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Société - Covid-19

Les hôpitaux de campagne, « un projet mort-né »

Ces structures militaires dont a fait don le Qatar ne peuvent servir que pour des situations d’urgence. Elles sont inefficaces pour lutter contre l’épidémie.

Les hôpitaux de campagne, « un projet mort-né »

Les hôpitaux offerts par le Qatar sont des hôpitaux militaires d’urgence et ne sont pas dotés de l’infrastructure nécessaire pour lutter contre le Covid-19. Photo Hussam Shbaro

L’épidémie de Covid-19 ne cesse de gagner du terrain au Liban, où la courbe des contaminations, des hospitalisations et des décès devra encore poursuivre son ascension vertigineuse d’ici à au moins deux semaines, de l’aveu des spécialistes. En cause principalement, les excès festifs observés à l’occasion des fêtes de fin d’année dans les lieux publics certes, mais aussi dans les maisons, chalets et appartements meublés.

La situation est catastrophique. Les scènes observées au cours des derniers jours de patients recevant leurs soins dans les salles d’urgence, les parkings des hôpitaux, leurs voitures ou encore assis sur une chaise devant les établissements hospitaliers ne font que le confirmer. Les hôpitaux sont saturés et plusieurs d’entre eux ne se sont toujours pas dotés d’unités Covid-19, onze mois après le début de l’épidémie au Liban, en février dernier, malgré les invitations répétées du ministère de la Santé dans ce sens. Les raisons sont multiples, principalement financières, l’État devant des milliards de livres libanaises au secteur privé.

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Parallèlement, la grogne monte contre le retard affiché dans l’installation des hôpitaux de campagne offerts par le Qatar, en novembre dernier. Dotés de 500 lits chacun, ils sont toujours soigneusement rangés à la Cité sportive de Beyrouth. Destinés au Liban-Nord et au Liban-Sud, ils tardent à être installés pour des raisons d’ordre logistique et financier, même si les tiraillements politiques entrent également en jeu. Misbah Ahdab, ancien député du Liban-Nord, confie ainsi qu’à Tripoli l’hôpital n’a toujours pas été installé parce que celui du Liban-Sud ne l’a pas été. « On essaie de traîner, lance-t-il. Sur un autre plan, certains hommes politiques de la région ont des préférences de terrain pour pouvoir en profiter. » Finalement il a été décidé de le placer dans un terrain adjacent à l’hôpital gouvernemental, dans la région de Kobbé. Au Liban-Sud, le tiraillement se poursuit au sein du tandem chiite. Le mouvement Amal veut placer l’hôpital de campagne à proximité de l’Hôpital libano-italien, à Tyr, et le Hezbollah dans le village de Maaroub.

Hôpitaux militaires

Le problème dépasse une simple question de terrain. En fait, « ces hôpitaux sont des hôpitaux militaires d’urgence avec des tentes en PVC, des lits militaires, quelques éléments de climatisation et des respirateurs portables sur lesquels les patients ne peuvent pas être branchés plus de deux heures, de l’aveu même des médecins », comme l’affirment à L’Orient-Le Jour le président de l’ordre des médecins du Liban-Nord Salim Abi Saleh et une source proche du dossier au Liban-Sud. « Pour faire fonctionner cet hôpital, il faut mettre en place toute une infrastructure avec un système administratif doté des équipements nécessaires, un corps infirmier, un laboratoire, une buanderie, une cuisine, une unité de désinfection… C’est un grand chantier et le ministère de la Santé n’a pas les moyens financiers pour le faire », explique le Dr Abi Saleh.Pour lui, la solution consiste donc à améliorer l’infrastructure des hôpitaux gouvernementaux dont le pays dispose. « Conformément à la loi d’urgence sanitaire, le ministère de la Santé a le droit de mettre la main sur des établissements qui servent son objectif de protéger la population de la pandémie, insiste le Dr Abi Saleh. Pourquoi ne réhabilite-t-il pas les hôpitaux qui ne fonctionnent pas et n’augmente-t-il pas leurs capacités ? Par ailleurs, de nombreux hôpitaux ont fermé plusieurs de leurs départements. Il est possible de les rouvrir pour les patients du Covid-19. Pourquoi va-t-on traiter les gens dans des tentes et mettre en place un nouveau corps administratif, alors qu’il y a des hôpitaux vides. Le pays n’a pas besoin d’hôpitaux de campagne, mais d’une gestion optimale des infrastructures pré-existantes. »

Même son de cloche chez le président de l’ordre des médecins de Beyrouth, Charaf Abou Charaf, qui donne dans ce cadre l’exemple de l’hôpital gouvernemental de Zahlé, dans la Békaa, « d’une capacité de 200 lits avec une équipe administrative et soignante de près de 200 personnes, mais dont uniquement dix lits sont occupés ». « Est-ce logique ? » se demande-t-il. « De nombreux hôpitaux privés ont mis la clé sous la porte, ajoute-t-il. Que le gouvernement les équipe pour lutter contre l’épidémie. »

Pas un seul hôpital gouvernemental à Tyr

Le président du conseil municipal de Tripoli, Riad Yamak, affirme de son côté que ce n’est que récemment que la municipalité a été contactée. « Le conseil a tenu une réunion extraordinaire au cours de laquelle il a décidé de débloquer la somme de 300 millions de livres libanaises pour réhabiliter le terrain sur lequel cet hôpital de campagne devrait être installé. L’argent a été prêté par l’une des personnalités influentes de Tripoli, le temps que l’épidémie soit contrôlée. J’ai découvert que cet hôpital n’a pas l’infrastructure nécessaire pour lutter contre le Covid-19. Il ne peut pas remplacer l’hôpital gouvernemental », explique-t-il.

Il souligne que le conseil municipal a proposé dans ce cadre de réaffecter le montant pour réhabiliter le Quality-Inn, un hôtel aménagé en centre d’isolement pour le Covid-19, qui a été fermé récemment, d’autant qu’il a été peu utilisé. « Cet hôpital peut faire l’objet d’un hôpital de campagne pour les cas légers. Une tente n’est d’aucune utilité », insiste-t-il.

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La situation ne se présente pas sous un meilleur jour dans le caza de Tyr « qui ne compte pas un seul hôpital gouvernemental, à part celui qui se trouve dans le camp des réfugiés palestiniens d’el-Bass, qui d’une part n’est pas équipé et d’autre part ne relève pas des autorités du caza sur le plan sécuritaire, selon la source précitée. Si on veut sauver des vies, il faut créer des unités de soins intensifs. Nous n’avons qu’une poignée de lits dans deux ou trois hôpitaux privés ».

« L’hôpital de campagne ne peut pas fonctionner, insiste-t-on dans le même milieu. Il nécessite une infrastructure qui n’existe pas et des effectifs qu’on n’a pas les moyens d’embaucher. C’est un projet mort-né. »

L’épidémie de Covid-19 ne cesse de gagner du terrain au Liban, où la courbe des contaminations, des hospitalisations et des décès devra encore poursuivre son ascension vertigineuse d’ici à au moins deux semaines, de l’aveu des spécialistes. En cause principalement, les excès festifs observés à l’occasion des fêtes de fin d’année dans les lieux publics certes, mais aussi dans...

commentaires (4)

Ils veulent le beurre et l'argent du beurre

Eleni Caridopoulou

18 h 46, le 15 janvier 2021

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Commentaires (4)

  • Ils veulent le beurre et l'argent du beurre

    Eleni Caridopoulou

    18 h 46, le 15 janvier 2021

  • Les hôpitaux de campagne, « un projet mort-né ». Qui rime bien avec pays borné...

    Gros Gnon

    18 h 05, le 15 janvier 2021

  • PAUVRES LIBANAIS. LE MANDAT ACTUEL N,A SEME QUE LA DESOLATION DANS LE PAYS A TOUTES LES ECHELLES.

    LA LIBRE EXPRESSION

    17 h 53, le 15 janvier 2021

  • et rebelote ! selon cet article et le témoignage de certains medecins,le qatar se devait AUSSI non seulement equiper entierement l'hopital de campagne mais aussi le mettre sur pied, engager du personnel medical, et regler quelques millions de fresh au ministere concerne. le Liban lui ne devait en rien s'y impliquer, rester les bras croises etait son unique devoir.

    Gaby SIOUFI

    10 h 38, le 15 janvier 2021

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