant la voie aux rebelles pour s’engouffrer dans les provinces de Shabwa (Sud) et de Hadramout (Sud-Est), en direction de la frontière avec l’Arabie saoudite. « Sur le plan politique, le processus de paix n’aurait alors plus de valeur : les houthis n’accepteront pas de céder leurs acquis de guerre et aucun acteur n’a la capacité de les pousser à le faire », observe Ahmad Nagi, chercheur non résident au Centre Carnegie du Moyen-Orient, basé à Beyrouth. « Cela ne signifie pas que la guerre prendra fin, étant donné que la plupart des Yéménites n’acceptent pas la gouvernance théocratique des houthis : leur prise de contrôle serait le prélude à un autre chapitre du conflit », souligne-t-il.

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Selon des sources militaires citées par Reuters lundi, les défenses pro-gouvernementales à Sarwah, à l’ouest de Ma’rib, se sont effondrées, tandis que la ligne de front se situe désormais à environ 20 km de la capitale éponyme du gouvernorat. S’exprimant dimanche sur Twitter, le porte-parole des houthis, Mohammad Abdel Salam, a estimé que « ce dont Ma’rib est témoin fait partie d’une bataille de libération nationale, face à l’agression et au blocus continus ».

La semaine dernière, le ministre yéménite de l’Information, Mouammar al-Aryani, a accusé les rebelles d’utiliser la population comme boucliers humains, appelant au lancement d’une enquête internationale sur les attaques menées par les houthis contre les camps de déplacés dans la province de Ma’rib. Au total, près de deux millions de Yéménites ont trouvé refuge dans le gouvernorat, qui compte le plus grand nombre de déplacés internes dans le pays. « C’est une tragédie qui s’ajoute à la crise humanitaire au Yémen », déplore Afrah Nasser. « Il est difficile d’imaginer combien de souffrances les déplacés internes peuvent encore supporter alors qu’ils ont déjà fui d’autres zones de conflit dans le Nord », remarque-t-elle. Alors que 80 % de la population dépend de l’aide humanitaire dans un pays plongé dans la guerre depuis six ans, les ONG ne cessent de tirer la sonnette d’alarme sur les conséquences dramatiques que les combats à Ma’rib ont sur l’acheminement de cette aide et appellent les parties à protéger la population civile. « Les déplacés internes manquent de tous les services de base comme l’accès à l’eau, aux médicaments et à des abris. Certains n’ont rien pour vivre et fuient leurs tentes dans des zones désertes », explique Afrah Nasser.

Investissement diplomatique

L’accélération du rythme des attaques des houthis s’inscrit dans le sillage de l’annonce de l’administration de Joe Biden à la fin du mois de janvier du gel temporaire des ventes d’armes en cours à l’Arabie saoudite et aux EAU ainsi que de l’arrêt de l’appui américain à la coalition menée par les deux pays au Yémen. Elle intervient également dans la foulée de la notification du Congrès par le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, de son intention de révoquer la désignation des rebelles comme « groupe terroriste », entrée en vigueur le mois dernier à quelques jours de l’investiture du nouveau locataire de la Maison-Blanche. Si l’administration de Donald Trump avait largement laissé le dossier yéménite de côté et laissé les mains libres à la coalition, Joe Biden et son équipe souhaitent s’investir activement dans le processus de paix.

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« Les houthis estiment que la nouvelle administration américaine ne sera pas aussi dure à leur égard que celle de Donald Trump s’ils intensifient (les opérations) », estime Ali al-Sakani. En plus de mener l’offensive sur Ma’rib, les houthis ont récemment multiplié les attaques de drones et de missiles contre l’Arabie saoudite.

Alors que l’émissaire de l’ONU pour le Yémen, Martin Griffiths, a appelé la semaine dernière les rebelles à cesser leurs attaques et alerté sur leurs conséquences tant sur la population que le processus de paix, l’envoyé spécial des États-Unis pour le Yémen, Tim Lenderking, effectue actuellement une tournée dans le Golfe.

Lundi, à Riyad, il a tenu une réunion avec le ministre saoudien des Finances, Mohammad ben Abdallah al-Jadaan, au cours de laquelle les deux hommes ont discuté des derniers développements au Yémen, ainsi que des efforts conjoints pour soutenir les opérations humanitaires dans le pays, a rapporté hier l’agence saoudienne SPA.

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