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Économie - Fiscalité

Émission des factures en livres : pourquoi la dernière décision du ministère doit être précisée, selon l’Aldic

Émission des factures en livres : pourquoi la dernière décision du ministère doit être précisée, selon l’Aldic

Plusieurs taux de change sont utlisés depuis plus d’un an au Liban, compliquant ainsi la facturation des biens et des services. Joseph Eid/AFP

Dans une décision publiée en fin de semaine dernière, le ministère des Finances a rappelé aux entreprises (commerces, industries et professions libérales) que les factures devaient être émises en livres libanaises, qui est la monnaie nationale, sous peine d’amendes prévues par la loi et même de poursuites pénales le cas échéant. Le ministère s’appuie sur l’article 25 de la loi n° 13068 du 5 août 2004 sur la protection des consommateurs.

Pour justifier ce rappel, le ministère des Finances affirme avoir remarqué que plusieurs entreprises émettaient des factures dans une autre monnaie que la livre (généralement en dollars), en incluant notamment la TVA, ce qui est contraire à la loi, les impôts et taxes devant être payés en livres. Une situation encouragée par le flou qui règne depuis un an et demi de crise aussi bien sur la valeur de la livre, en chute libre, que sur l’accès des déposants à leurs comptes en devises, illégalement restreint par les banques. La décision a été publiée quelques jours après une autre à travers laquelle le ministère a autorisé les entreprises à prendre en compte le taux du marché parallèle dans leur comptabilité.

Rétroactive ?

Or pour l’Association libanaise pour les droits et l’information des contribuables (Aldic) contactée par L’Orient-Le Jour, cette nouvelle décision du ministère peut se révéler dangereuse pour les contribuables si certaines précisions ne sont pas apportées.

Tout d’abord, la notification – il ne s’agit ni d’une circulaire ni d’une décision ministérielle, même si elle produit bien des effets en droit – ne précise pas si le rappel du ministère doit rétroactivement s’appliquer avant 2021. Or depuis le 17 octobre 2019, date à laquelle le mouvement de contestation populaire dirigé contre la classe politique a commencé, de nombreux agents ont commencé à facturer en dollars, suite à l’incertitude liée à la situation monétaire du pays, tout en calculant et réglant la TVA en livres au taux officiel, comme l’exigent les réglementations en vigueur.

Dans Le Commerce du Levant

Vers une unification des taux de change dollar/livre

Or en l’absence de précisions sur ce point, le ministère peut se retrouver en position de réclamer aux contribuables concernés le produit de la différence de change – entre parité officielle et taux « réel » – sur le calcul de la TVA, cet argent conservé pouvant alors être considéré comme dû à l’administration fiscale, qui pourrait alors engager des poursuites pénales sur la base d’une évasion fiscale ou encore d’un enrichissement illicite. « Il y a un risque que l’administration, qui est en difficulté financière comme le reste du pays, joue sur cette zone d’ombre pour tenter de doper ses recettes fiscales sur le dos des contribuables, alors même qu’ils ne sont pas responsables de la conjoncture qui les a amenés à faire ces choix en termes de facturation et de déclaration, choix que le ministère a longtemps accepté et même exigé par le biais des règlements d’application de la loi sur la TVA », explique le président de l’Aldic, l’avocat fiscaliste Karim Daher.

Il y a en gros deux cas de figure dans lesquels le contribuable pourrait se retrouver en tort par défaut vis-à-vis de l’administration fiscale : soit parce que cette dernière considère qu’il ne le lui a pas réglé toute la TVA due, soit parce qu’elle juge qu’il aurait dû déclarer le surplus encaissé dans ses revenus imposables. À ces deux scénarios s’ajoute celui d’un contribuable en position d’agent intermédiaire qui ne peut déduire ou récupérer que la TVA facturée au taux officiel, quand bien même il l’aurait réglée au taux réel, et qui pourrait alors se pourvoir en justice contre ses éventuels partenaires qui auront calculé la TVA au taux officiel. « C’est pour toutes ces raisons que le ministère doit revoir sa copie et publier une décision ministérielle ou une circulaire en bonne et due forme qui précise davantage ces modalités et surtout annule tout effet rétroactif desdites mesures, étant donné que l’administration est liée par les textes qu’elle a elle-même édictés. Une loi serait aussi sans doute nécessaire », a conclu Karim Daher.

Il rappelle que si l’article 25 de la loi de 2004 sur la protection des consommateurs permet d’inscrire séparément sur une facture un montant donné en livres et un autre en devises, sans toutefois être contraint de préciser le taux de change en vigueur pour ce dernier, la fiscalité libanaise ne l’autorise pas en revanche. L’article 38 de la loi 379 du 14 décembre 2001 sur la TVA ainsi que l’article 18 du décret d’application de cette loi (n° 7308 du 28 janvier 2002) disposent qu’en vue de calculer l’assiette d’imposition, le contribuable doit convertir le prix facturé au taux officiel au jour de la réalisation de l’opération. Une reconnaissance implicite au demeurant que la facturation des prix et leur encaissement peut se faire en devise étrangère. En 2012, une circulaire (167/S1 du 21 janvier 2012) a ensuite précisé que le taux de change pris en compte devait être celui de la Banque du Liban à la veille de l’émission.

Pour rappel, trois taux principaux coexistent actuellement dans l’économie (sans compter ceux utilisés pour les chèques) : le taux de change officiel (1 507,5 livres pour un dollar depuis 1997), celui utilisé pour le retrait des « dollars libanais », expression utilisée pour faire référence aux comptes en devises qui subissent des restrictions bancaires depuis l’automne 2019 (actuellement de 3 900 livres pour un dollar), et le taux du marché noir (près de 9 000 livres).

Dans une décision publiée en fin de semaine dernière, le ministère des Finances a rappelé aux entreprises (commerces, industries et professions libérales) que les factures devaient être émises en livres libanaises, qui est la monnaie nationale, sous peine d’amendes prévues par la loi et même de poursuites pénales le cas échéant. Le ministère s’appuie sur l’article 25 de la loi...

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