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Société - Covid-19 au Liban

Iman Shankiti : Nous voyons aujourd’hui les conséquences des rassemblements de fin d’année

La directrice du bureau de Beyrouth de l’Organisation mondiale de la santé estime nécessaire une prolongation du bouclage, qui doit en premier lieu permettre de diminuer la pression sur les hôpitaux et préparer la phase de réouverture.

Iman Shankiti : Nous voyons aujourd’hui les conséquences des rassemblements de fin d’année

Iman Shankiti : « L’OMS a équipé douze hôpitaux sur l’ensemble du territoire. » Photo DR

Face à une épidémie qui échappe à tout contrôle, la directrice du bureau de Beyrouth de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Iman Shankiti, ne cache pas son inquiétude. « Je suis de nature optimiste, mais là, je suis démoralisée », confie-t-elle. Dans une interview accordée à L’Orient-Le Jour, elle brosse un tableau de la situation et donne des conseils pour la suite, soulignant l’aide de l’agence onusienne pour le Liban.

Pourquoi le Liban est-il arrivé à cette situation de propagation exponentielle du virus ?

Plusieurs raisons sont à l’origine de la situation actuelle. La décision d’alléger les mesures durant les fêtes de fin d’année n’était pas judicieuse. Les rassemblements se sont multipliés dans l’irrespect total de toute mesure de prévention. Nous en voyons aujourd’hui les conséquences. Par ailleurs, nous ignorons si le variant britannique identifié en décembre est en grande circulation au Liban et s’il contribue à cette hausse des contaminations. Quoi qu’il en soit, à mon avis, le principal facteur de cette aggravation de la situation reste les grandes réunions sociales et familiales organisées en décembre. J’espère que les images diffusées dans les médias de patients en quête d’un lit d’hôpital serviront de leçon. Plus que jamais, la vigilance est de mise.

À quoi devrait aboutir le reconfinement strict qui a débuté jeudi dernier ?

Dans l’immédiat, à diminuer la pression exercée sur les hôpitaux. Nous ne devrons plus voir des patients recevant les soins sur une chaise dans une salle d’urgence, des patients qui ne trouvent pas de lit ou qui sont laissés sans oxygène faute de place. Au début, nous avons fait appel à la conscience des gens. Les résultats ont été décevants, sachant que la responsabilité est partagée.

La situation est inquiétante et difficile. À mon avis, il faudrait prolonger le bouclage. En principe, l’OMS ne demande pas la fermeture totale d’un pays, mais nous apprenons aussi des erreurs. Une grande partie des gens n’ont toujours pas compris la grande nécessité d’éviter les rassemblements.

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Il faudrait aussi effectuer des tests de dépistage PCR, retracer les cas et faire de la surveillance pour pouvoir identifier toutes les contaminations. Nous avons atteint un stade de transmission communautaire. Il est difficile donc d’aplanir la courbe. Il est toutefois possible de ralentir la progression de l’épidémie et de donner du répit au système de santé. Cela permet de renforcer les capacités des hôpitaux, sachant que le secteur public s’est développé de façon incroyable. Il assure les services de soins presque à égalité avec le secteur privé, alors qu’avant la pandémie, 85 % de ces services étaient prodigués par les établissements privés. C’est un exploit, vu l’urgence et les moments difficiles par lesquels passe le pays.

Comment est-il possible de continuer à retracer les cas, alors que l’épidémie a atteint des proportions incontrôlables ?

C’est sûr qu’on ne pourra pas contacter toutes les personnes contaminées par le virus. Il est toutefois possible de localiser les régions, les quartiers et même les immeubles qui connaissent la plus grande concentration de cas et prendre des mesures en conséquence. Il faut être innovateur. De plus, l’application Ma3an, développée par le ministère de la Santé, peut aider dans ce sens. Cette application est d’autant plus importante qu’avec la vaccination qui doit débuter prochainement, il est important de pouvoir suivre les personnes qui reçoivent le vaccin pour savoir si elles ressentent des effets indésirables. Cela fait partie de la pharmacovigilance.

Pourquoi cette saturation des hôpitaux, alors que le Liban compte près de 15 000 lits répartis sur plus de 150 hôpitaux ?

L’équipement d’un lit affecté au Covid-19 est différent d’un lit normal. De plus, ces unités nécessitent beaucoup d’investissements en termes de ressources humaines. Il faut compter cinq infirmiers(ères) pour un lit en soins intensifs dans une unité de Covid-19. Sans oublier que les établissements continuent de recevoir d’autres malades chroniques. De plus, les hôpitaux privés étaient réticents à se doter d’unités de Covid-19, de l’aveu même du président du syndicat, Sleiman Haroun. C’est maintenant qu’ils ont commencé à le faire. Cela reste insuffisant, mais c’est mieux qu’avant. Sur un autre plan, il n’est pas facile d’embaucher pour renforcer le corps infirmier. Je le sais par expérience, parce que l’OMS soutient cette profession dans le secteur public. À cela s’ajoute la crise financière qui a beaucoup affecté le secteur hospitalier, sa capacité à transformer des départements en unités de Covid-19 et la possibilité d’avoir le personnel adéquat.

Quelle sera l’aide de l’OMS dans cette phase ?

L’OMS n’a jamais suspendu son aide. Nous avons équipé douze hôpitaux à travers le pays, que ce soit en étages réguliers ou en unités de soins intensifs. Nous sommes en train de recruter les équipes d’infirmiers et nous œuvrons en vue de jumelages des secteurs public et privé pour améliorer la qualité des soins et des services offerts.

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Par ailleurs, nous allons couvrir les frais d’hospitalisation – notamment en soins intensifs – des patients issus des communautés les plus vulnérables, principalement les prisonniers, les migrants et les personnes ne bénéficiant pas d’une couverture médicale. Nous essayons dans la mesure du possible de nous aligner sur l’approche du gouvernement, sur les procédures et protocoles du ministère de la Santé, comme de soutenir les efforts déployés.

Quid des hôpitaux de campagne ?

Il est préférable que ces hôpitaux soient utilisés pour soigner d’autres maladies et de développer les infrastructures existantes pour le Covid-19. Il est ainsi possible de transformer un des grands établissements qui ont acquis les connaissances et le savoir-faire en un hôpital pour le Covid-19. Il est également possible de renforcer le soutien aux hôpitaux privés. À mon avis, il existe d’autres solutions plus réalistes, plus faciles et plus rapides que les hôpitaux de campagne, d’autant que ceux-ci ont besoin d’équipes pour les gérer et de ressources humaines, qu’il est difficile de trouver alors que les établissements actuels affrontent les mêmes problèmes.

Comment devra se faire le déconfinement selon vous ?

Il faut qu’il soit progressif et bien planifié. Une réflexion approfondie doit être menée dans ce sens. Il faut aussi convenir des mesures qui doivent être maintenues. Il ne faut pas rouvrir tous les secteurs en même temps.

Face à une épidémie qui échappe à tout contrôle, la directrice du bureau de Beyrouth de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Iman Shankiti, ne cache pas son inquiétude. « Je suis de nature optimiste, mais là, je suis démoralisée », confie-t-elle. Dans une interview accordée à L’Orient-Le Jour, elle brosse un tableau de la situation et donne des conseils pour la...

commentaires (2)

Merci pour votre constatation. Mais, au juste, quel est votre fonction au Liban ?

Esber

21 h 42, le 20 janvier 2021

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Commentaires (2)

  • Merci pour votre constatation. Mais, au juste, quel est votre fonction au Liban ?

    Esber

    21 h 42, le 20 janvier 2021

  • PAS SEULEMENT DE FIN D,ANNEE MAIS DE BIEN AVANT AUSSI. LES MESURES SANITAIRES DONT LE PORT DU MASQUE ET SURTOUT LA DISTANCIATION N,ONT JAMAIS ETE RESPECTES NULLE PART AU LIBAN. RESTAURANTS, BARS ET CAFES ONT TOUJOURS AFFICHE FULL LES UNS SUR LES AUTRES. SUR LES CORNICHES PIRES SURTOUT A TRIPOLI ET MINA ET AILLEURS BIEN SUR. INCOMPETENS RESPONSABLES ET M,ENFOUTISTES CITOYENS, VOILA LE RESULTAT. ESPERONS QUE LES DEUX VONT CHANGER LES UNS LEURS FAUTES ET LES AUTRES LEURS COMPORTEMENTS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 14, le 20 janvier 2021

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