
Le président libanais Michel Aoun lors d’un point presse au palais de Baabda, lundi 21 septembre 2020. Photo Dalati et Nohra
Le président libanais, Michel Aoun, a adressé mardi au Parlement, à travers le chef du législatif, une lettre dans laquelle il appelle les députés à se réunir pour discuter du désistement, la semaine dernière, du cabinet de conseil international Alvarez & Marsal, qui avait été chargé d'auditer les comptes de la Banque du Liban (BDL). Dans sa missive, le chef de l'Etat estime qu'un tel audit juricomptable est "nécessaire" pour ne pas faire du Liban un Etat "failli" aux yeux de la communauté internationale. Le président du Parlement, Nabih Berry, n'a pas tardé à réagir, en convoquant une séance plénière, vendredi au palais de l'Unesco, afin de débattre du contenu de cette missive.
"Il faut que la Chambre coopère avec l'exécutif afin de permettre à l'Etat de mener l'audit juricomptable des comptes de la BDL", a écrit le président Aoun dans ce courrier transmis au Parlement. Il a par ailleurs estimé que des audits devraient être menés dans "toutes les institutions publiques afin de pouvoir accomplir les réformes réclamées et mettre en œuvre le programme d'aides dont le Liban a actuellement besoin". "Ce qui est arrivé est un revers dangereux pour l'Etat et les intérêts du peuple libanais", a-t-il ajouté, rappelant que les résultats de l'audit font partie des prérequis à toute négociation entre l'Etat et le Fonds monétaire international (FMI).
"Etat failli"
Le chef de l'Etat a indiqué que l'audit est "nécessaire pour que le Liban ne devienne pas un de ces Etats marginalisés et failli aux yeux de la communauté internationale". Il a rappelé que la rupture du contrat par Alvarez & Marsal, annoncée vendredi dernier, était due au fait que le cabinet d'audit n'avait pas pu mener sa mission à bien, la BDL n'ayant pas fourni les documents requis. La Banque centrale avait refusé d'envoyer certains des documents et des informations demandés par Alvarez & Marsal, en invoquant le secret bancaire. Le cabinet d'audit en avait conclu qu'il ne parviendrait jamais à mettre la main sur ces documents, même à l'issue du délai supplémentaire de trois mois convenu le 5 novembre dernier.
M. Aoun a souligné que l'audit était par ailleurs crucial pour déterminer les différentes sources du gaspillage des fonds publics et les responsables "à tous les niveaux", sans que personne ne puisse jouir d'immunité dans ce cadre, ainsi que pour récupérer les fonds pillés. "Les réformes sont indivisibles et elles sont synonymes de stabilité politique et sécuritaire", a-t-il déclaré, affirmant qu'il ne "pliera devant aucune pression visant à forcer l'abandon" de ces mesures.
L’audit de la BDL, et plus précisément son volet juricomptable, vise à remonter à la source des transactions passées par l’institution bancaire pour détecter d’éventuelles fraudes. Il constitue l'une des principales réformes réclamées par les pays donateurs. Son lancement effectif est l'une des clés du déblocage de l’assistance financière que le pays a sollicitée du FMI en mai, sans succès pour l’instant, alors que le Liban traverse une très grave crise économique et financière, et a impérieusement besoin d'injection de fonds.
Après l'annonce du désistement d'Alvarez & Marsal, plusieurs sources gouvernementales avaient annoncé qu'une réunion consacrée à ce dossier devrait rapidement avoir lieu, mais elle n'a pas encore été organisée.
Le chef de l'Etat a envoyé cette missive au Parlement dont le chef, Nabih Berry, est un soutien indéfectible du gouverneur de la BDL, Riad Salamé, au même titre que le leader du courant du Futur et Premier ministre désigné, Saad Hariri. Ces derniers sont accusés d'avoir voulu entraver la tenue de cette procédure d'audit. M. Aoun et le parti qu'il a fondé, le Courant patriotique libre (CPL), réclame à cor et à cri cet audit, tandis que MM. Berry et Hariri voient dans cette procédure une manœuvre dirigée autant contre eux que contre le patron de la BDL. Dans un communiqué publié lundi, le mouvement Amal, le parti du président de la Chambre, avait souligné que l'audit ne pourrait être réellement efficace que s'il concerne également les ministères et institutions, en allusion notamment au ministère de l'Energie, resté durant des années dans l'escarcelle du CPL. Et mardi, le bloc Amal a présenté au Parlement une proposition de loi visant à soumettre toutes les administrations et institutions publiques à l'audit juricomptable.
commentaires (12)
Il ne faut plus craindre les scandales, ils sont déjà passés à la Une des journaux du monde entier. Tout le monde sait que les politiciens libanais sont des pourris et il serait temps qu’ils dégagent. Mais avant cela il faut que ce personnage qui joue à l’homme fort en pointant son doigt sur d’on ne sait quelle direction dissolve le parlement et tire sa révérence. Nous nous occuperons du reste quelqu’en soit le prix.
Sissi zayyat
14 h 18, le 26 novembre 2020