On attendait la médiation du patriarche maronite Béchara Raï, celle du directeur de la Sûreté générale Abbas Ibrahim ou encore celle du président de la Chambre Nabih Berry, mais c’est le président du Conseil démissionnaire qui est intervenu. Hassane Diab a créé la surprise, mardi, en effectuant une tournée auprès des responsables du pays, le président de la République, le Premier ministre désigné puis le chef du législatif.
Pour d’autres, il ne s’agissait pas vraiment d’une tentative de médiation, mais plutôt d’une volonté de la part de M. Diab de rendre à Saad Hariri l’attention qu’il avait eue à son égard lorsque le juge d’instruction chargé de l’enquête sur la double explosion du port, Fadi Sawan, avait engagé des poursuites contre lui. Le chef du courant du Futur s’était alors rendu au Sérail, pour la première fois depuis la désignation de Hassane Diab pour former le gouvernement à la fin de 2019, dans une marque de solidarité avec le Premier ministre démissionnaire. Après l’incident de la vidéo du palais de Baabda, l’occasion était donc toute trouvée pour Hassane Diab de rendre la pareille à son successeur au Sérail en exprimant indirectement sa solidarité avec le Premier ministre désigné, tout en cherchant à contribuer à rapprocher les points de vue entre les différents protagonistes.
Pour d’autres encore, cette visite s’inscrit essentiellement dans le projet de former un front d’opposition au président de la République, qui regrouperait, entre autres, les Premiers ministres, anciens et actuels, et le président de la Chambre.
Cette dernière version est sans doute la moins probable, puisque Saad Hariri ne compte pas faire partie d’un tel front, pas plus d’ailleurs que Hassane Diab, et rien n’indique que Nabih Berry pourrait s’y rallier.
Par contre, selon une source qui suit de près les développements gouvernementaux, la première interprétation serait proche de la réalité. D’abord, relève cette même source, c’est une belle revanche pour Hassane Diab, l’homme qui a été critiqué par la rue sunnite pour avoir accepté de former un gouvernement (dont mardi était le premier anniversaire), d’être celui qui presse les protagonistes de former un nouveau gouvernement pour sortir le pays de la crise. M. Diab, qui a été contesté, boycotté et privé à plusieurs reprises des moyens d’agir, lui et son gouvernement, serait donc celui grâce à qui le déblocage arriverait. Il y avait là une belle satisfaction morale pour celui qui a, à plusieurs reprises, dû se battre contre les composantes politiques et les groupes de protestation populaires… Mais au-delà de cette dimension purement personnelle, la source précitée affirme que M. Diab a voulu, par cette tournée, tirer la sonnette d’alarme et exprimer son ras-le-bol d’être officiellement aux commandes dans une période aussi dramatique sans avoir les moyens d’agir et alors qu’il n’a qu’une envie, celle de reprendre le cours de sa vie d’avant le Sérail. Hassane Diab est en effet très inquiet de certains développements à venir, notamment au niveau d’une aggravation de l’effondrement financier et de la crise sociale avec une levée probable des subventions sur certains produits de base, sur fond de pandémie et de bouclage obligé du pays. Il estime que son gouvernement chargé de gérer les affaires courantes ne peut pas faire face à une telle aggravation de la crise, d’autant que les ministres démissionnaires ne sont pas en mesure, pour différentes raisons, d’assumer les responsabilités comme il le faudrait. Selon la source précitée, il aurait été très explicite en ce sens avec les trois responsables qu’il a rencontrés mardi, affirmant que son gouvernement ne peut pas faire face à une telle situation et le pays est en train de s’effondrer. La seule solution réside donc dans la formation d’un nouveau gouvernement en pleines fonctions, en mesure de prendre les décisions importantes nécessaires pour stopper l’effondrement et entamer le processus de redressement. C’est vrai que le gouvernement a gagné un peu de peu de temps sur le plan de la levée des subventions, mais ces mesures restent insuffisantes en cette période de crise sans précédent. Hassane Diab aurait donc été très clair en déclarant que ni lui ni les ministres de son gouvernement souhaitent continuer à gérer les affaires courantes dans de telles circonstances. Il ne reste donc plus aux responsables qu’une seule option, celle de former un gouvernement au plus tôt. De son côté, il est prêt à faire le nécessaire pour tenter de rapprocher les points de vue entre les différentes parties concernées, en particulier entre le chef de l’État et le Premier ministre désigné.
M. Diab a donc entamé sa tournée par un entretien avec Saad Hariri. Ses propos ayant été accueillis positivement ; il s’est empressé de se rendre à Baabda pour transmettre ce climat au chef de l’État et il a ensuite complété sa tournée par une visite à el-Aïn Tiné, sachant que le président de la Chambre avait laissé entendre à ses proches qu’il pourrait envisager une médiation entre Michel Aoun et Saad Hariri à partir de la semaine prochaine. Du côté du chef du courant du Futur, le terrain avait été déminé par le directeur de la Sûreté générale qui a rencontré M. Hariri dès son retour de son second voyage à Abou Dhabi.
La tension provoquée par la diffusion de la vidéo de Baabda s’est donc calmée, mais selon la source précitée, on est encore loin de l’aboutissement du processus de formation du gouvernement.
Certes, le climat général est devenu moins crispé, mais il faut désormais une initiative précise qui permette à MM. Aoun et Hariri de reprendre contact directement. C’est là que le patriarche maronite et le président de la Chambre pourraient intervenir…
commentaires (4)
TEXTE COUPE IL MANQUE POUR TOUJOURS
LA VERITE
17 h 59, le 21 janvier 2021