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Économie - Politique monétaire

Retraits en livres : la BDL lâche du lest pour les achats de médicaments

Les banques peuvent débloquer plus de liquidités depuis leurs comptes courants à la Banque centrale pour répondre à certains besoins.

Retraits en livres : la BDL lâche du lest pour les achats de médicaments

Une chambre à l’hôpital Saint-Georges à Beyrouth, qui a été touché par la catastrophe du 4 août dernier. Photo Patrick Baz/AFP

Hantant les esprits des agents économiques libanais depuis octobre, la question, hautement problématique, des limites de retraits en livres et leur impact sur une économie où la majorité des transactions sont réglées en espèces en plein contexte de crise, a fait l’objet d’un nouvel aménagement décidé par la Banque du Liban (BDL).

Dans une décision transmise jeudi aux banques – et que L’Orient-Le Jour a pu consulter –, la BDL a indiqué qu’elle avait concédé augmenter les plafonds de retraits de liquidités en livres que les banques peuvent effectuer à partir de leurs comptes courants auprès d’elle, afin de répondre aux besoins en espèces de certains agents économiques, principalement pour les achats de médicaments et d’équipements médicaux, alors que plusieurs hôpitaux de la capitale touchés par la crise ont, de surcroît, été fortement endommagés par la double explosion au port de Beyrouth du 4 août dernier. Les banques susceptibles d’en bénéficier doivent en revanche notifier la Banque centrale chaque semaine en fournissant des justificatifs (des factures notamment).

Besoin en liquidités

Les fonds en espèces que les banques retirent de leurs différents comptes à la Banque centrale leur servent justement à répondre aux besoins de leurs clients. Or, en octobre, la BDL a reconnu avoir réduit les quantités d’espèces en livres qu’elle permet aux banques de retirer depuis leurs comptes courants, une opération qui ne leur engendre aucune perte, en leur imposant de prélever tout ce qui dépasse sur leurs comptes à terme, amputant au passage les rémunérations sur les intérêts qu’elles perçoivent.

Si elle ne l’a jamais publiquement explicitée, la BDL espère via cette mesure reprendre le contrôle sur la masse monétaire en livres qui a été multipliée par presque 4 en un an, sur fond de crise, de restrictions bancaires sur les opérations en devises et de dévissage de la livre par rapport au dollar. Elle a toutefois accepté de mettre de l’eau dans son vin une première fois après une franche levée de bouclier des banques, des entrepreneurs et d’une partie de l’opinion publique en acceptant un compromis sur le coût de la mesure sur les banques (en réduisant la fraction de rémunération perdue par la banque en cas de retrait à partir d’un de ses comptes à terme). Plusieurs établissements avaient rétabli les plafonds de retraits à un niveau quasi normal, tandis que d’autres, moins bien positionnés en termes de liquidités, n’auraient pas joué le jeu, selon nos informations.

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La BDL augmente les plafonds de retraits de livres des banques pour certains cas de figure

Toujours en octobre, et peu avant sa décision sur les plafonds de retraits en livres, la BDL avait publié une circulaire (intermédiaire n° 572) imposant à une partie des importateurs qui bénéficient d’une partie de ses mécanismes de subventions sur le prix du dollar (blé, carburant, médicaments, matériel médical, matières premières pour l’industrie pharmaceutique) de lui fournir en espèces les montants en livres qu’ils souhaitent convertir en dollars au taux officiel. Par conséquent, les importateurs concernés sont désormais contraints de fournir à la BDL 85 %/90 % (en fonction du mécanisme prévu) de leurs factures en liquide en livres libanaises au taux de 1 507,5 et les 10/15 % restants en devises.

Paiement en espèces

Face à ces nouvelles restrictions, de nombreux entrepreneurs (importateurs, grossistes, commerçants de détail) ont commencé à refuser les paiements en chèque ou par carte tandis que plusieurs secteurs impactés, comme les hôpitaux ou les stations-services ont alerté sur l’impact de la mesure sur leur façon de travailler. « En fin de compte, tout cela se répercute sur le consommateur final qui est désormais forcé de payer ces achats en liquide », a par exemple indiqué Georges Brax, membre du syndicat des propriétaires de stations-service.

Selon une société importatrice de carburants, ce sont près de 90 % des stations qui n’acceptent que les paiements en cash. Quant aux sociétés (dont hôpitaux et usines pour alimenter leurs groupes électrogènes notamment) qui ne sont pas capables de payer l’intégralité de la facture en espèces, « nous nous arrangeons avec elles pour que la majorité de la facture le soit jusqu’à ce qu’elles aient le temps de s’adapter », ajoute la société contactée. La situation est encore plus problématique pour les hôpitaux où 10 % des personnes hospitalisées payent directement en espèces ; les 90 % restantes étant prises en charge par les compagnies d’assurances ou la CNSS, qui remboursent, elles, par chèques ou par transferts bancaires.

Si l’Association des banques du Liban (ABL) puis la BDL sont montées au créneau en octobre pour tenter de rassurer ces agents, leurs promesses de fournir suffisamment de liquidités aux filières qui en ont le plus besoin n’avaient jusqu’à présent pas été suivies d’effet. Une situation notamment dénoncée par les importateurs de matériel médical et d’équipement médicaux. « Notre seule source de liquidités aujourd’hui sont les pharmacies », a par exemple indiqué Karim Gebara, président du syndicat des importateurs de médicaments, précisant que ces dernières encaissent presque l’intégralité de toutes les factures en espèces. Les sociétés importatrices de matériel médical ont, elles, regretté que ces difficultés aient contribué, entre autres, à réduire le montant des importations aux dépens des besoins du pays. Salma Assi, présidente du syndicat des importateurs de matériel médical, indique que le montant des importations dans sa filière avait atteint 133 millions de dollars sur les dix premiers mois de 2020 et « ne devrait pas dépasser les 180 millions de dollars, dans le meilleur des cas, sur l’ensemble de l’année », alors qu’il avait totalisé 244 millions en 2019.

Producteurs de tabac

C’est donc sans surprise que la nouvelle décision de la BDL intervient précisément au niveau des médicaments et du matériel médical. Les banques pourront ainsi retirer plus de livres depuis leurs comptes courants, si ces liquidités sont destinées à assurer les besoins des hôpitaux pour le paiement des achats d’équipements médicaux et de médicaments ; des institutions qui ont besoin d’équipements médicaux et de médicaments au sein de l’armée, des Forces de sécurité intérieure, des Forces de sécurité de l’État et de la Sûreté générale ; et, enfin, du ministère des Finances pour régler les achats de médicaments destinés à soigner les maladies chroniques à la charge du ministère de la Santé.

Plus surprenant, le texte inclut également les banques qui doivent débloquer des livres pour les cultivateurs de tabac, selon les conditions fixées par la Régie libanaise des tabacs et tombacs (qui n’ont pas été précisées dans la décision de la BDL). L’inclusion de ce dernier cas de figure interpelle par son décalage, en termes de nécessité, avec les trois premiers, surtout que la production locale de tabac ne répond qu’à une infime partie des besoins de la Régie, qui détient le monopole de la production de cigarettes au Liban. Pour une source proche de l’établissement, cette décision a été prise « parce que beaucoup d’agriculteurs qui travaillent avec la Régie n’ont pas de comptes en banques ». Hasard du calendrier, les cultivateurs concernés ont par ailleurs récemment réclamé une majoration du prix du tabac qu’ils vendent à la Régie, en invoquant la situation économique. L’établissement public est rattaché au ministère de Finances, dévolu depuis plusieurs années au mouvement chiite Amal dirigé par le président du Parlement, Nabih Berry.

Hantant les esprits des agents économiques libanais depuis octobre, la question, hautement problématique, des limites de retraits en livres et leur impact sur une économie où la majorité des transactions sont réglées en espèces en plein contexte de crise, a fait l’objet d’un nouvel aménagement décidé par la Banque du Liban (BDL).Dans une décision transmise jeudi aux banques – et...

commentaires (1)

Merci merci merci. On vous baise les pieds. Vous êtes trop magnanimes. Merci merci et encore merci. On avait raison de vous faire confiance et de vous confier tous nos sous. Des décisions comme celle-ci nous rassurent tellement. J’ai déjà dit merci? Non? Alors merci!

Gros Gnon

19 h 36, le 14 novembre 2020

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Commentaires (1)

  • Merci merci merci. On vous baise les pieds. Vous êtes trop magnanimes. Merci merci et encore merci. On avait raison de vous faire confiance et de vous confier tous nos sous. Des décisions comme celle-ci nous rassurent tellement. J’ai déjà dit merci? Non? Alors merci!

    Gros Gnon

    19 h 36, le 14 novembre 2020

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