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Économie - Focus

Facturation en livres : pourquoi les dernières clarifications de Wazni sont importantes

Les fluctuations du taux de change obligent les commerçants à facturer en devises les transactions qu’ils réalisaient entre eux pour plus de simplicité.

Facturation en livres : pourquoi les dernières clarifications de Wazni sont importantes

Une rue commerçante déserte à Achrafieh. Photo M.A.

Le ministre sortant des Finances, Ghazi Wazni, a fourni la semaine dernière certaines clarifications concernant la circulaire n° 114, publiée mi-janvier, qui rappelle aux entreprises que leurs factures doivent être émises en livre libanaise, la monnaie nationale, sous peine d’amendes prévues par la loi.

Le ministère s’était alors appuyé sur l’article 25 de la loi de 2004 sur la protection des consommateurs, et ciblait plus particulièrement les entreprises contribuables qui facturent en devises. La décision survenait en outre deux semaines après un premier texte autorisant toutes les entreprises et tous les autoentrepreneurs qui paient leurs impôts au Liban à tenir compte du taux dollar/livre sur le marché parallèle, largement supérieur à celui du taux officiel. Jusqu’à présent, ces contribuables devaient calculer leurs prix en livres en tenant compte du taux officiel, pour ensuite inscrire la différence de change en perte dans leurs comptes de résultat.

Pour mémoire

Émission des factures en livres : pourquoi la dernière décision du ministère doit être précisée, selon l’Aldic

Face au décrochage de la livre et à la multiplication des taux de change, de nombreuses entreprises avaient pris le parti d’émettre leurs factures en dollars pour plus de visibilité et pour conserver la valeur de leurs créances en devise stable dans un contexte d’hyperinflation. Une habitude qui risquait de mettre des entrepreneurs de bonne foi en porte-à-faux avec l’administration fiscale, entre autres zones d’ombre créées par ces deux décisions et soulevées notamment par l’ordre des experts-comptables (Lacpa) et l’Association libanaise pour les droits et l’information des contribuables (Aldic).

Deux points

Le ministre Wazni a fini par préciser deux points : il a tout d’abord exempté, dans un communiqué publié jeudi dernier, les professions libérales – médecins, avocats, dentistes, etc. – de l’obligation de facturer en livres. Puis, à l’occasion d’une réunion le lendemain avec l’Association des commerçants de Beyrouth (ACB), le ministre a assuré que les commerçants pouvaient continuer de facturer en devises les transactions qu’ils réalisaient entre eux (le Business to Business – B2B), à condition que la facture émise pour le consommateur final soit libellée en livres, en tenant compte du taux parallèle.

Dans Le Commerce du Levant

Vers une unification des taux de change dollar/livre

Si l’intérêt pour l’exemption accordée aux professions libérales est simple à comprendre – ne pas être obligées de réviser un an de factures pour éviter le risque d’un redressement fiscal –, celui de la latitude accordée aux commerçants et autres entrepreneurs échangeant des biens et des services concerne directement le processus de calcul de la TVA.

La TVA est un impôt indirect calculé à partir de la valeur du bien selon un taux fixé par l’État et qui est réglé par le consommateur final. Bien qu’elle ne soit redevable qu’une seule fois, elle peut généralement être facturée et déduite à plusieurs reprises. Par exemple, entre le moment où une marchandise importée entre sur le territoire et celui où elle est écoulée, la TVA va figurer sur toutes les factures émises entre l’importateur, les intermédiaires et le consommateur final. Le processus est identique pour un produit fabriqué localement (la chaîne va alors de l’industriel au consommateur final).

Le problème, c’est qu’avec les fluctuations du taux de change, un bien peut ne pas avoir la même valeur entre le moment où l’importateur le dédouane – en calculant la TVA au taux officiel, vu que l’administration ne peut pas tenir compte d’une autre parité tant que celle-ci est maintenue par la Banque du Liban – et le moment où il est vendu à un consommateur final. C’est notamment pour pallier cette instabilité que les entrepreneurs préféraient facturer en devises, pour ensuite déduire la TVA en livres à partir de la valeur du bien calculé dans cette même monnaie en tenant compte du taux en vigueur sur le marché parallèle.

Ainsi, il n’est pas nécessaire de calculer la TVA sur les factures émises en devises entre commerçants (B2B) au taux parallèle, mais plutôt au taux officiel de 1 507,5 livres comme l’indique l’article 18 du décret 7308 qui reste la référence en la matière (puisqu’une décision de ministre ou une circulaire du ministère des Finances ne peut supplanter un décret ou une loi), comme l’ont indiqué les membres de l’ACB lors de leur réunion avec le ministre des Finances. D’ailleurs, l’État va encaisser la TVA in fine au taux du marché parallèle du consommateur final puisque sa facture sera libellée en livres libanaises, comme l’exige l’article 25 de la loi de 2004 sur la protection des consommateurs.

Exemple vivant

Pour illustrer ce propos, l’expert financier et fiscal Nadim Daher, qui est aussi bien membre du Lacpa que de l’Aldic, propose l’exemple suivant : un importateur réceptionne un téléviseur importé au prix initial de 1 000 dollars. Il s’acquitte alors de droits de douane ainsi que d’une TVA à 11 % calculée sur la base de 1 507,5 livres pour un dollar, pour un montant atteignant donc 165 000 livres de TVA déductible. Il le revend ensuite au détaillant (magasin d’électroménager) en dollars avec une marge à 1 200 dollars. La TVA sur cette facture (en B2B) sera aussi calculée au taux officiel, soit environ 198 000 livres en plus du prix du bien. À partir de ce moment, l’importateur devra donc payer à l’État la différence entre la TVA qu’il a collectée du détaillant et la TVA déductible qu’il a payée aux douanes, soit 198 000 moins 165 000 livres (33 000 livres).

À son tour, le détaillant rajoute sa marge et vend cette télévision au consommateur final dans son magasin au prix de 1 500 dollars, mais cette fois converti en livres libanaises au taux du marché parallèle, qui est actuellement d’environ 9 000 livres pour un dollar. Le prix hors taxe affiché est alors de 13,5 millions de livres, à partir duquel il faudra calculer 11 % de TVA, soit 1,485 million de livres supplémentaires. Comme l’importateur, le détaillant va déduire la TVA qu’il a déjà payée de celle qu’il va collecter du consommateur final qui achètera le téléviseur. Il paiera donc à l’État 1,287 million de livres, soit la différence entre la TVA payée par le consommateur (1,485 million) et celle qu’il a lui-même payée à l’importateur (198 000 livres).

De son côté, l’État aura encaissé 33 000 livres de l’importateur en plus des 165 000 livres qu’il aura payées au niveau du dédouanement de la télévision et 1,287 million de livres du détaillant, soit un total de 1,485 million de livres qui est exactement 11 % du prix de vente en livres de la télévision au consommateur final au taux du marché parallèle.

« Il ressort donc clairement de cet exemple qu’il ne sert à rien de calculer la TVA au taux du marché parallèle pour les factures entre commerçants (B2B) et leur compliquer la vie puisque l’État récupère bien in fine la TVA de 11 % sur le prix calculé au taux du marché parallèle du consommateur final », conclut Nadim Daher, saluant la décision du ministre des Finances d’avoir finalement tenu compte de ces difficultés.

Les commerçants veulent calculer la TVA au taux officiel

Lors de son passage vendredi dernier chez le ministre sortant des Finances, Ghazi Wazni, pour demander certains aménagements fiscaux pour faire face à la crise et au confinement, la délégation de l’Association des commerçants de Beyrouth (ACB) a notamment demandé à pouvoir continuer à calculer la TVA sur une base de 1 507,5 livres, selon une source proche du dossier. Une demande à contre-courant de deux décisions récentes du ministère qui a autorisé les entreprises à tenir compte du taux du marché parallèle dans leur processus de facturation – ce qui revient à calculer la TVA à partir du prix réel du produit en livres et non à son prix calculé sur la base du taux officiel – et leur a en plus demandé de rédiger les factures aux clients finaux en livres. Or selon les commerçants, la prise en compte de la TVA au taux réel gonfle considérablement les prix TTC des produits, ce qui peut renforcer la probabilité que des clients se tournent vers des commerçants qui fraudent le fisc dans le marché noir pour chercher de bonnes affaires. « Plusieurs commerçants, en particulier ceux spécialisés dans l’électroménager, en ont fait état à l’Association de clients qui demandent à obtenir une facture en devises et la TVA en livres. Dans le cas contraire, ils ne souhaitent pas obtenir de facture », a de plus indiqué la source précitée.

Une interprétation appuyée par Adnan Rammal, membre de l’ACB et qui faisait partie de la délégation, qui rappelle que l’Administration centrale de la statistique (ACS) estimait dans ses derniers rapports sur l’économie libanaise la taille de l’économie informelle à environ 30 % du PIB. Il anticipe ainsi une augmentation de cette activité non comptabilisée, en raison de la baisse du pouvoir d’achat des Libanais. Il prévoit également que, d’ici à la fin de cette année, « au moins 50 % » des commerces enregistrés auprès du ministère des Finances risquent de fermer leurs portes et qu’une partie d’entre eux basculent dans le marché noir. Par ailleurs, le fait que la décision ministérielle de leur demander de facturer leurs clients en livres ne soit pas rétroactive, s’appliquant donc à partir de 2021, a rassuré les commerçants. Le ministère a en effet considéré que les factures émises en 2020 étaient rédigées par des commerçants « de bonne foi ».

Le ministre sortant des Finances, Ghazi Wazni, a fourni la semaine dernière certaines clarifications concernant la circulaire n° 114, publiée mi-janvier, qui rappelle aux entreprises que leurs factures doivent être émises en livre libanaise, la monnaie nationale, sous peine d’amendes prévues par la loi.Le ministère s’était alors appuyé sur l’article 25 de la loi de 2004 sur la...

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Question: Une petit magasin vend un article électroménager à $1000 + TVA et n'encaisse que du cash. Le client débarque avec de vrais dollars pour faire son achat. A quel taux LL/$ la TVA sera calculée? Après tout, le reçu du client peut être de $1.110 (TVA de $110) avec une cv 1.500.000 LL + TVA de 165.000 LL. Qui dit c'est quoi le taux du marché noir et qui n'est pas reconnu par l'état?

Salim Naufal / SOFTNET ENGINEERING

09 h 02, le 09 février 2021

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Commentaires (1)

  • Question: Une petit magasin vend un article électroménager à $1000 + TVA et n'encaisse que du cash. Le client débarque avec de vrais dollars pour faire son achat. A quel taux LL/$ la TVA sera calculée? Après tout, le reçu du client peut être de $1.110 (TVA de $110) avec une cv 1.500.000 LL + TVA de 165.000 LL. Qui dit c'est quoi le taux du marché noir et qui n'est pas reconnu par l'état?

    Salim Naufal / SOFTNET ENGINEERING

    09 h 02, le 09 février 2021

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