Alors que la communauté internationale, à l’initiative de Paris, tient demain mercredi une visioconférence consacrée à la levée de fonds à l’intention des ONG et des Libanais sinistrés par la tragédie du 4 août dernier, dans un message clair aux autorités libanaises, les atermoiements au niveau de la formation du gouvernement persistent. Selon des sources concordantes, une mouture de 18 ministres spécialistes serait déjà prête, même si elle n’a pas encore été soumise par le Premier ministre désigné Saad Hariri au président de la République Michel Aoun. Mais les chefs de file politiques, notamment ceux concernés de près par la mise en place de la future équipe, accorderaient apparemment la priorité au règlement de comptes politique, aux dépens du pays et de son avenir.
C’est ainsi que l’on peut expliquer le surplace dans les tractations gouvernementales depuis la dernière rencontre entre le président de la République et le Premier ministre désigné, qui remonte au 9 novembre. Lors de cette réunion, M. Aoun aurait demandé à Saad Hariri de lui présenter une mouture complète de son équipe, à condition que soient respectés ce que les cercles de Baabda appellent « des critères unifiés ». Le chef de l’État (maronite) réagissait ainsi au fait que M. Hariri (sunnite) avait lui-même choisi certains ministrables chrétiens, alors que le tandem chiite s’était vu concéder les Finances pour le conserver dans le giron de cette communauté et avait pu dresser une liste de ministrables (chiites) dans laquelle le Premier ministre désigné piocherait pour son équipe.
Près d’un mois plus tard, la présidence de la République campe toujours sur sa position : elle attend encore une mouture complète de la part de M. Hariri, souligne à L’Orient-Le Jour un proche du palais présidentiel. Il semble en outre exclure une prochaine rencontre entre MM. Aoun et Hariri, révélant que le chef du gouvernement désigné ne s’est pas rendu à Baabda hier. Cette source réagissait aux informations circulant dans les médias ces derniers jours, selon lesquelles Saad Hariri serait attendu au palais présidentiel pour remettre à Michel Aoun une mouture gouvernementale de 18 ministres.
Il n’en demeure pas moins que le Premier ministre désigné a déjà préparé ce projet d’équipe ministérielle, confirme à L’OLJ Moustapha Allouche, ancien député de Tripoli et tout récemment nommé vice-président du courant du Futur (présidé par M. Hariri). « Mais il s’abstient toujours de présenter cette mouture à Michel Aoun, craignant que celui-ci ne la refuse », explique M. Allouche. Le chef de l’État a en effet la prérogative de rejeter une mouture présentée par le Premier ministre désigné. Celui-ci se retrouverait, dans ce cas, dans l’obligation de se récuser, ce qui n’est apparemment pas dans les intentions de M. Hariri. « Nous sommes face à un bras de fer entre Saad Hariri et le tandem Aoun-Bassil », poursuit l’ancien parlementaire, en référence au député et gendre du président. Selon lui, le chef du Courant patriotique libre (CPL) « tente d’imposer ses conditions à M. Hariri, alors qu’il est parfaitement conscient que son retour au gouvernement à l’heure actuelle est impossible ».
« Toutes les options sont ouvertes »
Le point de vue exprimé par M. Allouche coïncide avec des analyses parues hier dans plusieurs articles de presse accusant le chef du CPL de s’ingérer dans les tractations gouvernementales entre Michel Aoun et Saad Hariri. Certains analystes politiques estiment même que le parti dirigé par Gebran Bassil chercherait à élargir le futur cabinet (en y incluant notamment un représentant de son protégé druze, Talal Arslane) afin d’obtenir le tiers de blocage. D’autant que le prochain gouvernement pourrait être appelé à diriger le pays à l’expiration du mandat de Michel Aoun (dans deux ans) en cas d’éventuelle vacance présidentielle, et que M. Bassil, toujours selon ces approches, voudrait y maintenir son influence.
Gebran Bassil mais aussi la présidence de la République ont démenti hier ces informations. Dans un communiqué publié par son bureau de presse, le chef du CPL a insisté sur l’importance « d’adopter des critères unifiés » pour la formation du gouvernement. C’est à partir de ce critère que « le CPL définira sa position à son égard ». Il décidera alors « de participer au cabinet ou de ne pas le faire, (il pourra) le soutenir ou s’y opposer ». Il s’agit de la toute première fois (depuis la démission du gouvernement de Hassane Diab) que le courant aouniste exprime clairement sa volonté de prendre part à l’équipe ministérielle, ayant maintes fois affirmé qu’il ne s’ingérerait pas dans ce processus. D’autant qu’à la suite de la nomination de Saad Hariri à la présidence du Conseil, Gebran Bassil s’était engagé à lui faciliter la tâche et à ne formuler aucune demande. Cela dénote-t-il un nouveau développement dans la position aouniste ? À ce sujet, Alain Aoun, député CPL de Baabda, met les points sur les « i ». « La position qu’exprime le communiqué signifie que toutes nos options sont ouvertes et que notre position définitive, surtout en ce qui concerne le vote de confiance, est tributaire de la nature de la future équipe. Nous attendons donc de voir ce que présentera Saad Hariri », souligne-t-il à L’OLJ.
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Saad à fait 15 ans en politique, Berri et Aoun ont chacun à leurs actifs 30 ans. Ils ont tous échoués et doivent partir le plus tôt.
Esber
22 h 00, le 01 décembre 2020