Rechercher
Rechercher

Moyen-Orient - Portrait

La disgrâce du gendre d’Erdogan

L’ex-ministre turc des Finances a annoncé, dimanche dernier, sa démission, alors que l’économie du pays ne fait que se dégrader.

La disgrâce du gendre d’Erdogan

L’ex-ministre turc du Trésor et des Finances, Berat Albayrak, prend la parole lors d’une cérémonie au centre des congrès et de la culture de Bestepe, à Ankara, le 7 septembre 2020. Adem Altan/AFP

C’est une annonce pour le moins surprenante. Berat Albayrak, homme-clé du pouvoir et gendre du reïs turc, a fait savoir, dimanche dernier au soir, dans un simple post sur Instagram, qu’il renonçait à ses fonctions « en raison de problèmes de santé ». « À partir de maintenant, je consacrerai mon temps à ma mère, mon père, ma femme et mes enfants », a poursuivi l’ex-numéro deux de l’exécutif, prenant de court, semble-t-il, son beau-père ainsi que le reste du gouvernement. Plus de 24 heures se sont en effet écoulées avant que le ministère de la Communication confirme la démission du ministre sortant, indiquant que sa volonté « d’être libéré de ses fonctions a été acceptée ».

Ce départ inattendu alimente les rumeurs sur des intrigues de palais au sein de la classe politique turque. Les raisons invoquées par Berat Albayrak sont d’autant plus difficiles à croire que la démission de ce dernier intervient deux jours après le limogeage de Murat Uysal, gouverneur de la banque centrale de Turquie, annoncé par un décret présidentiel. Recep Tayyip Erdogan avait-il connaissance du souhait de son gendre ? Est-il, au contraire, responsable de l’évincement de l’homme de 42 ans qui était présenté comme son successeur potentiel ?

Car depuis 2015, date à laquelle Berat Albayrak commence sa carrière politique, rares sont les apparitions du président turc sans la présence de l’ex-ministre des Finances. Celui-ci était aux côtés de Recep Tayyip Erdogan, en vacances dans le sud-ouest de la Turquie, lorsque le coup d’État du 15 juillet 2016 a éclaté. Ou encore lors de l’annonce par le reïs turc de l’échec de ce même putsch.

Les deux hommes sont voués à se rencontrer, alors que le président turc noue des liens étroits avec la famille Albayrak, notamment Sadik, le père de Berat, un ancien journaliste et député islamiste dont il est très proche. Signe de la proximité entre les deux familles, Berat Albayrak épouse, en 2004, la fille aînée de Recep Tayyip Erdogan, Esra, avec qui il aura 4 enfants. Plusieurs dirigeants étrangers sont présents à leur mariage, parmi lesquels le président pakistanais Pervez Musharraf, le roi de Jordanie Abdallah II et les Premiers ministres grec et roumain Costas Caramanlis et Adrian Nastase.

Népotisme

À cette époque, le jeune marié travaille pour la société Calik Holding, ayant des intérêts dans les médias mais aussi dans le textile et l’énergie, qu’il préside à partir de 2007. Fort d’un master en finance obtenu à l’Université Pace de New York, Berat Albayrak devient député en juin 2015 puis entre au gouvernement en novembre, où il officie comme ministre de l’Énergie. La poursuite de sa carrière a lieu de manière fulgurante, alors que le protégé du président est propulsé trois ans plus tard à la tête du ministère des Finances. Les accusations de népotisme ne cessent de pleuvoir sur le président turc au sujet de la nomination de son gendre, en 2015 comme en 2020. D’autres polémiques viennent entacher la réputation de ce dernier dans l’exercice de ses fonctions.

Décembre 2015. La Russie accuse Berat Albayrak d’être impliqué dans le commerce de pétrole avec le groupe terroriste État islamique. Ces allégations interviennent au plus fort de la crise diplomatique russo-turque, qui débute en octobre de la même année avec l’incursion d’un appareil militaire russe dans l’espace aérien turc et qui atteint son paroxysme, le 24 novembre, lorsque l’armée turque abat un bombardier russe à la frontière turco-syrienne. Ankara et Moscou sont vivement opposés sur le dossier de la guerre civile en Syrie et M. Erdogan qualifie de calomnie les condamnations du Kremlin envers son gendre. Ce dernier parvient à déjouer les critiques et, près de 9 mois plus tard, l’heure est à la réconciliation avec Moscou. Berat Albayrak est présent au sein de la délégation ministérielle qui accompagne le président turc à Saint-Pétersbourg, le 9 août 2016, lors de sa première visite à l’étranger depuis le putsch manqué du 15 juillet. Entre autres initiatives abordées pour relancer la relation bilatérale russo-turque figure la poursuite du projet gazier TurkStream, signé le 10 octobre de la même année.

L’ex-ministre de l’Énergie s’emploie à redorer les relations d’Ankara avec les gouvernements étrangers, à la faveur de grands projets énergétiques. C’est ainsi qu’après des années de tensions entre la Turquie et Israël, les deux pays annoncent, le 27 juin 2016, la normalisation de leurs relations diplomatiques, scellée par la rencontre ministérielle entre Berat Albayrak et son homologue israélien Yuval Steinitz.

Albayrak-Kushner

Fort de ses relations privilégiées avec des hommes-clés des administrations étrangères, le gendre du reïs établit, plus récemment, une collaboration particulièrement étroite avec Jared Kushner, gendre de Donald Trump, chargé par ce dernier de définir la politique moyen-orientale des États-Unis. Les deux responsables politiques multiplient les rencontres informelles et permettent à leurs chefs d’État de nouer une relation personnelle, qui fera pencher la balance en faveur de la Turquie sur plusieurs dossiers. Comme en octobre 2019, lors de l’annonce par les États-Unis du retrait de leurs troupes stationnées dans le nord de la Syrie pour permettre à la Turquie d’y mener une incursion militaire, décision rendue publique après un appel téléphonique entre Donald Trump et Recep Tayyip Erdogan.

Certains observateurs s’accordent à dire que le récent départ du ministre des Finances viserait à donner un gage de coopération avec la future administration américaine au président fraîchement élu, Joe Biden. Mais il pourrait bien être la conséquence de la politique économique impopulaire menée par le proche du président turc, qui n’a cessé, depuis deux ans, de prôner le maintien de taux d’intérêt bas pour encourager l’activité économique du pays. La monnaie nationale est marquée par une forte dépréciation, la livre turque ayant baissé de près de 30 % par rapport au dollar au cours de l’année. « Le mandat d’Albayrak a été catastrophique pour l’économie turque, mais pas seulement à cause des taux d’intérêt et d’autres décisions macroéconomiques. L’économie turque est en train de sombrer parce que la Turquie n’a plus d’État de droit ni de climat dans lequel les investisseurs estiment que leur argent est en sécurité », observe Asli Aydintasbas, spécialiste de la politique turque au sein de l’European Council of Foreign Relations (ECFR). À cela s’ajoute la pandémie de Covid-19 qui a frappé le pays alors qu’il se remettait doucement de la crise économique sévère de 2018.

Face à cette situation, le président turc aurait cherché à se défaire de son ministre sous le feu des critiques et marquer le retour à une politique économique orthodoxe. « L’explication la plus crédible est qu’Erdogan s’est finalement rendu compte de la situation économique particulièrement difficile et vulnérable du pays, en particulier l’épuisement des réserves de change à hauteur d’environ 100 milliards de dollars sur une année », commente Sinan Ülgen, spécialiste des affaires internationales turques au Carnegie Europe à Bruxelles. La décision du leader turc intervient alors que les votes pour son parti de l’AKP sont en déclin. « C’est une décision pragmatique d’Erdogan, qui a montré une fois de plus qu’il était capable de faire demi-tour lorsque sa propre carrière est en jeu », indique à son tour Asli Aydintasbas.

C’est une annonce pour le moins surprenante. Berat Albayrak, homme-clé du pouvoir et gendre du reïs turc, a fait savoir, dimanche dernier au soir, dans un simple post sur Instagram, qu’il renonçait à ses fonctions « en raison de problèmes de santé ». « À partir de maintenant, je consacrerai mon temps à ma mère, mon père, ma femme et mes enfants », a poursuivi...

commentaires (5)

quel visage franc, quel sourire pas carnassier du tout.

Christine KHALIL

15 h 54, le 16 novembre 2020

Tous les commentaires

Commentaires (5)

  • quel visage franc, quel sourire pas carnassier du tout.

    Christine KHALIL

    15 h 54, le 16 novembre 2020

  • 3 GENDRES, 2 ECHECS . VOUS DEVINEZ DE QUI IL S'AGIT N'EST CE PAS

    Gaby SIOUFI

    17 h 44, le 13 novembre 2020

  • Exemple à suivre … Inchallah !

    Le Point du Jour.

    16 h 09, le 13 novembre 2020

  • SELON DES SOURCES SUPER MAL INFORMEES. LE GENDRE Berat AURAIT APPELE LE GENDRE JOBRAN POUR LE POUSSER A DEMISSIONNER LUI AUSSI !

    Gaby SIOUFI

    10 h 31, le 13 novembre 2020

  • AOUN et ERDOGAN deux reis ayant en commun l humiliation de ne pas avoir de descendance masculine,manipules par leurs gendres.....

    HABIBI FRANCAIS

    09 h 28, le 13 novembre 2020

Retour en haut