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Nos Lecteurs ont la Parole

La pandémie, une aubaine pour les locavores, mais bien plus encore

La pandémie du Covid-19 a eu un tel impact sur l’économie mondiale que nous nous devons de prendre du recul pour y réfléchir un instant et explorer les moyens de s’adapter à cette nouvelle donne qui façonnera dorénavant nos vies.

Les économies des pays se sont fortement intégrées depuis les années 1980 qui ont vu la mise en œuvre des idées libérales par R. Reagan aux États-Unis, M. Thatcher en Grande-Bretagne et F. Mitterrand en France. Tout au long des Trente Glorieuses (1945 et 1973), la théorie keynésienne recevait un large plébiscite grâce au succès des politiques économiques de l’après-guerre. Cependant, après le premier choc pétrolier, les libéraux prennent leur revanche sur Keynes. Ces économistes considèrent qu’il faut laisser le marché s’autoréguler et préconisent donc un désengagement de l’État.

L’intensification des échanges commerciaux mondiaux avait connu une accélération au cours des décennies 1990 et 2000 avec la chute du mur de Berlin et l’ouverture au marché commun des anciens pays du bloc de l’Est et l’accession de la Chine au statut de membre de l’OMC en 2001. Cependant, suite aux crises économiques des sub-primes en 2006 et le krach de 2008, la plupart des pays industrialisés du monde, mis à part le Brésil, la Chine et l’Inde, sont entrés en récession. Le commerce international a connu un net ralentissement. Brexit, élection de Donald Trump, protestations contre le CETA... et aujourd’hui la pandémie du Covid-19 : l’opinion publique semble de plus en plus décidée à freiner la globalisation des échanges commerciaux. Est-ce à dire que nous arrivons à la fin de la mondialisation? Peut-on concevoir le commerce international sans trafic aérien ou maritime ? Le transport maritime est le moyen de transport le plus important dans le commerce mondial qui, en 2015, représentait 80 % en volume, d’après un rapport de l’OCDE (tinyurl.com/yc3dde8p). Or la pandémie a freiné net la libre circulation des personnes et des marchandises, ce qui est pourtant un droit fondamental de l’Union européenne. Les mesures de couvre-feu et de confinement ont freiné la libre circulation des personnes et l’impact économique a ébranlé le transport maritime mondial et les chaînes d’approvisionnement, selon cet article de l’Unctad (tinyurl.com/y9a6cspu) freinant la libre circulation des marchandises. Des mesures de vigilance sont prises par les capitaineries des ports avant d’autoriser l’accostage des porte-conteneurs (tinyurl.com/y8uozvqf).

Bien que le dollar ne soit plus la devise étalon depuis 1973 et l’abandon des accords de Bretton Woods, il reste la devise phare des échanges internationaux avec une implication dans plus de 87 % des échanges (tiny.cc/8m0ejz). Parmi ces échanges, les matières premières, principalement le pétrole, constituent la base de l’économie mondiale et la plupart des transactions s’effectuent en liquide. Par ailleurs, le cash est encore roi dans beaucoup de pays à travers le monde comme l’Espagne, l’Italie et le Japon (tinyurl.com/y9u626w3). Il est important aussi pour toutes les personnes vulnérables qui n’ont pas accès au système bancaire (tinyurl.com/ya8rktfb). Or cet argent en liquide n’est autre qu’une marchandise qui s’achète et qui se vend, et quand un pays dollarisé, dépendant du cash, vient à manquer de ce produit, il fait appel à des sociétés spécialisées qui importent cet argent grâce au transport maritime. Mais si la pandémie vient bloquer cette chaîne d’approvisionnement, nous aurons non seulement un ralentissement du commerce international, mais aussi une crise financière.

Cette dépendance n’est pas choisie par les politiques des gouvernements de ces pays, elle est le fruit de la mondialisation et de l’interdépendance des économies. Mais dans le cas d’un pays qui dépend principalement du tourisme, au détriment du secteur industriel comme le Liban, il se retrouve avec une balance commerciale déficitaire et une intégration inégale dans la mondialisation. Devons-nous aussi parler de l’impact de la mondialisation sur l’environnement ? Cette frénésie de croissance économique de toujours produire plus pour vendre plus n’a-t-elle pas mené à la logique du tout jetable qui a eu pour conséquence une pollution sans précédent ? Elle a aussi mené à la surexploitation des ressources naturelles et des décharges sauvages, mais aussi à la pollution de l’air et au réchauffement climatique. Alors les dirigeants du monde entier se sont réunis à Paris pour la COP21 et ont trouvé la solution pour diminuer l’impact de la mondialisation sur l’environnement, qui consiste à créer un nouveau marché, le marché du carbone, où les pays peuvent acheter et vendre leurs quotas d’émission, pour continuer dans leur course à la surproduction. On est donc toujours dans la même logique et rien n’a vraiment changé. Les émissions de carbone ne sont devenues qu’une externalité négative que les entreprises n’auront qu’à prendre en compte dans leurs bilans et intégrer ce coût dans le prix final des produits, ce qui va nuire au pouvoir d’achat des consommateurs.

On a vu ainsi les différents facteurs qui montrent les limites de la mondialisation et la nécessité de trouver un nouveau modèle économique. Il ne suffit plus de combler des brèches par des petites mesures où l’État intervient, par-ci par-là, pour tenter de réguler le marché tant bien que mal sans vraiment être sûr de l’impact sur l’économique et l’environnement. Ce n’est pas pour autant la fin de la mondialisation avec le retour à l’autarcie économique de Nehru, en Inde, ou au modèle socialiste des Bolchéviques avec un dirigisme d’État. Il s’agit au contraire de raccourcir les circuits des chaînes d’approvisionnement à l’échelle régionale ou locale. La personne ne sera plus considérée que pour son pouvoir d’achat, mais sera à la fois productrice et consommatrice, s’intégrant ainsi à la chaîne d’approvisionnement.

Cette démocratisation de la mondialisation est possible grâce au principe du troc. Nos parents se souviennent encore de cette pratique qu’ils ont connue dans leurs villages d’enfance. Un bidon d’huile d’olive valait un sac de lupins. On consommait des produits locaux et rarement des biens provenant de contrées lointaines. Des initiatives pour organiser des souks du troc ont eu lieu récemment au Liban (tinyurl.com/yckxzp2b). Il n’y a pas de monnaie papier mais une sorte de journal comptable avec deux colonnes, crédit pour les ventes et débit pour les achats. L’estimation de la valeur des biens est faite par une « monnaie locale », qui a pour référence un sac de pain libanais (soit 2 000 livres libanaises). Donc un jouet qui vaut 10 000 livres sera vendu sur ce marché à 5 unités. En fin de marché, le compte doit être nul car si votre journal est créditeur, il vous reste une capacité d’achat qui sera perdue. Cela signifie qu’on ne peut pas vendre plus que ce qu’on achète et vice-versa. Autrement dit, la « balance commerciale » d’un individu doit être à l’équilibre. Qui ne produit rien ne peut rien échanger. Aussi, la diversité des produits est nécessaire afin de trouver preneurs car si tout le monde vend la même chose, il n’y aura pas d’échanges possibles.

Les avantages de ce modèle économique sont nombreux : favoriser la production et la consommation locales, lutte contre le chômage et l’exode, autonomie des communautés, réduction des circuits d’approvisionnement, ce qui réduit les émissions de gaz à effet de serre. C’est une nouvelle philosophie de vie où les gens consomment ce qui est produit localement. On les appellera les néo-locavores. Ceux qui étaient déjà locavores auront la chance de trouver une diversité plus riche de produits locaux et cette pratique trouvera de nombreux nouveaux adeptes. Il suffit de chercher un peu, mais vous serez étonnés de voir le nombre de producteurs locaux autour de vous. Ce sera un petit changement dans votre mode de vie mais qui aura un grand impact positif sur notre économie nationale et l’environnement.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

La pandémie du Covid-19 a eu un tel impact sur l’économie mondiale que nous nous devons de prendre du recul pour y réfléchir un instant et explorer les moyens de s’adapter à cette nouvelle donne qui façonnera dorénavant nos vies. Les économies des pays se sont fortement intégrées depuis les années 1980 qui ont vu la mise en œuvre des idées libérales par R. Reagan aux États-Unis, M. Thatcher en Grande-Bretagne et F. Mitterrand en France. Tout au long des Trente Glorieuses (1945 et 1973), la théorie keynésienne recevait un large plébiscite grâce au succès des politiques économiques de l’après-guerre. Cependant, après le premier choc pétrolier, les libéraux prennent leur revanche sur Keynes. Ces économistes considèrent qu’il faut laisser le marché s’autoréguler et préconisent donc un désengagement de...
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