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Politique - Décryptage

L’audit de la BDL au cœur de plusieurs bras de fer politiques

Le sujet provoque un affrontement entre deux camps, mais aussi au sein de certains partis.

L’audit de la BDL au cœur de plusieurs bras de fer politiques

Le siège de la banque centrale à Beyrouth. Photo AFP

Qui veut vraiment de l’audit de la BDL? Alors que le lancement de l’audit juricomptable de la Banque du Liban par le cabinet Alvarez & Marsal a été ajourné, le 5 novembre, pour au moins trois mois, le dossier se trouve au cœur de plusieurs bras de fer politiques entre les partis, et parfois même en leur sein. À première vue, deux camps semblent s’opposer : l’un, mené par le Courant patriotique libre (CPL) et soutenu par le président de la République Michel Aoun, se proclamant en faveur de cet audit ; l’autre, représenté par le gouverneur de la banque centrale, Riad Salamé, et ses soutiens, qui tentent visiblement de l’entraver. En jeu : une visibilité sur la situation financière réelle du pays qui permettrait de servir de point de départ à une politique crédible de reddition des comptes. Figurent aussi dans la balance la réputation du gouverneur de la BDL et le bilan de la politique financière menée depuis la fin de la guerre civile. Ce qui équivaudrait à répondre à cette question : qui sont les responsables de la faillite du Liban ?

A priori, personne n’a intérêt à ce que l’audit, réclamé comme un prérequis indispensable pour obtenir une aide financière conséquente de la communauté internationale, se fasse. Certains semblent toutefois considérer qu’ils ont moins à perdre que d’autres et usent du sujet comme d’une arme politique afin de gagner du terrain sur leurs adversaires. Ainsi, le CPL insiste pour que l’audit aboutisse coûte que coûte, au nom de la reddition des comptes. Une revendication que nombre d’analystes mettent sur le compte d’une stratégie populiste qui consiste à dire : les corrompus, ce sont les autres mais pas nous. Elle est d’autant plus vitale pour le camp aouniste que le chef du parti, Gebran Bassil, vient d’être sanctionné par le Trésor américain pour corruption et que le mandat Aoun a besoin d’une victoire avec l’audit pour restaurer l’image écornée de son sexennat. Le chef de l’État assure d’ailleurs à tous ses visiteurs que ce dossier figure en tête de ses priorités. Aujourd’hui au cœur du pouvoir, en particulier depuis le début du mandat Aoun, le CPL peut se targuer d’en avoir été longtemps éloigné et de ne pas avoir contribué, autant que les autres, au traditionnel partage du gâteau.

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Un argument que le parti soulève contre les alliés politiques de Riad Salamé, qui le soutiennent bec et ongles depuis de longues années : Nabih Berry, Saad Hariri et Walid Joumblatt. Ces derniers voient dans la manœuvre aouniste une opération de vengeance dirigée aussi bien contre eux que contre le patron de la BDL. Le CPL pourrait en effet faire d’une pierre deux coups : écarter le gouverneur de la banque centrale et le remplacer par un homme de confiance, et ainsi récupérer un levier supplémentaire de pouvoir par rapport à ses adversaires. Le camp aouniste a longtemps caressé le rêve de démettre de ses fonctions ce gouverneur maronite, considéré comme un proche de Saad Hariri et, à une époque, comme un potentiel candidat à la présidence de la République. « En tirant à boulets rouges sur Riad Salamé, c’est tout le camp politique adverse qui le soutient qui se trouve ainsi visé, à savoir Saad Hariri, accusé par le CPL d’être à la tête de la corruption », assure un ancien aouniste. Aujourd’hui, le patron de la BDL est d’autant plus vulnérable qu’il n’est plus soutenu par les États-Unis, comme il le fut avant la crise, et se trouve depuis plusieurs mois sur un siège éjectable.

« La justice doit s’appliquer à tous »

Jusqu’à présent, la BDL a invoqué la loi sur le secret bancaire en vigueur au Liban pour refuser de répondre à une partie des requêtes adressées par le cabinet Alvarez & Marsal. Le gouverneur a fait valoir le principe du secret bancaire qui lui interdit de divulguer certaines informations tombant, selon lui, sous le coup des textes de loi. D’où, font valoir les tenants de cette thèse, la nécessité de modifier les textes. « C’est absurde », rétorque la ministre de la Justice, Marie-Claude Najm, qui considère que cet argument sous-entend que « l’État ne peut pas connaître les chiffres de sa propre banque centrale ». Elle précise qu’il n’y a pas de secret bancaire sur les comptes publics et que si les informations demandées devaient conduire à des personnes privées, les noms seraient remplacés par des chiffres conformément à la pratique courante en matière d’audit. Dans un entretien accordé à L’Orient-Le Jour, la ministre assure que le gouverneur « est juridiquement couvert par une décision gouvernementale » prise dès lors que le cabinet de Hassane Diab a explicitement décidé, en mars dernier, d’effectuer cet audit. « Ceux qui avancent des prétextes de ce genre donnent indirectement l’impression qu’ils ont des choses à cacher », ajoute sans ambages Marie-Claude Najm.

Cela suppose de toute évidence que les aounistes ne semblent pas craindre, autant que leurs adversaires politiques, les conséquences de l’audit de la BDL. Une hypothèse que la ministre de la Justice balaie d’une phrase, en affirmant que, bien que l’on ne puisse pas prédire exactement ce que cet audit pourrait révéler, on ne voit pas pourquoi il serait dirigé contre une partie ou une autre : « c’est l’un des principaux points de l’initiative française, que toutes les parties ont entérinée, et sans laquelle aucun soutien ne sera apporté au Liban ».

« Personnellement, je n’ai que faire des batailles politiques ou des alignements partisans, qui ne me concernent ni de près ni de loin. Je suis une ministre indépendante, qui fait son devoir en veillant à l’application d’une décision prise par le gouvernement », répond Mme Najm . Selon elle, si le cabinet a décidé de mettre en branle ce premier pas dans la foulée des réformes requises, cela ne signifie aucunement que les autres ne suivront pas.  « Il faut revenir à la raison d’être de cette mesure : les gens n’arrivent pas à accéder à leurs dépôts dans les banques, lesquelles les avaient placés à la BDL ; ils ont le droit de savoir où sont partis ces dépôts. Il fallait bien commencer par là », justifie la ministre, convaincue que tout ce remue-ménage n’est autre qu’une fuite en avant et des manœuvres d’obstruction pour arrêter le processus.

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Dans les milieux du chef du Parlement Nabih Berry, un allié indéfectible du gouverneur de la BDL, on estime que cet audit, pourtant mentionné par la feuille de route avalisée par l’ensemble des partis devant le président français Emmanuel Macron, est devenue une arme politique aux mains de ceux qui la manient. « S’il y a une justice, elle doit s’appliquer à tous », affirme le député du bloc Amal Yassine Jaber, pour qui une véritable reddition des comptes ne peut avoir lieu que si l’audit concerne l’ensemble des institutions publiques, à commencer par le ministère de l’Énergie, aux mains du CPL depuis des années. « Pourquoi s’en prendre uniquement au gouverneur de la banque centrale, en oubliant qu’il a avec lui un conseil exécutif et quatre vice-gouverneurs ? » s’interroge encore le député.

Dans un entretien accordé hier au quotidien Le Figaro, le ministre des Finances Ghazi Wazni, proche de Nabih Berry, s’est pourtant aligné sur la position de la ministre de la Justice pour déclarer que « les fonds publics ne peuvent pas être couverts par le secret bancaire », alors même que le parti qu’il représente tient la position inverse. Il a cependant laissé la porte ouverte devant l’éventualité d’un amendement de la loi, comme le requiert son parrain politique.

Dissensions au sein du CPL

La problématique est toujours la même : qui va payer la note ? Mais la fracture politique est moins claire qu’il n’y paraît, des dissensions existant au sein même du camp aouniste sur cette question. La polémique s’est déplacée sur Twitter ce week-end avec un échange au vitriol entre Marie-Claude Najm et le député du CPL Ibrahim Kanaan.

Censé défendre un dossier parrainé par le président et par sa propre formation politique, Ibrahim Kanaan a semblé s’aligner sur la position défendue par la BDL et ses alliés. Sans mâcher ses mots, le chef de la commission parlementaire des Finances a violemment réagi aux propos de Mme Najm qui avait mis en doute l’intention de tous ceux qui entravaient l’audit en prétextant un amendement de la loi. Une déclaration publique qui lui a valu d’être qualifiée de « ministre de la non-justice » qui, a-t-il ajouté, n’a à son crédit aucune réalisation à ce jour. « Je n’attends aucune reconnaissance de la part du président de la commission de l’effondrement financier et budgétaire », lui a rétorqué la ministre de la Justice.

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Un échange à boulets rouges qui en dit long sur les divergences d’opinions et les divisions qui minent le CPL depuis un certain temps. « Ibrahim Kanaan est connu pour sa proximité avec les milieux bancaires. Il constitue aux côtés de Nabih Berry, Saad Hariri, Walid Joumblatt et Élie Ferzli un réseau d’intérêts conjoints », explique un analyste proche du Hezbollah. Pour calmer le jeu et dans un souci de camoufler les dissensions au sein de son parti, le chef du CPL s’est empressé d’affirmer dimanche dans un tweet que « l’audit des comptes de la BDL est un devoir national et une priorité absolue », soulignant que son parti est « uni et décidé » concernant ce dossier.

Bien que souhaitant, tout autant que M. Aoun, voir Riad Salamé déboulonné de la BDL – notamment pour apaiser sa base populaire –, le Hezbollah fait pour sa part profil bas à ce sujet, ne pouvant aller à contre-courant de la position de son grand allié Nabih Berry, comme le relève l’analyste proche du Hezbollah.


Cet article a été modifié le 17 novembre à 11h30

Qui veut vraiment de l’audit de la BDL? Alors que le lancement de l’audit juricomptable de la Banque du Liban par le cabinet Alvarez & Marsal a été ajourné, le 5 novembre, pour au moins trois mois, le dossier se trouve au cœur de plusieurs bras de fer politiques entre les partis, et parfois même en leur sein. À première vue, deux camps semblent s’opposer : l’un, mené par...

commentaires (10)

POURQUOI N'Y A T IL PAS UN SEUL POLITICIEN CORROMPU QUI A UN SURSAUT D'HONNEUR EN VUE DE LA SITUATION DU PEUPLE LIBANAIS ACTUELLE POUR SE DEMASQUER ET DEMASQUER TOUS LES AUTRES EN AVOUANT SES FORFAITS ET PREUVE A L'APPUI DENONCER TOUS LES AUTRES AINSI QUE LES GRANDS COMMERCANTS ET BANQUIERS VERREUX LA VERITE LE PARLEMENT DEVRAIT VOTER UNE LOI GRACIANT D'OFFICE TOUTE PERSONNE QUI DONNE DES PREUVES D' ELEMENTS DE CORRUTIONS SUR LUI MEME OU D'AUTRES AFIN DE FINIR UNE FOIS POUR TOUTE DE CE CIRQUE

LA VERITE

14 h 59, le 17 novembre 2020

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Commentaires (10)

  • POURQUOI N'Y A T IL PAS UN SEUL POLITICIEN CORROMPU QUI A UN SURSAUT D'HONNEUR EN VUE DE LA SITUATION DU PEUPLE LIBANAIS ACTUELLE POUR SE DEMASQUER ET DEMASQUER TOUS LES AUTRES EN AVOUANT SES FORFAITS ET PREUVE A L'APPUI DENONCER TOUS LES AUTRES AINSI QUE LES GRANDS COMMERCANTS ET BANQUIERS VERREUX LA VERITE LE PARLEMENT DEVRAIT VOTER UNE LOI GRACIANT D'OFFICE TOUTE PERSONNE QUI DONNE DES PREUVES D' ELEMENTS DE CORRUTIONS SUR LUI MEME OU D'AUTRES AFIN DE FINIR UNE FOIS POUR TOUTE DE CE CIRQUE

    LA VERITE

    14 h 59, le 17 novembre 2020

  • Remplacer Salamé par un homme honnête? Y a t-il encore une personne qui gravite dans ce milieu qu’on peut qualifier d’honnête ou même de patriote? Chacun veut assurer le camouflage de ses larcins et y va de ses accusations. Le peuple veut simplement savoir ce que les centaines de milliards volé sur trente sont devenus. Sur quel compte ou offshore ont ils atterri pour qu’ils soient si sûrs que jamais on arriverait à prouver leur culpabilité. Ils continuent de proclamer leur innocence alors que leur culpabilité crève les yeux. Qu’attendent ceux qui détiennent la vérité pour révéler au grand jour les preuves de leur crime de tout genre pour leur clouer le bec et les traduire en justice? Tant que ça n’est pas fait, ils continueront à gueuler plus fort et continuer leur manipulations pour camoufler toutes les preuves des vols à l’intérieur du pays jusqu’à envoyer un soudeur pour réparer les coffres forts ou les bureaux où se trouvent toutes les preuves de leur culpabilité. Ils s’en sortiront comme à chaque fois. Il est temps que la justice passe à l’acte et impose ses conditions pour qu’on lui fournisse les documents nécessaire pour connaître les montants des pillages dans chaque ministère avant que le feu ne les ravage. On n’est plus à un incendie près.

    Sissi zayyat

    10 h 52, le 17 novembre 2020

  • on repete que le pres aoun&son parti sont les fers de lance requerant l'audit de la BDL car avides de justice, pourtant on n'oublie que selon ce qu'avait ete dit et ecrit,est que suite a un certain deal avec baabda riad salame fut absout et son gouvernorat renouvele.

    Gaby SIOUFI

    10 h 00, le 17 novembre 2020

  • l'hypocrite Hezbollah se targue de combattre la corruption mais des que le corrompu en chef ouvre le bec, le Hezb se couche ou fait semblant de regarder ailleurs. Au final, aussi corrompu que les autres...

    Lebinlon

    09 h 25, le 17 novembre 2020

  • 15'000 c'est pour Noël !

    TrucMuche

    08 h 42, le 17 novembre 2020

  • Et pendant ce temps, la livre dégringole à nouveau! Bravo, continuez à vous battre pour montrer et démontrer votre Incompétence et votre corruption. Le Liban sera beau avec une livre à 15'000. Les paris sont ouverts, pour Noël ou pour Pâques ?

    TrucMuche

    08 h 41, le 17 novembre 2020

  • Ben oui...aucune des fourmis de notre fourmilière nationale, même la reine...n'a la conscience tranquille...ayant amassé et engrangé consciencieusement...chacune pour son propre compte. En plus, la fourmi n'est pas prêteuse ! Qui aura le courage pour donner le coup de pied nécessaire à cette fourmilière ? - Irène Saïd

    Irene Said

    08 h 02, le 17 novembre 2020

  • mafiet a gogo

    Souraya Fakhoury

    07 h 36, le 17 novembre 2020

  • "Qui veut vraiment de l’audit de la BDL?". C'est a bonne question! Bien sûr, un tel audit est nécessaire, tout autant que celui du ministère de l'Energie (que Bassil "oublie" de mentionner) - à condition qu'il soit mené par un bureau au-dessus de tout soupçon, ce qui n'est peut-être pas le cas ici. Salamé se défend en disant qu'il ne peut communiquer certaines données sans la permission du ministre des Finances. Qu'attend donc le dit ministre (sur qui pèsent de graves accusations de corruption, faut-il le rappeler?) pour lui donner cette permission, voire l'ordre?

    Yves Prevost

    07 h 14, le 17 novembre 2020

  • "... écarter le gouverneur de la banque centrale et le remplacer par un homme de confiance ..." impossible, en tout cas tant que le gouverneur de la BDL doit nécessairement être de nationalité Libanaise...

    Gros Gnon

    03 h 23, le 17 novembre 2020

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