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Société - Crime

Zeina Kanjo, nouvelle victime de la violence conjugale

« Tant que la législation communautaire et la société consacrent un pouvoir patriarcal absolu au sein de la famille, on ne verra pas les crimes conjugaux se réduire », estime Leila Awada, cofondatrice de l’ONG Kafa.

Zeina Kanjo, nouvelle victime de la violence conjugale

Zeina Kanjo, nouvelle victime de la violence conjugale. Photo tirée de sa page sur Facebook

Sept ans après l’adoption de la loi 293 sur la violence domestique (votée en 2014 et amendée en décembre 2020), nombre de femmes continuent de subir les mauvais traitements de maris qui, empreints d’une mentalité patriarcale, vont jusqu’à s’arroger le droit de vie ou de mort sur leurs épouses. C’est le cas de Zeina Kanjo, qui a été retrouvée morte samedi matin, étouffée à son domicile conjugal situé à Ain el-Mreissé (Beyrouth). Son mari, Ibrahim Ghazal, avait déjà pris la fuite à l’arrivée des autorités.

Achraf Moussaoui, avocat chargé par la famille de la jeune femme de poursuivre l’affaire, affirme que l’homme a fui en Turquie. « Ibrahim Ghazal a pris l’avion pour Istanbul samedi matin », indique-t-il à L’Orient-le Jour, se basant sur « des informations sécuritaires sûres ». « Un rapport du médecin légiste a établi que le crime avait eu lieu le jour même (samedi) vers 6h, ajoute-t-il. Une fois hors de portée, l’homme en fuite a appelé l’une de ses connaissances pour lui demander d’informer la police qu’un crime a eu lieu à Ain el-Mreissé. ». Me Moussaoui affirme que la victime avait abandonné il y a quelque temps le domicile conjugal à cause de la détérioration de ses relations avec son mari, lequel en était à ses secondes noces. Tout récemment, Zeina Kanjo avait chargé l’avocat d’intenter une action en divorce contre lui. « Nous devions porter plainte aujourd’hui (hier) contre lui », se désole-t-il, soulignant que la victime avait eu toutefois le temps de poursuivre en justice Ibrahim Ghazal pour le vol de sa voiture. Ce dernier avait vendu le véhicule (de marque Camaro) de sa femme pour la modique somme de 19 millions de livres, dont il a utilisé une partie pour acheter un billet d’avion pour Istanbul, ajoute l’avocat.

Un crime prémédité ?

« Il s’agit d’un crime prémédité », estime Me Moussaoui, révélant que le suspect avait appelé mercredi dernier sa femme, lui demandant de revenir à la maison pour une soi-disant tentative de réconciliation. Ce qu’elle fit le lendemain. Mais deux jours plus tard, elle a été assassinée, tandis que le suspect avait en poche son billet pour la Turquie. La chaîne al-Jadeed a diffusé dimanche l’enregistrement d’une conversation entre la sœur de Zeina Kanjo et Ibrahim Ghazal, dans laquelle celui-ci reconnaît implicitement qu’il a tué sa femme parce qu’il l’aurait attrapée en flagrant délit d’adultère. « Lorsque tu rentres à la maison et que tu la trouves en compagnie d’une autre personne, qu’est-ce que tu fais ? (…) », l’entend-on lui demander. Des propos que Me Moussaoui juge avoir été émis dans l’intention de dévier l’enquête. « Le couple avait passé la soirée ensemble, jusqu’à une heure tardive », affirme-t-il, éliminant « toute possibilité de la présence d’une tierce personne le lendemain à l’aube, au moment du drame ».

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L’activiste Hayat Mershad, fondatrice de l’ONG Fe-male, décrit cet argument du mari comme un outil destiné à justifier des actes injustifiables. « En invoquant l’atteinte à son honneur, un mari violent cherche à s’attirer la sympathie des gens », fait-elle observer, soulignant qu’« il table également sur la crainte des parents de la victime de voir sa mémoire “éclaboussée’’ en raison d’un adultère qu’elle aurait commis ». « Il est temps que les responsables considèrent les violences contre les femmes comme une de leurs priorités », s’insurge par ailleurs Mme Mershad. « Malgré de nombreuses sessions de formation organisées par les associations pour la défense des droits de la femme à l’intention des agents des Forces de sécurité intérieure (FSI), ceux-ci ne prennent pas assez au sérieux les drames profonds que font subir à leurs épouses des hommes brutaux », se désole-t-elle.

Manque de fermeté

« Rien que l’année dernière, nous avons accompagné 14 cas de meurtres conjugaux », déplore pour sa part Céline el-Kik, assistante sociale et coordinatrice du centre de support au sein de Kafa, une association consacrée à la lutte contre les violences faites aux femmes. La loi contre la violence domestique n’est-elle donc pas efficace pour protéger les femmes ? Leila Awada, avocate et cofondatrice de Kafa, affirme qu’elle a certes assuré une avancée pour leur sécurité, mais pâtit d’un « manque de fermeté » dans son application. « Les mesures de protection édictées par la loi ne sont malheureusement pas appliquées de manière ferme et rapide. Il faudrait accélérer les procès et renforcer les sanctions contre les coupables sans leur accorder des circonstances atténuantes », réclame-t-elle. L’enquête est menée par le procureur général de Beyrouth, Ziad Abi Haidar.

Pour mémoire

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Il reste qu’au-delà de la loi 293, la persistance des violences trouve ses causes dans « le système patriarcal ancré dans la législation et dans la société », note Me Awada. « Tant que les lois discriminatoires régissant le statut personnel dans les différentes communautés consacrent le pouvoir absolu de l’homme au sein de sa famille en l’instituant gardien de l’honneur familial, on ne verra pas les crimes conjugaux se réduire », met-elle en garde. La militante appelle à l’adoption d’« un code unifié de statut personnel qui supprimerait les déséquilibres dans les relations conjugales et mettrait fin à l’autorité unilatérale du mari ».

Sept ans après l’adoption de la loi 293 sur la violence domestique (votée en 2014 et amendée en décembre 2020), nombre de femmes continuent de subir les mauvais traitements de maris qui, empreints d’une mentalité patriarcale, vont jusqu’à s’arroger le droit de vie ou de mort sur leurs épouses. C’est le cas de Zeina Kanjo, qui a été retrouvée morte samedi matin, étouffée à...
commentaires (3)

Et éduquer les fils, aussi, histoire qu'ils n'oublient pas que leurs épouses, compagnes, soeurs etc ne sont pas leurs propriétés

Florence TRAULLE

18 h 36, le 02 février 2021

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Commentaires (3)

  • Et éduquer les fils, aussi, histoire qu'ils n'oublient pas que leurs épouses, compagnes, soeurs etc ne sont pas leurs propriétés

    Florence TRAULLE

    18 h 36, le 02 février 2021

  • Ce ne sont pas les filles qu'il faut éduquer mais les mères qui les éduquent à obéir, tout accepter et souffrir en silence.

    Politiquement incorrect(e)

    12 h 10, le 02 février 2021

  • QUAND L,HONNEUR D,UN HOMME OU DE SA FAMILLE RESIDE ENTRE LES JAMBES D,UNE FEMME CA N,EST PAS DE L,HONNEUR C,EST DE L,IMBECILITE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 08, le 02 février 2021

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