Cette facilité avec laquelle ce pays a été démantibulé force l’admiration. À tous les points de vue. Ainsi, par une sorte de malédiction parachutée d’on ne sait où, le Liban tout entier se retrouve contraint d’accompagner la décrépitude avancée des birbes déliquescents qui le dirigent. Un pied dans la tombe, l’autre sur une peau de banane, du moins pour pas mal d’entre eux, ils sont là à se déchiqueter pour des broutilles constitutionnelles dont tout le monde se fout, et qui de toute façon sont sans commune mesure avec les tracas et tourments de la population.
La façon de faire de nos présidents pour exercer leurs talents représente à elle seule la quintessence de ce qui se fait dans le genre, dans le monde arabe en général et au Liban en particulier. Y a qu’à regarder comment ils opèrent pour être fixé sur la qualité de ces roitelets, assis chacun sur son trône et alignant les visiteurs.
On n’évoquera pas ici Tonton Hassane qui, du fond de sa voie de garage, pédale dans la semoule de ses affaires courantes ni Istiz Nabeuh qui attend toujours la direction du vent pour s’aligner sur la girouette. Restent l’Homme des casernes qui habite le Château et le Mollasson du Futur qui collectionne les râteaux.
Parmi la tripotée de convives que parfois nos deux amis nourrissent à leur table, rien que des gens avec qui ils sont d’accord. Le plus souvent des copains communautaires saupoudrés de quelques alibis de la confession d’en face, venus les écouter pérorer, muets comme des vases Ming. On a beau scruter le biotope, pas un ordinateur à la ronde, pas une tablette tactile, encore moins un dossier de travail. En revanche, une belle guirlande de paumés arrivés les bras ballants, le rire épais, la panse triomphante, venus échanger un ou deux neurones pour faire croire qu’ils mitonnent quelque chose d’intelligent. Mais ça fait du bien, paraît-il, et ça ventile le système cérébro-spinal.
Pour le reste, rien que de très ordinaire. Les journalistes sont parqués, chez l’un comme chez l’autre, dans l’office avec les domestiques. Le maître de céans communique avec eux en lâchant des bulles épisodiques que les baveux locaux qualifient de « sources ». Extrait : « La source a dit à la source qu’une autre source a confirmé les allégations de la source précédente, laquelle avait démenti le démenti de la source d’origine. »
C’est ce qui s’appelle de la branlologie médiatique. La méthode marche en deux temps : on occulte l’information principale, pourtant claire comme de l’eau de roche et d’une logique imparable, et on la remplace par un jus de crâne abscons qui va planter toute la nouvelle. Comme ça, on flingue d’un seul coup deux carrières : le journalisme et la politique.
Dans ce clafoutis burlesque, ce n’est ni demain ni dans dix ans la veille qu’on verra éclore un gouvernement.
gabynasr@lorientlejour.com
commentaires (7)
En matière de branlologie, le Liban détient la palme Guinness des branlologues, dans tous les domaines: celui du droit, de l’économie , des finances, et surtout... de la magouille, autre discipline de spécialisation, après l’agrégation en criminologie...
LeRougeEtLeNoir
13 h 15, le 14 février 2021